«Je n'étais pas un bon entraîneur. Je n'avais pas une influence positive sur les joueurs», se souvient Tim Murdoch, ancien coach de l'équipe de la crosse de l'Université McGill. (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Il y a toujours eu de nombreux parallèles entre le sport et le monde des affaires. Outre l’emploi de métaphores sportives pendant des réunions, d’anciens joueurs tirent profit de leur expérience pour lancer une entreprise sociale, tandis que des entraîneurs s’inspirent de la culture de travail préférée de la génération Z pour adapter leur style de leadership.
Pour Tim Murdoch, légende de la crosse, le sport et les affaires vont de pairs depuis plus de 20 ans.
Originaire de Princeton, dans le New Jersey, Tim Murdoch a obtenu un diplôme d’arts libéraux en histoire à l’Université de Princeton où il a joué au plus haut niveau de la crosse aux États-Unis dans les années 1980.
Après son passage dans cette école de la Ivy League, il a ensuite obtenu un MBA de la Harvard Business School, où il a été élu cocapitaine et entraîneur-joueur du club de crosse masculin.
Il a ensuite déménagé à Montréal, où il a occupé le poste d’entraîneur-chef de l’équipe masculine de la crosse de l’Université McGill pendant 17 saisons, entre 2003 et 2019.
Alors qu’il jouait un rôle important dans le développement du sport dans la ville, l’athlète de haut niveau dirigeait également une société nationale de service-conseil, épaulant les dirigeants de plusieurs entreprises.
«Je profitais constamment de mon expérience d’entraîneur et je mettais en pratique ce que j’avais appris sur le terrain pour conseiller les PDG, tout en m’inspirant des dirigeants couronnés de succès pour exceller en tant que leader de l’équipe», dit-il.
Sa carrière non traditionnelle lui a permis de tirer une leçon importante : même les dirigeants les plus reconnus bénéficient d’un constant état d’esprit de dépassement de soi.
Apprentissage continu
Tim Murdoch indique que le leader qui l’inspire le plus, c’est son père, Bill Murdoch. L’ancien athlète et chef d’entreprise était chaleureux, et croyait en la valorisation de chaque membre d’une organisation.
Ce n’est toutefois pas sous ce leadership bienveillant et empathique que l’ancien joueur de la crosse a évolué lors de ses 10 ans de compétition, le milieu sportif de haut niveau étant alors dirigé par des baby-boomers à l’approche opposée.
«Au départ, ma façon d’entraîner était influencée par ma formation, se souvient-il. Il y avait beaucoup de cris et de hurlements et on employait une approche dictatoriale pour faire avancer les choses. Je pense que nous avons tous accepté cette manière de faire, mais cela ne fonctionne pas à long terme.»
En 2010, il a constaté qu’une réévaluation de ses méthodes s’imposait alors qu’il venait de recruter un groupe d’étudiants-athlètes fort prometteurs qui, semblait-il, n’étaient pas assez performants.
«Nous n’étions pas à la hauteur et nous perdions les matchs de peu», dit-il. J’éprouvais beaucoup de frustration par rapport à l’équipe et j’ai fini par comprendre que le problème venait de moi. Je n’étais pas un bon entraîneur. Je n’avais pas une influence positive sur les joueurs en tant que leader.»
Avec l’aide de sa femme Pascale Lemaire, psychologue formée à l’Université McGill, Tim Murdoch a atteint ce qu’il a décrit comme «un éveil» qui changerait à jamais sa conception du leadership.
Diriger en inspirant la confiance et non la crainte
«J’ai adopté de nombreux aspects de la psychologie positive, notamment en me concentrant sur les forces des joueurs au lieu de m’attarder sur leurs faiblesses, précise Tim Murdoch. Je devais être un modèle, être plus calme et plus positif. Je devais aider les gens à parvenir au succès et non pas les diriger par la peur.»
Un entraîneur qui crie peut croire que sa voix va stimuler et motiver les joueurs. Cependant, cela aura très probablement l’effet inverse, les athlètes trouvant cela humiliant et décourageant.
«Lorsque vous adoptez le style [de leadership] militaire, la confiance s’effondre», ajoute-t-il.
Tim Murdoch a troqué l’agressivité contre une oreille beaucoup plus attentive et sensible. Très vite, l’équipe a gagné presque tous les matchs de la décennie suivante, y compris les championnats nationaux de 2012 et de 2015.
«Je ne veux pas m’attribuer tout le mérite, mais je pense qu’un facteur important a été que j’ai choisi de devenir un leader plus positif et plus inspirant, plutôt que de recourir aux techniques de la vieille école de gestion par la peur et les cris.»
Il en va de même dans le cadre d’une entreprise. Quelle que soit leur fonction organisationnelle, les dirigeants doivent s’abstenir de toute communication négative, en particulier en public.
Envisagez de formuler des critiques constructives en privé plutôt que de réprimander un employé devant d’autres personnes, conseille-t-il. Parfois, ce n’est pas ce qu’on dit, mais la manière dont on le dit qui compte.
Il est temps d’accueillir le changement
Le marché du travail est en pleine effervescence. La demande de main-d’œuvre dépasse l’offre. Le respect de la hiérarchie et les attitudes à l’égard du travail ont changé. Les jeunes générations veulent établir de vrais contacts avec leurs patrons et leurs organisations.
En effet, la sécurité psychologique a une importance encore plus marquée depuis la pandémie de Covid-19. Il a aussi été prouvé à maintes reprises que l’intégration d’une culture de travail inclusive est la clé de l’innovation et de la rétention des jeunes professionnels.
La transition du style de leadership de Tim Murdoch nous rappelle donc qu’il est payant d’être ouvert au changement.
«Les dirigeants d’entreprises et les organisations doivent adopter l’idée de développement personnel continu que partagent les athlètes, dit-il. Tout change autour de vous. Ne vous contentez pas de suivre le courant et de continuer ce que vous avez toujours fait par le passé.»
«Traditionnellement, le PDG est placé au sommet, ajoute-t-il. J’aime le placer au centre, tel un pôle autour duquel gravite tout le personnel clé. On obtient ainsi l’assurance d’une meilleure gestion.»
Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est diplômée en journalisme et sociologie de l’Université Concordia.