Pour beaucoup de travailleurs, la pandémie a redéfini leurs priorités et leur idée du succès. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Ce billet m’a été inspiré par une discussion avec notre relationniste qui m’appelait simplement pour me demander : «Est-ce que tu comprends pourquoi tout le monde cherche des employés?». La PCU est terminée, non?
Plusieurs personnes associaient l’aide gouvernementale d’urgence à la difficulté importante de trouver de la main-d’œuvre, et ce, dans tous les secteurs. Toutefois, nous assistons actuellement à un mouvement plus profond qui est qualifié de «grand réveil» et qui démontre comment la fin de la PCU n’a pas eu comme résultat la simplicité de retrouver des employés rapidement.
Le «grand réveil» est utilisé pour décrire un phénomène mondial à travers lequel, alors que nous commençons enfin à sortir de la pandémie, un nombre record de personnes quittent leur emploi. Récemment, une enquête de Microsoft montrait que 40% de la main-d’œuvre mondiale envisage de quitter son emploi cette année.
Encore plus marquant, selon une enquête de Prudential, si on leur donnait la possibilité de se recycler, 53% des travailleurs accepteraient un emploi dans une nouvelle industrie. C’est probablement encore plus vrai dans des industries comme celle où mon entreprise évolue, le divertissement.
Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles les gens recherchent un changement, dans ce que certains économistes ont aussi surnommé la «grande démission». Pour certains travailleurs et travailleuses, la pandémie a précipité un changement de priorités, les encourageant à poursuivre un «emploi de rêve», se lancer en affaires ou à devenir parent au foyer. Et pour un grand nombre d’entre eux et elles, la décision de partir est venue en raison de la façon dont leur employeur les a traités pendant la pandémie.
La place du travail
La pandémie nous a donné du temps — beaucoup de temps — pour réfléchir à ce que nous apprécions vraiment et à la place du travail dans nos vies. Nous avons eu le temps de réfléchir à ce qui nous rend vraiment heureux, à quels pans de notre expérience pandémique nous souhaitons suivre dans les prochaines années post-pandémiques; quels autres nous voulons laisser derrière nous, quelles parties de notre vie pandémique nous voulons emporter avec nous dans l’avenir post-pandémique, et quelles parties nous voulons laisser derrière nous.
Il y aurait un phénomène plus profond au cœur de ce «grand réveil»: une redéfinition collective du succès. Alors que tant de parties de notre vie ont été coupées du monde extérieur — que nous ayons eu la chance de pouvoir travailler à la maison ou non — nous sommes également devenus moins connectés à la définition mondiale du succès. Il semble que plusieurs personnes se sont rendu compte que se définir par son CV, que poursuivre une idée de réussite basée uniquement sur l’argent qu’on gagne et que notre statut social n’étaient pas durables. C’est un peu comme s’asseoir sur un tabouret à deux pattes: tôt ou tard, vous allez tomber.
Après cet isolement forcé, les intangibles de la vie qui la rendent digne d’être vécue sont devenus beaucoup plus tangibles et clairement, les gens ne sont plus prêts à sacrifier leur bonheur pour le travail: si celui-ci ne le permet pas, ils et elles considèrent chercher autre chose. De toute évidence, le contexte selon lequel la vie est courte et jamais garantie change la donne pour les personnes qui trouvent leur travail insatisfaisant.
Avec un record d’emplois ouverts en ce moment (plus de 10 millions seulement aux États-Unis), nous n’avons pas d’autre choix que de répondre au «grand réveil». Le monde des RH n’est plus seulement dans le «pourquoi», mais surtout dans le «comment »nos équipes peuvent être bien et heureuses. Il est aussi clair que le «comment» ne concernera pas les avantages tels que les tables de ping-pong, les baristas ou encore et les somptueux buffets de bureau, mais l’introduction de politiques de bien-être mental, émotionnel et physique.
La santé des employés avant tout
Au lieu de courir après un antidote au burn-out, les gestionnaires doivent intégrer des pratiques de bien-être dans les entreprises. Les semaines du bien-être et les journées de santé mentale, aussi bienvenues soient-elles, ne suffisent plus. Nous devons aller au-delà des interventions ponctuelles de bien-être. Les employeurs doivent arrêter de penser que d’offrir des journées de congé, comme une récompense pour avoir travaillé dur et être épuisé, est une solution.
La science le démontre clairement, être reposé permet aux gens d’être plus heureux en plus de les amener vers une meilleure productivité et plus grande créativité. Cela devrait donc devenir le fondement de toute stratégie à la fois pour une définition plus large du succès au niveau personnel, mais aussi une définition plus durable du succès en affaires.
C’est formidable que les entreprises reconnaissent l’importance du bien-être et les dangers de l’épuisement professionnel. Mais la vérité est que nos équipes s’épuisent depuis des années, puis prennent une semaine ou deux ici et là, puis reviennent pour s’épuiser à nouveau. Ce qui a changé, c’est que les hauts — ou du moins les bas — sont devenus plus prononcés. Selon une enquête du cabinet de recrutement Robert Half, 25% des travailleurs ont n’ont pas pu prendre leurs congés payés en 2020, 44% sont plus épuisés qu’il y a un an et 57% déclarent avoir besoin d’un congé prolongé pour se déconnecter complètement du travail.
Pourtant, bien des entrepreneur(e)s à qui j’ai récemment parlé considèrent que leur équipe devrait se sentir privilégiée d’avoir toujours un emploi après les vagues de licenciements dans la foulée de la COVID-19. C’était aussi mon impression au début de la crise: je voyais le fait de garder son emploi comme un privilège, mais c’était une grossière erreur.
Nous avons une occasion unique de redéfinir le succès, et avec ce dernier, notre façon de travailler et de vivre. Les gens prennent dorénavant conscience de la valeur de la vie. Ils et elles se réveillent de l’illusion collective que l’épuisement professionnel est le prix à payer pour réussir. Les entreprises qui sauront s’adapter et offrir de meilleures conditions de travail seront moins susceptibles d’être emportées par la grande vague de démissions. Celles qui ne réussiront pas pourraient expérimenter un retour brutal, dangereusement tout aussi dommageable que la crise de la COVID-19 l’aura été!