(Photo: Getty Images)
CHRONIQUE. La Coalition avenir Québec a promis, en 2018, de livrer les 15 000 logements sociaux annoncés, mais non construits, qui étaient restés dans les livres du gouvernement précédent.
Plus de deux ans après son entrée en fonction, le gouvernement Legault affiche un bilan très mitigé à cet égard. Il faut s’attendre à ce qu’une très faible quantité des logements promis soit construite par les coopératives et organismes sans but lucratif (OSBL) d’habitation, ainsi que par les offices municipaux d’habitation. Selon l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), qui assistent les coopératives et les O SBL d’habitation, il y a 10 000 logements abordables autorisés et prêts à être construits qui attendent un financement qui ne vient pas.
Le logement abordable est négligé au Québec. Selon la Société d’habitation du Québec (SHQ), qui gère les programmes AccèsLogis et Logement abordable Québec, il ne s’y est bâti que 1 019 nouveaux logements sociaux et communautaires au cours de l’exercice financier terminé le 31 mars 2020, comparativement à 1 238 et 1 100 appartements de plus pour les exercices terminés en mars 2019 et en mars 2018, respectivement. On est loin de la moyenne des 2 000 logements abordables réalisés par la SHQ depuis 22 ans.
Il y a environ 85 000 logements communautaires au Québec, ce qui est peu en comparaison des besoins des 480 000 ménages qui sont en situation de vulnérabilité selon le Réseau québécois des O SBL d’habitation. Ces ménages dépensent 30 % et plus de leur revenu brut pour se loger.
Pénurie de logements abordables
La pénurie de logements abordables a été déplorée à maintes reprises par plusieurs maires, mairesses et autres intervenants du secteur. En novembre dernier, le G15, une coalition réunissant des organismes patronaux, syndicaux et socioéconomiques, a demandé à Québec d’inscrire dans ses actions de relance de l’économie la «construction de dizaines de milliers de logements sociaux et communautaires d’ici cinq ans». En plus d’être pertinent socialement, cet engagement serait rentable. Selon l’AGRTQ, pour chaque 1 $investi dans ce secteur, 2,3 $sont injectés dans l’économie québécoise.
À Montréal, où la pénurie est critique (taux d’inoccupation de moins de 1 % dans certains quartiers), «près de 155 000 ménages sous le seuil de faible revenu consacrent plus de 30 % de leur revenu pour se loger»selon la Ville. C’est près d’un ménage locataire sur trois. Pire, «85 000 ménages consacrent plus de 50 % de leur revenu pour se loger». Inutile de dire que ces locataires sont dans une situation de grande vulnérabilité par rapport à leurs autres besoins en alimentation et en santé.
Autre particularité montréalaise, les logements abordables de trois chambres y sont rarissimes, d’où l’exode vers la banlieue (perte nette de 135 000 résidents entre 2012 et 2019). En témoigne le nombre élevé de condos à vendre au centre-ville et dans le quartier Griffintown, qui sont trop chers et trop petits pour les familles à revenus modestes.
En décembre, plus de 230 municipalités ont écrit à leur député pour ajouter à la pression sur le gouvernement. Une autre lettre devrait leur être acheminée au cours des prochains jours en vue des consultations prébudgétaires du ministre des Finances, Éric Girard, dont les deux premiers budgets ont été muets quant à l’accroissement de l’offre de logements abordables. Le credo du gouvernement est de vider l’arriéré des logements déjà promis et non réalisés, avant d’en autoriser d’autres. Plusieurs de ces logements font partie des projets acceptés par la SHQ, mais ses règles actuelles de financement empêchent leur mise en chantier.
En juillet 2019, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a annoncé certaines mesures d’amélioration du programme AccèsLogis, mais celles-ci se révèlent insuffisantes en raison de l’explosion des coûts de construction. Figurent parmi ces mesures une majoration de 25 % du coût maximal de construction donnant droit à une subvention pour les projets non encore autorisés et une augmentation du prêt de démarrage. Mais puisque ce prêt est remboursable, la dette hypothécaire du projet s’accroît d’autant, d’où une hausse des loyers pour les locataires. Ces mesures, qui auraient pu être pertinentes dans un contexte de stabilisation des coûts de construction, sont donc à revoir.
Entente Canada-Québec
Une bouffée d’air frais est venue de l’entente Canada-Québec sur le logement abordable signée en octobre dernier. Fruit d’une négociation de plus de deux ans, cette entente couvre la «période du 1er avril 2018 au 31 mars 2028», ce qui veut dire qu’elle a déjà pris 33 mois de retard, une preuve de plus que le logement abordable ne pèse pas lourd dans les priorités des élus.
Cette entente, qui prévoit un financement fédéral de 1,84 milliard de dollars (G $) et autant de Québec, prévoit trois mesures:1,2 G $pour le volet «Initiative canadienne de logement communautaire», 454 millions (M $) pour le volet «Allocation canadienne pour le logement»et 273 M $pour le volet «Priorités du Québec». Cette dernière somme devrait être dirigée vers le programme AccèsLogis, mais le gouvernement du Québec n’a encore rien confirmé à cet égard.
Fort de ces engagements financiers, on peut s’attendre à ce que le ministre Éric Girard soit plus loquace cette année quant au logement abordable. Mais il devra surtout se montrer beaucoup plus ambitieux et plus généreux s’il veut sauver l’image de son gouvernement sur ce plan.
En plus d’être pertinent socialement, cet engagement serait rentable. Selon l’Association des groupes de ressources techniques du Québec, pour chaque 1 $ investi dans ce secteur, 2,3 $ sont injectés dans l’économie québécoise.
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Le surintendant des institutions financières du Canada refusera aux banques et aux assureurs d’augmenter leurs dividendes, de procéder à des rachats d’actions et d’augmenter la rémunération de leurs dirigeants tant que les mesures de confinement pour contrer la COVID-19 n’auront pas disparu. Jeremy Rudin veut s’assurer que les institutions financières canadiennes conservent leurs fonds propres et leurs liquidités pour les protéger contre les effets d’une détérioration de l’économie. Cette directive vise aussi à modérer les attentes des analystes financiers et des gestionnaires de fonds à l’égard de mesures visant une appréciation en Bourse des titres de ces institutions. Le système financier canadien est fort, mais l’intérêt public commande de ne pas le laisser à la merci de décideurs et d’influenceurs qui ne visent que leur enrichissement à court terme.
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Les dernières élections américaines ont coûté environ 14 G$US, soit le double des précédentes, selon le Center for Responsive Politics, un organisme non partisan. La campagne présidentielle a coûté 6,6 G$et les élections au Congrès, près de 7 G$US. Cette orgie de dépenses s’explique surtout par un arrêt de 2010 de la Cour suprême américaine, qui a supprimé les plafonds de dons des comités d’action politique créés par des groupes d’intérêt pour promouvoir différentes causes, des partis politiques et des candidats, les PAC. Exemple manifeste de cette aberration, le Super PAC créé par Donald Trump pour contester l’élection présidentielle avait recueilli environ 250 M$US au moment où ces lignes étaient écrites. Trump pourra ensuite utiliser à d’autres fins l’excédent non dépensé pour cette contestation. Le fait qu’il y ait autant d’argent dans la politique américaine favorise la corruption des élus et explique le dysfonctionnement du Congrès.