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Jean-Paul Gagné

Droit au but

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Analyse de la rédaction

Le gouvernement Legault devra se montrer prudent en 2019

Jean-Paul Gagné|Édition de la mi‑janvier 2019

CHRONIQUE. François Legault a été béni des dieux. Son parti, la Coalition Avenir Québec, a hérité de finances ...

Chronique — François Legault a été béni des dieux. Son parti, la Coalition Avenir Québec, a hérité de finances publiques en excellente santé. Il pourra donc réaliser une grande partie de ses engagements ambitieux, sans risquer, s’il est prudent, de mettre à mal les finances de l’État.

Il en a donné un avant-goût le 4 décembre dernier en annonçant 1,7 milliards de dollars de mesures sociales sur cinq ans. Les familles de la classe moyenne ayant deux enfants et plus bénéficieront d’un répit de 1,1 G$ de 2018-2019 à 2022-2023, alors que les aînés à faible revenu se verront octroyer plus de 565 M$ durant la même période.

Le gouvernement a aussi annoncé des allègements fiscaux de 1,6 G$ jusqu’en 2024 pour les entreprises qui investiront pour accroître leur productivité, reproduisant des mesures semblables prises récemment par le gouvernement fédéral.

« C’est un début », a répété le chef caquiste en nous invitant à attendre le « vrai budget, le gros budget » qui viendra en mars, comme si la manne allait tomber sur le Québec. Par contre, son ministre des finances, Éric Girard, s’est montré plus nuancé en disant qu’il y avait de « l’incertitude sur l’ensemble des marges de manoeuvre » et que « ça n’aurait pas été prudent de tout dépenser immédiatement. » Il a raison.

Ralentissement de l’économie

La véritable incertitude est le ralentissement à venir de l’économie. À l’instar d’économistes du secteur privé, le gouvernement prévoit des hausses respectives du PIB réel de 2,0 % et de 1,5 % pour 2019 et 2020, après les 2,8 % en 2017 et 2,6 % en 2018. Ce fléchissement découle surtout d’une décélération des dépenses de consommation et d’une baisse de la construction domiciliaire. Alors que les consommateurs continuent de s’endetter, il va sans dire que la hausse probable des taux d’intérêt en rattrapera plus d’un.

Autres facteurs inquiétants, les tarifs douaniers du président Trump sur l’acier et l’aluminium canadiens et les guerres commerciales qu’il livre à différents pays vont faire monter les prix, créer de l’inflation, freiner la consommation et ajouter de la pression sur les taux d’intérêt. La Réserve fédérale vient d’ailleurs de monter son taux directeur de 0,25 point à 2,5 %, sa quatrième hausse en 2018. Cette décision se fera sentir sur le taux directeur de la Banque du Canada, qui est passé de 1,0 % en décembre 2017 à 1,75 % actuellement, et qui pourrait croître de 0,5 à 0,75 point d’ici un an.

Ajoutons que l’endettement accru du gouvernement américain, causé par les importantes baisses d’impôt données aux riches et aux entreprises, la chute des marchés boursiers depuis le début de 2018 (- 5 % pour le S&P 500) et les déboires grandissants de toute nature du président américain continueront de miner la confiance des Américains. Et comme notre économie dépend beaucoup de celle des États-Unis, qui absorbent 65 % de nos exportations, il est clair que nous subirons l’impact des inquiétudes grandissantes chez notre voisin.

Une péréquation moins généreuse

La mise à jour économique du ministre Girard a révélé que le gouvernement bénéficiera d’une hausse de 5,1 % des transferts fédéraux en 2019-2020, après en avoir connu d’autres de 6,7 % en 2018-2019 et de 11,4 % en 2017-2018, comparativement à 3,0 % et 3,6 % respectivement pour la croissance des revenus autonomes. Comme quoi le fédéralisme est rentable pour le Québec.

Toutefois, ces flux monétaires fédéraux sont censés croître de seulement 1,2 %, 0,2 % et 2,5 % pour les trois années subséquentes. Cette forte décélération s’explique en partie par la baisse des prix des hydrocarbures dans le calcul de la péréquation. Alors que le Québec recevra à ce titre 13,1 G$ en 2019-2020, une hausse de 1,4 G$ ou de 12 % sur 2018-2019, on peut prévoir une stabilisation ou même une baisse de ce transfert au cours des prochaines années.

Bien qu’elle soit payée par le gouvernement fédéral, la péréquation est calculée en fonction de l’écart entre la capacité fiscale de chaque province pour cinq assiettes fiscales et la capacité fiscale moyenne des provinces pour chacune de ces assiettes. Les provinces qui sont plus pauvres et qui ont une capacité fiscale moindre sont les seules à recevoir de la péréquation. Les cinq assiettes fiscales sont les impôts sur le revenu des particuliers, les impôts des sociétés, les taxes à la consommation, les taxes foncières et les recettes sur les ressources naturelles.

Ainsi, c’est parce qu’elles ont une très forte capacité fiscale en matière de redevances sur les hydrocarbures par rapport aux autres provinces que l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve ne reçoivent pas de péréquation. A contrario, comme la capacité fiscale de l’Alberta est sous-exploitée par rapport à la capacité fiscale moyenne des provinces en ce qui a trait à l’impôt sur les revenus des particuliers et aux taxes à la consommation, celle-ci est pénalisée par la formule de calcul de la péréquation. Toutefois, l’Alberta n’a pas à se plaindre pour autant de cette situation, qui résulte de ses choix en matière de fiscalité.

Par contre, le fait que le Québec reçoive de la péréquation s’explique par ses politiques fiscales et sa pauvreté relative par rapport à l’ensemble du Canada. En même temps, la péréquation traduit aussi une certaine vulnérabilité.

Voilà pourquoi, il importe d’exercer une saine prudence dans la gestion des finances publiques, principalement quand un ralentissement de l’économie pointe à l’horizon, comme c’est le cas actuellement.

 

J’aime ­
La France taxera les géants du Web à compter du 1er janvier 2019, imitant ainsi le Royaume-Uni et Singapour. C’est un geste courageux, puisque l’Union européenne n’a pas statué sur cette question, tout comme le Canada d’ailleurs. Puisque ces multinationales étrangères échappent à l’impôt, elles livrent une concurrence déloyale aux entreprises de nombreux pays.

Je n’aime pas ­
Alors que la population du Québec représentait 28 % de celle du Canada en 1971, les 8,34 millions de ­Québécois actuels ne forment maintenant que 22,6 % de l’ensemble du Canada. Cette décroissance, qui est néfaste à plusieurs égards, pourrait être atténuée par une politique plus affirmée en matière d’immigration. Or, les 52 000 immigrants que le Québec a accueillis en 2017 ne représentaient que 18 % de tous les nouveaux venus au Canada. Comment ­peut-on prétendre que nous acceptons trop d’immigrants ?