Le chasseur de tête est un «anthropologue-marketeur»
Nathalie Francisci|Édition de la mi‑octobre 2021(Photo: 123RF)
À LA CHASSE. Le recruteur d’aujourd’hui ne fait pas que chasser les talents. Il doit étudier les comportements et les tendances. Il doit explorer des talents et des compétences transférables et tenter de réconcilier les styles de gestion passés avec la nouvelle réalité, dans une perspective globale de diversité et d’inclusion. C’est une démarche similaire à l’anthropologie. Si on y intègre la science du marketing, cette démarche sera garante du succès du plan d’acquisition et de rétention de vos talents.
Pour bien recruter dans le marché actuel, il ne faut pas juste être plus vite, plus agile et meilleur payeur. Il faut savoir ce que cherchent les employés, réfléchir à de nouveaux profils et aux expertises de demain. Il faut comprendre l’écosystème du candidat que l’on chasse.
Au-delà des tendances actuelles, les gestionnaires sont aux prises avec une nouvelle réalité qu’ils ne contrôlent pas et qui les force à devoir réviser leurs anciennes façons de faire. Le travail prend aujourd’hui un sens différent pour l’employé. Il demeure un moyen de gagner sa vie, mais il doit aussi s’intégrer dans un nouvel environnement : ses intérêts, sa famille, ses valeurs. Les valeurs aussi ont changé (la diversité, l’inclusion, l’environnement et les valeurs sociétales). La famille a un autre visage aujourd’hui (recomposée et éclatée pour la majorité). Les intérêts sont multiples et très diversifiés.
Pas le choix de concilier les besoins divergents des multiples générations et le multiculturalisme qui composent votre main-d’œuvre actuelle et future. Récemment, la firme de sondage Léger Marketing rapportait que les jeunes générations « n’achètent pas une marque, ils y adhèrent »,
et qu’elles valorisent en priorité l’égalité pour tous, l’équité et la justice sociale, l’écoresponsabilité, l’économie du partage, la coopération et le multiculturalisme inclusif. Des valeurs fondamentales qui montrent le désir de « faire la différence ». Aujourd’hui, les employés ont le luxe de pouvoir quitter leur emploi s’ils ne retrouvent pas ces valeurs chez leur employeur.
Un récent article dans le Harvard Business Review posait la question : « Qu’est-ce que vos employés de l’avenir veulent le plus ? » Voici leurs réponses :
— Une réelle flexibilité. Je travaille quand je veux et d’où je veux. Mon employeur me rejoint là où je suis quand je suis disponible.
— Je veux être évalué et rémunéré sur la création de valeur que j’apporte et pas juste sur des données quantitatives mesurables (revenu versus BAIIA). Cela implique de revoir les programmes de rémunération, d’être transparent sur les stratégies comptables et financières et de revoir complètement les processus d’évaluation.
— Je veux sentir réellement que je contribue à des valeurs sociétales importantes pour moi et c’est à mon employeur de me démontrer son engagement sincère et authentique.
— Je veux que mon employeur m’aide à me développer et qu’il m’offre un environnement de travail ainsi que des outils pour apprendre et m’y aider, même si, au bout du compte, ce sera peut-être pour me réaliser à l’extérieur de la firme.
Oui, ce dernier point, c’est demander à l’employeur de renoncer à avoir un potentiel rendement de l’investissement de sa formation sur l’individu. Mais quel gain indirect sur le rayonnement et la marque employeur ! En y réfléchissant bien, cela pourrait attirer d’autres profils ou même retenir certains employés pour les redéployer vers d’autres fonctions. Un peu comme « donner au suivant ».
Intégrer la science et l’analyse des comportements sociaux est une composante essentielle pour bâtir une stratégie d’acquisition des talents et faire face à la pénurie de main-d’œuvre de manière créative. Les directions de ressources humaines doivent impérativement s’y attaquer comme l’a fait avant elles le marketing pour cibler et atteindre leurs clientèles.