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Analyse de la rédaction

Le pari audacieux des zones d’innovation

Marine Thomas|Édition de la mi‑Décembre 2023

Le pari audacieux des zones d’innovation

Attirer dans un même emplacement la recherche, les capitaux et les talents permet de bâtir des écosystèmes structurés et collaboratifs qui offrent une meilleure performance. (Photo: 123RF)

BILLET. On ne peut pas le lui enlever, le gouvernement actuel nourrit de grandes ambitions pour le Québec. Les zones d’innovation en sont un des exemples les plus frappants.

Attirer dans un même emplacement la recherche, les capitaux et les talents permet de bâtir des écosystèmes structurés et collaboratifs qui offrent une meilleure performance. C’est une réponse intéressante au problème récurrent québécois de la commercialisation. 

Pour nous assurer une première place dans la course mondiale à l’innovation, Québec fait donc le choix de se concentrer sur quelques secteurs. 

Cette sélection a une importance capitale, comme en témoignent les moyens importants déployés pour la soutenir. La création d’une zone officielle arrive avec une enveloppe généreuse de centaines de millions de dollars. On comprend pourquoi certaines zones attendent leur tour sur la ligne de départ avec impatience. C’est notamment le cas de la zone bleue, dont nous vous parlions en septembre. 

La question reste à savoir : misons-nous actuellement sur les bons numéros ?

La première zone désignée, Technum, se spécialise dans la microélectronique. Notre monde moderne hyperconnecté dépend des micropuces. Taiwan produit 90 % des micropuces les plus avancées du monde. Les bris dans la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie et les tensions géopolitiques avec la Chine rappellent l’importance d’avoir un approvisionnement local et stable. Le partenariat avec les États-Unis pour créer un corridor Albany-Bromont revêt donc une grande importante stratégique pour l’avenir. Ces mêmes puces produites par l’usine d’IBM ont par ailleurs un attrait pour le quantique, une nouvelle technologie promettant de révolutionner l’informatique et de nombreux secteurs d’activités, et qui se trouve au cœur de la deuxième zone. 

Dans ces deux cas, Québec reconnaît le potentiel existant et investit pour accélérer des conditions déjà en place. 

On peut toutefois légitimement s’interroger sur l’efficacité de créer de telles conditions dans le cas des batteries électriques. 

Il ne fait aucun doute que le Québec dispose de beaux atouts dans sa manche en matière d‘électrification des transports. Les façons de procéder pour se positionner dans ce secteur sont cependant discutables. Il n’est pas étonnant que l’arrivée de Northvolt à coût de milliards défraie les manchettes. Au nom du plus gros projet manufacturier de l’histoire du Québec, on fait table rase de tout obstacle, sans effectuer d’examen et en obtenant des autorisations en un temps record. On envoie le message qu’il n’y a pas de temps à perdre et que ce ne sont pas quelques espèces en danger qui vont empêcher ce mégaprojet de se réaliser. Il faut rappeler que les grandes entreprises étrangères, fortes de l’appui démesuré de nos gouvernements, font ensuite concurrence aux entreprises d’ici pour les mêmes ressources, dont la main-d’œuvre. 

Le gouvernement démontre surtout sa volonté de fer de conquérir des parts du marché (lucratif) de l’économie verte, quel qu’en soit le prix à payer. 

Être numéro 1 exige toujours des sacrifices. Encore faut-il que ceux-ci soient justifiés et que les gains, en fin de compte, en vaillent réellement la peine. Dans cette sacro-sainte course à l’innovation, on risque d’essouffler les Québécois et, finalement, de ne pas franchir la ligne d’arrivée…

Parlant de ligne d’arrivée, c’est le dernier numéro de l’année pour Les Affaires. Je vous souhaite d’arrêter de courir un peu et de vous reposer durant le temps des fêtes. On se retrouve en janvier !