(Photo: Lithium Amérique du Nord)
ANALYSE. Ceux et celles qui doutent encore que le Québec regorge de minéraux critiques et stratégiques (MCS) devraient regarder de plus près l’effervescence entourant la reprise de Lithium Amérique du Nord (LAN), à La Corne, en Abitibi-Témiscamingue.
Depuis mai 2019, cette société minière est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Le fabricant chinois de batteries CATL et Investissement Québec (IQ) contrôlent cette société, car ce sont des actionnaires qui ont des créances garanties.
Depuis deux ans, LAN est en mode maintenance afin de préserver les installations et les équipements. La mine a déjà produit 180 000 tonnes de concentrés de lithium entre août 2017 et février 2019.
La société cherche un investisseur pour prendre la place de la chinoise Jien International Investment, soit le troisième actionnaire (mais sans créance garantie), qui avait racheté en 2018 Québec Lithium avec IQ — devenue Lithium Amérique du Nord. C’est le syndic Raymond Chabot qui est responsable du dossier. Selon une source de l’industrie qui requiert l’anonymat, le gouvernement du Québec pourrait annoncer quelle entreprise reprendra la mine d’ici le 4 juin.
Le lithium est un minerai incontournable pour la transition énergétique et la fabrication de batteries pour les véhicules électriques. La liste des entreprises et des investisseurs québécois et étrangers qui ont présenté une offre officielle au syndic montre l’intérêt pour le lithium québécois.
Cinq entreprises ont présenté une offre
Cinq entreprises ont mis une offre sur la table, selon Les Affaires et Le Journal de Montréal: Sayona Québec, Evolution Metals Corporation, le consortium Adrien Pouliot/Mercuria/Nathaniel Klein, Central America Nickel et SRG Mining. Malgré leur nom, ces trois derniers groupes peuvent être considérés comme des entreprises québécoises.
C’est Le Journal de Montréal qui a révélé l’existence du consortium Adrien Pouliot/Mercuria/Nathaniel Klein. Il peut être vu comme un acheteur du Québec en raison de la présence d’Adrien Pouliot, l’ancien chef du Parti conservateur du Québec (PCQ) et fils héritier de Jean Pouliot, ancien patron des chaînes de télévision Télé-Métropole, CFCF et TQS. Adrien Pouliot a quitté officiellement la tête du PCQ le 17 avril. Nathaniel Klein, deuxième partenaire associé à NK Investments, à New York, est ce financier américain qui avait racheté Québec Lithium, en 2016, pour ensuite la revendre en 2018 à CALT, IQ et Jien International Investment. Quant à Mercuria, il s’agit d’une multinationale suisse présente dans les secteurs de l’énergie et des métaux de base dans plus de 50 pays, dont au Canada. SRG Mining, dont le siège social est à Mont-Royal, a deux projets miniers en Guinée, en Afrique de l’Ouest.
Central America Nickel, dont le siège social est à Montréal, n’exploite pas non plus de mine actuellement. Cette société est spécialisée dans le traitement et la purification des métaux dits énergétiques, comme le nickel, le cobalt et le cuivre.
Sayona Québec, une filiale de l’australienne Sayona Mining, a déjà deux projets en Abitibi-Témiscamingue:le projet Authier Lithium et le projet Tansim. Enfin, Evolution Metals Coporation est une société américaine d’exploration minière, de raffinage et de produits chimiques qui n’exploite pas non plus de mine. Elle a affirmé publiquement que Washington appuie son projet d’acheter Lithium Amérique du Nord.
Deux facteurs que Québec doit considérer
Selon les informations recueillies par Les Affaires, de deux à trois entreprises seraient encore en lice pour reprendre LAN, dont une entreprise québécoise.
Le gouvernement François Legault doit considérer deux questions de taille dans la décision qu’il prendra dans les prochaines semaines pour l’avenir de la mine à La Corne. D’une part, il déterminera le rôle du Québec dans la chaîne de valeur mondiale du lithium, s’il choisit un acheteur qui peut faire de la première, de la deuxième, voire à terme de la troisième transformation de lithium en sol québécois.
D’autre part, il devra dans le même temps choisir un acheteur qui a les reins financiers solides et une équipe expérimentée dans le secteur minier, et ce, pour ne pas répéter les erreurs du passé.
En effet, cette mine représente tout un défi technique. Ses difficultés des dernières années tiennent essentiellement aux mauvaises caractéristiques du minerai du lithium à La Corne. Par conséquent, il est très difficile d’y produire du lithium de qualité, ce qui empêche la minière d’obtenir un bon prix sur le marché. Le nouveau propriétaire devra donc investir des dizaines de millions de dollars pour relancer la mine et améliorer la qualité du lithium qu’elle produit.
Le nouveau propriétaire de la mine de La Corne devra investir des dizaines de millions de dollars pour relancer la mine et améliorer la qualité du lithium qu’elle produit.