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Le côté sombre de Spotify et d’Apple Music

Alain McKenna|Publié le 19 Décembre 2019

Le côté sombre de Spotify et d’Apple Music

(Image: Unsplash)

Si vous vous rappelez l’époque où la musique s’achetait sur CD, vous avez aussi en mémoire l’arrivée des Napster et autres Bittorrent de ce monde. Réagissant à tout ça, l’industrie ne pouvait que célébrer l’émergence des services par abonnement que sont Spotify, Deezer, Apple Music, et autres.

Mais si ces services semblent avoir mis fin aux enjeux liés à la copie piratée, ils représentent une menace qui inquiète plusieurs artisans et membres de l’industrie musicale québécoise, qui voient leur subsistance pratiquement disparaître.

Pas pour rien si de plus en plus de groupes en vogue se rabattent sur la création de chansons à des fins publicitaires… C’est à peu près le seul moyen qu’il leur reste pour générer un revenu décent.

Constatant ce phénomène, David Bussières, du groupe Alfa Rococo, a eu l’idée de créer le Regroupement des artisans de la musique (le RAM). Son objectif : attirer l’attention du public, de l’industrie et des gouvernements afin qu’ils réagissent.

De passage à la balado Une Tasse de Tech, David a dressé un portrait pas très rose de la situation… mais a aussi lancé quelques pistes de solutions qui pourraient corriger le tir rapidement et durablement.


De 7$ à 0,004$ dans le temps de le dire

«En ayant accès à ces plateformes magnifiques que sont Spotify et Apple Music, on n’achète plus de disques ou d’albums de façon traditionnelle. Il n’y a plus de lecteurs de CD dans les autos neuves depuis longtemps», commence-t-il.

«Avant, quand les gens achetaient un disque d’un musique québécoise, environ 7 dollars de son prix de détail revenait à ses créateurs (maison de disque, artiste…), en environ 2 à 3 dollars revenaient à l’artiste directement. Aujourd’hui, ce revenu est disparu et est loin d’être remplacé par des revenus tirés des services numériques.»

Quand on paie pour Spotify, 30 pour cent du prix revient à la plateforme. Les 70 autres pour cent sont redistribués en fonction du nombre de pièces écoutées dans le mois et on attribue un montant en conséquence, mais ce que ça donne, en gros, c’est que chaque diffusion génère 4 dixièmes de cent. «Pour un million d’écoutes, ça donne 4000 à 5000 dollars», résume l’artiste montréalais.

Ça, c’est le montant qui va à la maison de disque, qui est ensuite découpé afin d’en remettre une petite partie à l’artiste. Un million d’écoutes, dans le marché anglophone mondial, ce n’est pas si mal. Mais au Québec, c’est une cible presque miraculeuse. «Ce n’est pas assez pour faire vivre les artistes», ajoute-t-il.

Une redevance durable sur l’accès au contenu

Quand on achète les appareils et les services d’accès à ces plateformes, on ne remet rien aux créateurs. À l’opposé, quand on achète une cassette ou un CD vierge, une redevance est remise à l’industrie. Tout ça a d’ailleurs dégénéré quand on a évoqué une taxe iPod au Canada, il y a une dizaine d’années.

«Il faut une approche détachée du support technologique pour que la loi résiste aux changements et à l’évolution. En Europe, la plupart des grands pays ont une politique de redevance sur la copie privée, mais au Canada, on n’a rien», déplore le co-membre d’Alfa Rococo.

Une redevance sur les appareils conçus pour stocker le contenu musical semble aller de soi. On peut prolonger la réflexion en incluant les fournisseurs d’accès à Internet, qui n’auraient pas grand-chose à offrir à leurs clients si tout ce contenu n’existait pas. Et il n’est pas question uniquement de musique, mais on pense aussi à tous ces secteurs qui ont été transformés par le numérique.

Ça comprend la presse écrite (mais ça, on en a déjà parlé ici par le passé…).

L’épineux problème se résume simplement : on paie déjà pour avoir accès à Internet. Plusieurs ne voient pas pourquoi ils devraient payer encore plus pour piger dans son contenu. Selon cette même logique, puisqu’on paie pour la télé câblée et un ensemble de chaînes accessibles toute la journée, ce serait absurde d’avoir en plus à allonger plus d’argent pour certaines émissions de ces chaînes.

Cette logique ne résiste pas à l’examen. Super Écran, Illico, même Netflix et Disney+ en témoignent, à leur façon.

Mais il existe une différence de taille entre l’univers numérique et l’univers télévisuel : la lourde mensualité payée aux fournisseurs comprend une redevance qui va dans un fonds canadien d’aide à la production de contenu pour ces mêmes chaînes de télé. Ça n’existe pas du côté de l’accès à Internet, mais ça pourrait.

Bref, il existe des pistes pour résoudre la situation. Le numérique amène son lot de transformations, et jusqu’ici, on les prend une à une, à la pièce. De façon un peu maladroite, en plus. La taxe sur le numérique sur laquelle planche l’OCDE pour ses pays membres sera-t-elle la panacée que plusieurs espèrent?

C’est un dossier à suivre. Mais en plus des commerçants, des médias, de la télé et du cinéma, il ne faudra pas oublier l’industrie de la musique non plus. Le RAM sera là pour nous le rappeler…

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