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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Le CN risque de perdre Kansas City, mais un activiste se pointe

Dominique Beauchamp|Publié le 02 septembre 2021

Le CN risque de perdre Kansas City, mais un activiste se pointe

Le CN a offert 33,6 G$US pour mettre la main sur Kansas City Southern et devenir un véritable chemin de fer transcontinental. (Photo: 123RF)

ANALYSE. Alors que la saga entre les rivaux Canadien Pacifique et Canadien National pour mettre la main sur Kansas City Southern approche d’un dénouement, celle de l’activiste qui détient 5,2% du CN réserve encore des surprises.

Le fonds spéculatif TCI Fund Management réclame, comme il l’avait déjà fait en mai, le départ du président du conseil d’administration Robert Pearce et du PDG Jean-Jacques Ruest du Canadien National (CNR, 155,75$) qu’il tient responsable de la surenchère potentiellement «ruineuse» pour Kansas City Southern (KSU, 295,03$ US).

Essentiellement, ces financiers veulent que le CN revienne à son premier métier et retrousse ses manches afin de relever son ratio d’efficacité et ainsi raviver la performance opérationnelle décevante des cinq dernières années.

Dans une nouvelle lettre adressée au conseil, cet activiste britannique pousse même l’audace jusqu’à proposer ses deux propres candidats pour les postes qui seraient à pourvoir.

Proposé en tant qu’administrateur, Gilbert Lamphere a dirigé le conseil d’Illinois Central Railroad entre 1990 et 1998 et a siégé au conseil du CN entre 1998 et 2005, révèle Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux.

TCI propose Jim Vena à titre de président. Ce dernier a a dirigé l’exploitation d’Union Pacific (UNP, 217,26$US) entre janvier 2019 et décembre 2020 où il a amélioré le ratio d’exploitation de 62,7 à 58,5%. Avant de joindre ce chemin de fer, le dirigeant avait œuvré 40 ans au CN.

Le principal chemin de fer au pays, Canadien National a longtemps été le plus efficace des grands chemins de fer avant que Canadien Pacifique (CP, 91,99$) le surpasse grâce à l’implantation par des transfuges du CN de la même approche du chemin de fer de précision.

À la fin de 2020, le ratio de 57,7% du CP se comparait à celui de 61,9% du CN.

 

CIBC peut imaginer un cours potentiel de 182$

Il est trop tôt pour dire si les tactiques de TCI secoueront le conseil du CN, mais ça n’empêche pas certains analystes de parier que l’intervention du fonds spéculatif sera ultimement bénéfique pour les actionnaires du CN.

Une bonne part du rebond de 12,6% de l’action du CN, ces derniers jours, reflète le soulagement que le CN n’alourdira pas son bilan d’une dette additionnelle de 19,3 milliards de dollars américains si la société se retirait de la course pour Kansas City Southern. Néanmoins, la possibilité que les pressions de TCI incitent le conseil du CN à revoir ses priorités soulève aussi le titre.

«Nous ne sommes pas surpris que le régulateur ferroviaire américain ait rejeté la fiducie de vote du CN qui aurait facilité la transaction, mais nous croyons aussi que TCI pourrait libérer le potentiel bénéficiaire du CN», écrit Kevin Chiang, de CIBC Marchés mondiaux qui a relevé son cours cible de 145 à 158$, le 31 août.

L’analyste de CIBC croit qu’il est possible que le CN veuille épuiser tous ses recours avant de lancer la serviette, mais il attribue tout de même une «valeur d’option» à l’offensive de TCI.

Dans un calcul sommaire, Kevin Chiang estime que l’action du CN pourrait grimper jusqu’à une fourchette de 174 à 182$, soit 23 fois le bénéfice potentiel de 2024 dans l’hypothèse que le ratio d’exploitation rejoigne la moyenne de 55 à 57% de ses rivales et que la société rachète 10% de ses actions.

Le potentiel de l’intervention de TCI l’incite à bonifier l’évaluation du CN de 22 à 24 fois les profits.

Pour sa part, le CN a expliqué à plusieurs reprises que son ratio d’exploitation est devenu structurellement plus élevé que celui du CP en raison des acquisitions récentes qui diversifient ses revenus.

Steve Hansen, de Raymond James, estime que le verdict tranchant du régulateur américain met probablement fin aux ambitions transcontinentales du CN. Il lui faudrait bonifier son offre pour convaincre les actionnaires de Kansas City Southern d’attendre de longs mois avant de voir leur argent. Une telle stratégie ne plairait pas à ses propres actionnaires, explique-t-il.

L’analyste est d’avis que les arguments de TCI influenceront d’autres gros actionnaires du CN et que son effet domino se rendra jusqu’au conseil d’administration.

Dans l’intervalle, Steve Hansen ne touche pas à ses cours cibles de 152$ pour le CN et de 98 $ pour le CP. Il recommande les deux chemins de fer.

Christian Wetherbee, de Citigroup, recommande de nouveau l’achat du CN parce qu’il prévoit aussi qu’après l’échec de l’acquisition l’attention des dirigeants retournera au ratio d’exploitation, qui mesure les dépenses en proportion des revenus.

«La possibilité que ce ratio s’améliore trouvera certainement écho chez les investisseurs», étant donné la croissance terne des volumes de marchandises transportées actuellement, évoque-t-il dans une note. Son cours cible passe de 156 à 175$, ce qui offre un gain potentiel d’encore 14%.

En revanche, Rick Paterson de Loop Capital ne recommande plus l’achat du CN parce que l’appréciation du titre limite son potentiel.

 

CP: un achat rentable après 2023

Si le Canadien Pacifique remportait la mise, Cherilyn Radbourne, de TD Valeurs mobilières, évalue que les synergies d’un milliard de dollars américains prévues sur trois ans commenceront à rapporter en 2024.

Stratégiquement, la fusion élargirait considérablement la portée du réseau de CP jusqu’au cœur du Mexique et hausserait sa part du marché plus lucratif du transport intermodal de marchandises.

En principe, le chemin de fer de Calgary pourrait aussi bénéficier du rapatriement au Mexique par les fabricants de la production actuellement effectuée outre-mer.

Si l’on se fie à la posture rigide adoptée par le régulateur ferroviaire américain, CP pourrait bien conclure la dernière fusion possible entre deux chemins de fer de classe 1 en Amérique du Nord, ajoute l’analyste.

«L’action pourrait vivoter à court terme, mais le potentiel boursier à moyen et long terme de CP est supérieur à celui du CN», dit-elle.

L’achat proposé de 300$ US par action gonflera toutefois la dette combinée des deux chemins de fer à 3,9 fois le bénéfice d’exploitation.

Cherilyn Radbourne ne se prononce pas sur les tactiques de TCI, mais elle reconnaît qu’elles séduiront des actionnaires étant donné le succès passé des activistes dans l’industrie ferroviaire.

L’analyste de TD précise seulement que chaque 100 points de pourcentage de moins au ratio d‘exploitation du CN équivaut à 0,16$ de plus au bénéfice par action du transporteur.