Il existe de plus en plus d’exemples de jeunes pousses ayant connu un grand succès qui se sont autofinancés avec ce qui est communément appelé le « bootstrapping ». (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. En tant qu’entrepreneur en résidence dans plusieurs incubateurs et accélérateurs montréalais, j’ai toujours eu un sentiment inconfortable au sujet du seul chemin qui était montré à la majorité des start-ups, soit celui de la course aux levées de fonds. Plusieurs de ses incubateurs et accélérateurs obligent même les entreprises à démarrage de participer à un « démo-day » devant des investisseurs en capital de risque, sous peine d’être sortis du programme, et ce, même si plusieurs de ses projets devraient clairement mettre plus de temps à accélérer leur développement qu’à préparer leur « pitch-deck ».
L’histoire de démarrage conventionnelle ressemble à ceci : un entrepreneur a une idée incroyable, quitte son travail quotidien pour démarrer la nouvelle entreprise, puis s’associe à des sociétés de capital-risque pour développer son idée et financer sa croissance.
Est-ce que le partenariat est le seul moyen de voir votre entreprise de développer? Certainement pas! Il existe plusieurs options et tout entrepreneur devrait les envisager.
La réalité parfois cruelle du capital-risque
Avec toutes les annonces de levées de fond des dernières années, il est souvent difficile d’imaginer ne pas emprunter la voie du capital-risque. Mais soyons sincère, le financement par capital-risque ne vous garantit pas le succès et ne convient pas à tout le monde.
Par exemple, selon une recherche de «Harvard Business Review» en 2018, un fondateur sur cinq fut remplacé immédiatement après avoir accepté un financement en capital-risque et 60% ne dirigent plus leur entreprise au moment de la sortie ou de l’introduction en bourse. De plus, les fondateurs qui survivent à l’introduction en bourse détiennent souvent moins de 10% du capital. Est-ce mieux d’avoir 10% de Google que 100% de la boulangerie du coin : certes. Mais, il faut avoir l’ambition d’être Google!
On oublie aussi souvent les nombreux avantages que vous devrez concédés à vos investisseurs pour que ceux-ci investissent dans votre compagnie : que ce soient des actions privilégiées avec un rendement minimal garanti ou encore, la longue liste de « droit de gestion » que ceux-ci souhaiteront avoir. Je me rappellerais toujours avoir reçu une lettre d’offre d’un investisseur qui contenait près d’une centaine de droits de veto ou de droit conditionnel de gestion. J’avais l’impression que j’allais devoir demander la permission pour respirer!
Soyons sincère, la mentalité «visez grand ou rentrez chez vous» omniprésente dans le monde du capital-risque produit beaucoup plus d’entreprises dysfonctionnelles et perdantes que de licornes.
Utiliser le «bootstrapping»
Il existe de plus en plus d’exemples de jeunes pousses ayant connu un grand succès qui se sont autofinancés avec ce qui est communément appelé le « bootstrapping ». Il s’agit de se financer avec son argent ou par ses revenus. Par exemple, saviez-vous que Shopify a été initialement une entreprise « bootstrap » qui a connu la croissance sans aucun investissement durant ses six premières années?
Malgré qu’il s’agisse certainement d’un modèle très intéressant pour se lancer, j’ai malheureusement entendu des centaines d’histoires au fil des ans de ces entrepreneurs réinvestissant tout ou ne prenant aucun salaire pendant de longues périodes et se demandant quand tout allait porter ses fruits. Souvent, cette pression amène beaucoup de stress, mais aussi de la prise de « mauvaises décisions » basées sur l’insécurité financière à court terme plutôt que sur la création de valeur.
Se financer par les ventes
L’alternative à l’autofinancement et au capital de risque est ce que j’appelle le «financement par les ventes». C’est la méthode que nous avons utilisée pour lancer Connect&GO, mais aussi durant les cinq premières années de l’entreprise. L’idée du financement par les ventes est de convaincre un ou des clients de votre capacité à développer un produit qui répond à ses besoins. Si vous êtes en mesure de suffisamment lui inspirer confiance, il acceptera probablement de vous payer un dépôt et par la suite, un autre paiement à mi-chemin et ainsi de suite. Cela vous donnera le carburant pour vous développer sans devoir vendre votre âme ou encore devoir vivre le stress quotidien de ne pas avoir un sou en banque!
Créer une dynamique grâce à la valeur
Après avoir créé le produit/service avec le financement de vos clients, la deuxième phase consiste à le rendre plus précieux, c’est-à-dire plus utilisable. Lorsque vous développez quelque chose qui ajoute suffisamment de valeur au client, généralement, cela apporte de la valeur à celui-ci, mais aussi à d’autres clients ou prospects similaires. De plus, si votre client primaire est satisfait, il risquera probablement de parler de vous.
Cela créera à son tour une entreprise plus durable. Si vous parvenez à amener votre utilisateur à utiliser réellement votre produit ou service, il deviendra alors son promoteur. Commercialisation gratuite. Promotion gratuite.
Dans le cas de Connect&GO – ce fut exactement le résultat de notre mandat avec evenko et le festival Osheaga! Dès que nous avons livré la première édition du festival, le téléphone c’est mis à sonner et nous avions la chance de pouvoir inviter les intéressés à appeler evenko pour obtenir une référence – ceux-ci étant satisfait, ils nous recommandaient automatiquement – sachant aussi que cela augmenterait notre financement et donc, l’accélération du développement de notre produit.
Résultat : nous avons été rentables durant nos cinq premières années, atteignant à son apogée des profits avoisinants les 7 chiffres, sans dilution.
Gagner de l’argent avant de dépenser!
Encore une fois, tout revient au concept de « Win Then Play »; gagner de l’argent avant de faire une dépense ; profitez de vos idées avant de dépenser de grosses sommes d’argent; demandez-vous quoi faire pour ajouter de la valeur et améliorer votre produit ou votre entreprise.
Voici trois questions que vous pouvez vous poser dès maintenant pour commencer :
- Quelle est la chose la plus simple qui puisse être faite ?
- Qui est prêt à l’acheter maintenant ?
- Quel genre d’impact aura-t-il?
Trouvez vos réponses à ces questions et vous pourrez évoluer à partir de là où vous en êtes, en utilisant la valeur comme principal outil. Parce qu’en fin de compte, les dollars suivent toujours la valeur.
Malgré les revenus des cinq premières années de Connect&GO et des risques et défis du capital-risque, nous avons décidé de lever des fonds – plus de 12 millions $ dans les dernières années. Pourquoi? La réponse est simple : le modèle d’affaires que nous avions choisi post-pandémie demandait des capitaux importants. Lorsque vous avez une fusée dans les mains, il est possible que vous ayez besoin de mettre du carburant et il en faut beaucoup pour rapidement arriver sur la lune. C’était notre cas!