Aux États-Unis, les stades de football qui sont dotés de la 5G offrent la possibilité aux spectateurs de visionner des reprises « multiangles ». (Photo: Getty Images)
TÉLÉCOMMUNICATIONS. La vente aux enchères du spectre de la bande de 3,5 GHz devait initialement se dérouler en décembre 2020, mais la pandémie en a décidé autrement. Le gouvernement fédéral a en effet annoncé qu’il reportait les enchères à juin 2021, afin de «permettre à l’industrie des télécommunications de garder le cap sur l’offre de services essentiels aux Canadiens pendant la pandémie de COVID-19».
Ces enchères sont un jalon important dans le déploiement de la cinquième génération du réseau de communication mobile au Canada. À l’heure actuelle, au moins quatre opérateurs ont commencé à déployer la technologie 5G : Bell, Telus, Rogers et Vidéotron. Mais ils l’ont fait à partir des spectres de basse fréquence auxquels ils ont accès.
«Pour offrir les services différentiateurs de la 5G, c’est-à-dire ceux qui exploitent un fort volume de données et une latence réduite, les opérateurs doivent accéder au spectre de la bande intermédiaire de 3,5 GHz ou à de plus hautes fréquences», résume Tejas Rao, directeur de l’offre globale de la 5G d’Accenture.
En posant la question aux principaux opérateurs, on se rend compte que le report ne plaît pas à tous. «C’est sûr qu’on est déçus, confirme Charles Gosselin, directeur des affaires gouvernementales de Bell au Québec. On aurait aimé que les enchères se déroulent en décembre comme prévu, mais nous serons très heureux d’y participer dès qu’elles auront lieu.»
Bernard Bureau, vice-président à la stratégie réseau et à l’architecture de Telus, est lui aussi déçu du report de l’encan. Il craint qu’un délai additionnel de six mois dans l’attribution du spectre nuise à l’innovation et à la compétitivité du pays à l’échelle internationale. «À moyen et à long terme, les entreprises canadiennes auront besoin de la 5G pour automatiser leurs opérations, prendre le virage des robots connectés et du transport autonome.»
Au contraire, Élodie Girardin-Lajoie, vice-présidente aux affaires corporatives à Vidéotron, accueille favorablement le report des enchères en 2021. «C’était la bonne décision à prendre considérant la situation actuelle.»
La dirigeante réfute d’ailleurs la thèse voulant que le Canada soit «en retard» dans ce dossier, faisant remarquer que les Canadiens ont toujours pu compter sur des réseaux et des infrastructures de qualité supérieure. «La 5G n’y échappe pas ; les opérateurs canadiens déploient les dernières technologies 5G offertes à l’échelle mondiale, assure-t-elle. Nos propres travaux ont débuté et nous pourrons offrir les nombreux services du futur grâce à la technologie 5G.»
Se comparer pour se consoler
Déterminer si le Canada a du retard dans le déploiement de la cinquième génération de son réseau mobile n’est pas une question facile à trancher. Tout dépend des pays auxquels on le compare.
Tejas Rao place la Corée du Sud, la Chine, le Japon et les États-Unis dans le peloton de tête de la course à la 5G. «Le Japon et les États-Unis misent beaucoup sur l’événementiel pour promouvoir cette technologie», mentionne-t-il.
Aux États-Unis, les stades de football qui sont dotés de la 5G offrent la possibilité aux spectateurs de visionner des reprises «multiangles» dignes du film La Matrice, ou encore de prendre une photo d’équipe avec des joueurs virtuels que l’on fait apparaître dans le portrait comme par magie.
Quant au Japon, il devait tenir des Jeux olympiques «ultraconnectés» à Tokyo, où les spectateurs auraient pu voir en direct les résultats des compétitions en réalité augmentée.
Déjà, le Japon se démarque d’ailleurs par une stratégie d’attribution du spectre complètement différente de celle du Canada. Le gouvernement a choisi d’assigner – et non de vendre – des spectres aux quatre opérateurs principaux, en échange d’un engagement à déployer la technologie très rapidement.
Notons qu’à l’heure actuelle, aucun pays n’a atteint un taux d’adoption généralisée de la 5G au sein de la population ou dans ses applications industrielles. «Le cycle de vie pour amener un réseau à maturité est de cinq à sept ans», indique Tejas Rao. En effet, il existe plusieurs étapes à franchir : allouer les spectres, bâtir les réseaux, créer un standard de communication et fabriquer des appareils qui supportent la technologie.
«On doit voir cela dans une perspective à long terme, fait-il remarquer. À partir du moment où les spectres sont mis aux enchères et que l’on peut s’entendre sur le partage de certaines infrastructures entre les opérateurs, le Canada devrait pouvoir tirer son épingle du jeu.»
En fin de compte, le déploiement de la 5G ressemble moins à un sprint qu’à un marathon.