Âgé de 46 ans, celui qui est coordonnateur de l’administration mise sur les titres individuels pour faire fructifier ses actifs à long terme. (Photo: courtoisie)
PLEINS FEUX SUR MON CELI est une rubrique où des investisseurs individuels partagent avec nous leurs bons et mauvais coups en investissement tout en soumettant leur portefeuille à l’analyse d’un pro. Pour participer, écrivez-nous à denis.lalonde@groupecontex.ca.
(Illustration: Camille Charbonneau)
Ce citoyen de Québec, fils d’un immigrant marocain et d’une mère québécoise, a su très tôt qu’il était destiné à travailler avec les chiffres. C’est tout naturellement qu’il oriente ses études supérieures vers l’administration à l’Université d’Ottawa. Il se rappelle avoir toujours été économe et croit que cela lui vient de son père. «Si les questions de sous sont encore un peu tabou au Québec, il en est autrement au Maroc, où les gens parlent librement d’argent.»
Il s’initie à l’investissement immobilier durant la vingtaine. «J’en suis maintenant à ma sixième propriété», avoue-t-il. C’est pendant ses cours de finance à l’université qu’il découvre le monde des valeurs mobilières et de la Bourse. «J’apprenais à lire des états financiers, je découvrais les ratios et j’ai eu la piqûre.» À 20 ans, il achète ses premières actions, celles de la société informatique américaine Dell (DELL, 56,05$US).
Quand est créé le CELI, en 2009, le jeune travailleur est déjà habitué à négocier sur les marchés boursiers. «Le synchronisme était génial, puisqu’on sortait à peine de la crise financière de 2008. J’achetais des titres de grandes banques canadiennes et américaines à rabais.»Le hic, c’est qu’après avoir acheté des actions pour une bouchée de pain, il a vendu trop rapidement des titres comme Banque Royale (RY, 121,24 $), Industrielle Alliance (IAG, 84,05 $) et Citigroup (C, 42,07$US).
Il maximise ses cotisations au CELI en 2018 et, à la recherche d’aubaines, comme il l’avait fait autrefois pour les banques et l’or, il se tourne vers un secteur qui connaît alors la défaveur des investisseurs: l’énergie. «C’est l’industrie que je connais le mieux. J’ai une approche anticonformiste (contrarian) et j’ai misé sur la remontée du secteur. Cela m’a bien servi jusqu’à présent», dit celui qui songe à bientôt se tourner vers un autre secteur plombé par la conjoncture économique, les banques.
«Disons que je suis aux aguets.»Il est conscient d’être audacieux et concentré dans ses choix de placement, mais il est à l’aise avec ceux-ci même s’il investit à plus court terme (par cycle), car il peut se rabattre sur la sécurité de sa caisse de retraite au gouvernement du Québec. «J’investis dans ce que je connais. Ma crainte, c’est surtout de ne pas vendre au bon moment. Mais je compte garder certains titres pour le très long terme.»
Dans l’oeil d’un pro
Gestionnaire de portefeuille à Claret, Vincent Fournier salue la discipline de l’investisseur, le fait qu’il ait su maximiser ses cotisations avec le temps et l’énergie qu’il met à développer sa littéracie financière. Il émet cependant d’importantes réserves à propos de sa stratégie de placement et invite Nicolas Cherqui à faire une analyse comparative de rendement puisque «s’il a maximisé ses cotisations, on peut présumer que ses erreurs ont été plus coûteuses que ses bons coups».
«Bien qu’elle puisse être bénéfique pour certains investisseurs (dont des fonds de couverture), la stratégie à contre-courant peut-être un peu erratique et prendre énormément de temps avant d’avoir des résultats probants — ce qui laisse beaucoup de place à l’erreur.»
Il trouve le portefeuille trop audacieux et constate que l’investisseur se met inutilement à risque. «Plus de 57 % du CELI est dans deux titres (Suncor et Enbridge) et la grande majorité des investissements est dans le secteur énergétique — et seulement au Canada.» Il convient que l’investisseur peut bien connaître un secteur donné, mais cela ne veut pas dire qu’il peut prédire sa vitalité future.
Il recommande à Nicolas Cherqui d’établir une série de règles à suivre qui vont le guider dans ses achats futurs, sans quoi il peut facilement se laisser influencer par les biais comportementaux, qui sont le propre de tout investisseur, comme les préjugés de confirmation ou l’effet d’entraînement.
S’il veut surpondérer un secteur, il pourrait y accorder 10 % de son portefeuille. «Mais dans l’état actuel, il est trop unidirectionnel et manque de diversification. C’est un pari risqué.»Vincent Fournier juge aussi que le portefeuille contient trop de titres non importants avec de petites pondérations. «Je doute qu’il ait voulu investir aussi peu dans ces entreprises. Il devrait faire un ménage là-dedans.»