Pour Daniel Pelletier, président d’Artopex, injecter des fonds dans l’usine intelligente sera probablement un « passage obligé » pour les fabricants de meubles.
INDUSTRIE DU MEUBLE. Après avoir assuré sa survie à la suite d’années plutôt difficiles, l’industrie québécoise du meuble peut maintenant se tourner vers l’avenir. Usines intelligentes, achat local et conscience environnementale : les fabricants doivent monter sur la vague pendant qu’elle passe.
Plus grande flexibilité, délais de livraison raccourcis et augmentation de la capacité de production : la promesse de l’usine intelligente est de permettre aux entreprises du meuble de rentabiliser leurs activités et d’affronter les instabilités, en plus de contrecarrer la pénurie de main-d’oeuvre.
Pour Daniel Pelletier, président d’Artopex, injecter des fonds dans ces technologies sera probablement un «passage obligé» pour les manufacturiers qui souhaitent «suivre les besoins du client [et offrir] un produit à la hauteur des attentes». En avril 2018, l’entreprise granbyenne a annoncé des investissements de 30,1 millions de dollars – dont 10 M$ provenant du gouvernement – dans «un projet de modernisation et d’automatisation des procédés».
Ces montants ont de quoi faire peur aux joueurs de l’industrie du meuble québécois qui n’ont pas encore amorcé le virage numérique, en particulier dans les petites usines – 64 % des lieux de production comptent neuf employés ou moins. L’important est de commencer par un diagnostic qui permettra d’évaluer la tâche à accomplir. «Un marathon se fait un pas à la fois, et c’est à la fin qu’on se rend compte qu’on l’a terminé», déclare Yves Dessureault, directeur d’Inovem, un centre d’innovation du meuble rattaché au cégep de Victoriaville.
Pour surmonter ce défi, les entreprises peuvent aussi compter sur un certain nombre d’aides, comme le programme Manufacturier innovant et le financement de projets d’Investissement Québec, ou encore sur des crédits d’impôt sur l’intégration des technologies de l’information dans les PME et sur les dépenses en immobilisations, entre autres.
La constante de l’instabilité
Dans un contexte où les affaires internationales sont souvent enrobées d’incertitudes – à cause des variations dans la valeur des monnaies, des guerres commerciales qui naissent et qui meurent, des accords de libre-échange qui sont ratifiés -, la flexibilité offerte par l’usine 4.0 devient primordiale, estime M. Dessureault.
En plus de satisfaire les clients internationaux – environ le tiers de 3,3 milliards de dollars de livraisons annuelles de l’industrie québécoise du meuble en 2016 était destiné à l’exportation, dont 96 % en direction des États-Unis -, l’usine 4.0 est bénéfique pour le marché local. Plus besoin d’une production massive d’un même modèle de fauteuil ou de table pour être rentable : on peut maintenant fabriquer des quantités inférieures sans y perdre au change et sans délai déraisonnable.
De plus, pour plaire à un marché où la demande est forte, l’augmentation de production permise par les nouvelles technologies n’est pas à ignorer. M. Dessureault se désole que des entreprises du meuble refusent actuellement de soumissionner sur certains projets parce que leur capacité est trop faible.
Finalement, le moment est bon pour «effectuer un mouvement de remplacement des équipements», estime Marie-Ève Boucher, directrice des communications de l’Association des fabricants de meubles du Québec. «Nos manufacturiers ne sont plus en péril depuis 2013 ; il y a eu une belle remontée», ce qui ouvre la porte à des investissements.
Machine et humain
Impossible de parler d’un secteur manufacturier, en 2019, sans aborder la pénurie de main-d’oeuvre. Dans le meuble, où les tâches sont très spécialisées, cet aspect est à l’avant-plan.
Chez Artopex, l’intégration graduelle de machines intelligentes dans les usines a permis de déplacer les humains sur des postes de travail différents, soit en assemblage ou comme technicien pour ajuster et réparer les équipements, sans diminuer le nombre total d’employés.
«Au lieu d’un travail manuel à couper des planches, par exemple, c’est beaucoup plus intéressant [pour les jeunes] de manipuler de la technologie. Dans notre recrutement, on a réussi à baisser la moyenne d’âge. C’est un point extrêmement important», se réjouit M. Pelletier.
Selon les données du Comité sectoriel de main-d’oeuvre, on remarque depuis dix ans une diminution de la diplomation dans des programmes collégiaux et professionnels plus manuels, comme le rembourrage de meubles, l’ébénisterie et la finition de meubles, tandis que des formations axées sur les nouvelles technologies – technique en génie mécanique, technologie du génie industriel et technologie de maintenance industrielle – ont vu leur nombre d’élèves augmenter ou rester stable sur la même période de temps.
En d’autres mots, il faut «ramener l’humain à faire des tâches d’humain, pas de machines», selon M. Dessureault, surtout en ces temps où les employés potentiels sont recherchés et sont prêts à attendre la bonne offre plutôt que de sauter sur le premier boulot offert.