Voici quelles qualités de leader développer pour piloter un aussi imposant chantier que celui d'Airbus Canada comme Benoît Schultz. (Photo: Courtoisie)
EXPERT INVITÉ. Benoît Schultz, PDG d’Airbus Canada, a de grandes ambitions pour les A220 – ce qu’est devenue la CSeries de Bombardier – bâtis à Mirabel. Non seulement la production de sa chaîne de montage augmentera-t-elle, mais les appareils qui en sortiront seront moins polluants et plus connectés.
Et s’il parvient à piloter cet imposant chantier, c’est grâce à ses qualités de leader qui lui permettent de naviguer entre différents styles de gestion, en fonction des besoins de son équipe.
Le dirigeant a fait beaucoup de chemin depuis son enfance en Alsace, région française limitrophe de la Suisse et de l’Allemagne. Ayant grandi dans un endroit caractérisé par une grande diversité culturelle, il a développé une vision du monde unique qui a plus tard façonné son parcours professionnel.
La fascination de Benoît Schultz pour l’ingénierie aéronautique a commencé dès son plus jeune âge, lorsqu’il regardait le propriétaire de la demeure où résidait sa famille construire des modèles réduits de planeurs. Cette fascination a déclenché chez lui un «lien émotionnel» avec les avions.
Après avoir étudié l’ingénierie aéronautique et l’économie, Benoît Schultz a rejoint Airbus en 2002, où il a occupé divers postes de direction avant d’être nommé, à l’été 2021, président-directeur général de l’unité canadienne de l’entreprise basée à Mirabel, la plus grande succursale d’Airbus à l’extérieur de l’Europe.
Le rôle actuel de Benoît Schultz consiste à veiller au succès du Programme A220, dont le gouvernement du Québec détient toujours un quart des parts.
L’un des principaux éléments clés de la stratégie de l’entreprise consiste à augmenter le volume des ventes et industriel du Programme tout en accélérant la production et en maintenant un carnet de commandes — une nécessité dans un secteur établi sur des cycles à long terme.
«Le carnet de commandes assure la stabilité de la production, la visibilité et les moyens d’investir dans un avion, explique Benoît Schultz. Les avions ont une durée de plusieurs décennies. Normalement, un avion peut voler pendant 50 ans, il faut donc investir en permanence dans cet indicateur comptable.»
Jusqu’en décembre 2022, l’entreprise produisait quatre avions par mois dans son usine de Mirabel et deux dans son usine de Mobile, en Alabama. Elle prévoit augmenter sa production à 14 avions par mois, répartis entre 10 à Mirabel et 4 aux États-Unis, d’ici le milieu de la décennie.
Bien que l’augmentation de la production puisse poser des problèmes de durabilité, l’industrie aéronautique peut faire des progrès immédiats en réduisant son impact considérable sur l’environnement grâce à l’utilisation de nouveaux avions et de carburants d’aviation durables (connus sous le nom de SAF en anglais).
L’A220 promet une réduction de 25 % de la consommation de carburant, une baisse de 50 % de l’empreinte sonore et une diminution de 50 % des émissions d’azote par rapport aux avions de même catégorie de la génération précédente.
Airbus UpNext, lancée en 2017, développe principalement des technologies innovantes dans des domaines tels que l’électrification, l’autonomie, la connectivité, la fabrication de pointe et les nouveaux matériaux. C’est en établissant des partenariats avec des start-ups et des universités que l’écosystème explore de nouvelles idées et s’efforce de maintenir Airbus à la pointe de l’innovation aérospatiale.
Dans le cadre de ses initiatives actuelles, Airbus se concentre sur l’amélioration de la connectivité en vol pour les passagers et sur l’autonomie des avions.
«Presque tous les avions sont connectés à Internet, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années, explique Benoît Schultz. L’avion est également capable d’être de plus en plus autonome.»
Bien que l’idée d’un avion sans pilote puisse en inquiéter certains, cette technologie a le potentiel de révolutionner l’industrie de l’aviation en la rendant encore plus sûre, affirme-t-il.
«Cette capacité est importante, même si l’avion est toujours piloté par deux pilotes. Chaque fois que nous avons pris ce genre de décision, nous avons rendu l’avion plus sécuritaire.»
Si l’automatisation peut modifier la nature de certains emplois dans l’industrie aéronautique, il n’y a pas lieu de s’inquiéter d’une diminution du nombre total de postes disponibles, selon le dirigeant.
«Tout comme le Programme A220, notre industrie continue de croître avec 700 nouvelles embauches au Québec cette année seulement, dit-il. Airbus produit annuellement plusieurs centaines d’avions, mais cela n’équivaut pas à la fabrication de centaines de milliers de voitures. Notre niveau de complexité ne peut pas être entièrement géré par l’automatisation.»
Bien que celle-ci puisse contribuer à rationaliser les processus de fabrication, le besoin de personnalisation de la relation client représente un défi, selon Benoît Schultz. Après tout, entrer dans une cabine d’Air France, d’Air Canada ou de British Airways évoque une sensation différente en raison de la stratégie de marque et de l’identité unique à chaque compagnie.
Le PDG d’Airbus Canada croit à la puissance d’équipes diversifiées et d’un leadership centré sur les personnes. De son point de vue, il existe toute une gamme de styles de leadership, allant d’une approche plus directive à une autre qui attribue espace et autonomie à l’équipe. Selon lui, un véritable leader doit être capable de s’adapter aux deux extrémités du spectre et d’ajuster son approche en fonction des besoins.
«En tant que dirigeant, vous devez trouver un équilibre entre la connaissance de la situation dans son ensemble et la maîtrise de l’expérience globale, tout en étant capable de poser des questions spécifiques et percutantes qui poussent l’équipe à aller de l’avant», explique Benoît Schultz.
«Pour se faire, il est important d’être à l’écoute, poursuit-il. Cela peut sembler contre-intuitif, mais vous serez beaucoup plus efficace lorsque vous donnerez la parole, poserez des questions, faciliterez les démarches et laisserez l’équipe faire ses propres choix.»
Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur associé à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est diplômée en journalisme et en sociologie de l’Université Concordia.