Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Le CELI de Samuel Bédard: argent dormant

Jean Décary|Édition de janvier 2024

Le CELI de Samuel Bédard: argent dormant

Âgé de 42 ans, le courtier immobilier mise sur les FNB indiciels et à intérêt élevé afin d’avoir à long terme la flexibilité de faire des investissements immobiliers. (Photo: courtoisie)

PLEINS FEUX SUR MON CELI est une rubrique où des investisseurs individuels partagent avec nous leurs bons et mauvais coups en investissement tout en soumettant leur portefeuille à l’analyse d’un pro. Pour participer, écrivez-nous à denis.lalonde@groupecontex.ca.


(Illustration: Camille Charbonneau)

 

Ce courtier immobilier dans la jeune quarantaine a vite mis en application la règle du « gros bon sens » à son parcours d’épargnant : « Je ne fais que dépenser moins que ce que je gagne ». Il se qualifie d’économe sans budget. « J’ai toujours veillé à mes affaires depuis que je suis tout petit. Je me suis toujours organisé pour avoir de l’argent. » Ce réflexe d’indépendance financière, il croit qu’il tient cela en partie de ses parents, qu’il qualifie de superéconomes, même à la retraite.

Il fait des études en administration des affaires (option TI), mais s’oriente après coup dans le milieu de l’immobilier. « J’étais plus brique et mortier que valeurs mobilières », dit celui qui a obtenu sa licence de courtier il y a près de 10 ans.

À la faveur de la pandémie, comme tant d’autres, il ne pourra résister à l’appel des sirènes du marché boursier. Avant de se lancer, il suit un cours à distance intitulé « Réaliser une saine gestion de mes placements boursiers », de Paul Bourget, retraité de l’enseignement au collège de Rosemont. L’étudiant se familiarise avec Value Line, l’outil en ligne d’une société indépendante de recherche en investissement. « Leur service est accessible gratuitement par le site de Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ). »

Outillé et prêt à se lancer, Samuel Bédard va ouvrir son compte de courtage et y transférer la totalité de ses actifs, soit un REER, un REEE et un CELI. Dans son CELI, il fait l’acquisition de titres emblématiques de la crise sanitaire : Microsoft (MSFT, 388,47 $ US), Alphabet (GOOGL, 142,65 $ US), Amazon (AMZN,

154,62 $ US) et Activision Blizzard, dont le titre se négociait à rabais alors que l’entreprise était empêtrée dans un scandale. Mais leur détention est éphémère : « Je n’étais pas confortable, car je ne m’estimais pas capable d’évaluer correctement un titre et sa direction future. »

Avec le recul, il est conscient qu’il aurait connu du succès s’il avait conservé ses titres. « J’ai même vendu Activision avant son rachat par Microsoft, alors que le titre bondissait. » L’exercice lui permet néanmoins de connaître son niveau de tolérance au risque et les types de produits avec lesquels il est à l’aise. « La gestion indicielle, c’est plus pour moi. Je ne regarde quasiment plus jamais mes placements. »

Il est conscient qu’avec plus de la moitié de ses investissements dans des FNB à intérêt élevé, c’est-à-dire dans des placements sécuritaires, il n’affiche pas le profil d’un investisseur dynamique. « Les nouvelles de récession ne m’inspiraient pas et je préférais rester sur les lignes de côté. Ces positions me permettent d’être relativement liquide. D’ici un an ou deux, j’aimerais adopter le profil d’un investisseur plus équilibré. » Avec toute cette poudre sèche disponible, l’investisseur reste également à l’affût d’achats potentiels en immobilier. « Ça me donne des options. »

Dans l’œil d’un pro

Andrew Kost, gestionnaire de portefeuille chez Allard, Allard & Associés, souligne le côté économe du candidat et l’invite à continuer dans cette veine. « Il a commencé jeune, c’est le moment idéal pour le faire, car la magie des intérêts composés va s’opérer plus vite et plus longtemps. » Il salue aussi le temps qu’il a pris à s’éduquer financièrement et la sagesse qu’il a su montrer en reconnaissant ses limites à sélectionner des titres individuels. « On considère qu’un investisseur doit réunir quatre critères pour avoir du succès en investissement : de l’expérience, de l’expertise, de l’intérêt et du temps. »

Du côté de la stratégie d’investissement, le gestionnaire admet que cela reste encore nébuleux. Il observe que l’investisseur a près des deux tiers de son portefeuille dans des FNB de comptes d’épargne à intérêt élevé (CEIE). « Cela peut se justifier par le rendement offert par ces produits de placement (autour de 5 %), mais il y a aussi un coût d’opportunité à cela à cause du rendement des marchés en 2023, où il aurait pu faire nettement mieux. » Il signale par ailleurs que le Bureau du surintendant des institutions financières a récemment annoncé des règles plus strictes en matière de liquidités pour les fonds négociés en Bourse (FNB) de CEIE, ce qui pourrait affecter le rendement offert par ces produits. « Cela pourrait les rendre moins attrayants », estime-t-il.

Le professionnel est d’avis que l’investisseur ne devrait pas essayer de synchroniser les marchés, c’est-à-dire de tenter de prédire les hauts et les bas. « C’est ce qu’il fait en conservant autant de liquidités. » Le problème, selon lui, c’est qu’il est très difficile, voire impossible de bien anticiper les fluctuations boursières. « Trop souvent, les investisseurs réintègrent le marché quand le rebond a déjà eu lieu. C’est pourquoi il vaut mieux rester investi. »

Il lui recommande donc d’établir un plan d’investissement clair, respectant son profil d’investisseur, qu’il sera en mesure de conserver à long terme. « Il est encore jeune, il a du temps devant lui, mais il doit faire travailler son argent. »