Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
  • Accueil
  • |
  • Le plan de l’industrie auto pour vous faire lâcher le volant

Le plan de l’industrie auto pour vous faire lâcher le volant

Alain McKenna|Publié le 18 janvier 2019

Le plan de l’industrie auto pour vous faire lâcher le volant

Les 10 prochaines années menacent 100 ans d'histoire automobile. (Image: Porsche)

Ça fait quelques années déjà qu’on parle de conduite autonome, et même si la technologie semble avancer plutôt lentement, quand on change de voiture seulement une fois toutes les 7 ou 8 ans (le cycle de renouvellement moyen dans ce marché au Canada), dans les labos de R-D des grands fabricants, ça va drôlement plus rapidement.

À tel point qu’on se prend à croire que la cible, plutôt ambitieuse, de commercialiser des véhicules entièrement autonomes (ce qu’on appelle, dans le jargon, des véhicules de «niveau 4», sur une échelle à 5 niveaux, ce dernier niveau faisant disparaître le volant) aussi tôt que dans trois ans, pourrait ne pas être ratée de si peu.

Vous voyez comment on se garde une petite gêne dans la formulation de cette phrase. Après tout, des essais faits avec les technologies de divers fabricants ces derniers mois tendent à démontrer qu’au-delà des belles paroles, les systèmes d’aide à la conduite actuellement en circulation ne sont pas aussi parfaits qu’on voudrait bien le croire…

Ça n’empêche pas les dirigeants de l’industrie d’être très optimistes par rapport à cette technologie. Et la raison est simple : ils ont enfin trouvé une valeur ajoutée, un différentiateur, si vous voulez, qui fait de la conduite autonome un outil de plus pour conquérir de nouveaux acheteurs : elle va ajouter une heure de plus à votre journée.

C’est ainsi que le résume Marc Ouayoun, qui a été nommé PDG de Porsche Canada l’an dernier. On imagine facilement comment le sympathique dirigeant d’origine française (ce qui, chez Porsche, détonne) pourrait balayer du revers de la main ces outils visant à nous faire lâcher le volant.

Après tout, une Porsche, ce n’est pas exactement une voiture plate à conduire…

Mais dans le tunnel Lafontaine, à l’heure de pointe, en situation de pare-chocs à pare-chocs? «Dans un bouchon de circulation, être dans une Porsche n’est pas bien différent d’être dans une Ford», illustre-t-il. À moins qu’une des deux voitures soit capable de rendre cette heure de pointe plus agréable pour le conducteur…

«C’est la conduite autonome qui fera la différence. Au quotidien, elle promet d’ajouter une heure de plus à votre journée, que vous pouvez utiliser pour les loisirs, pour le travail, ou pour autre chose. C’est ce qu’on appelle la vingt-cinquième heure dans votre journée.»

Montréal-Toronto sans les mains, c’est pour bientôt

Elles sont nombreuses les marques de voitures qui misent sur «le plaisir de conduire» pour se démarquer. Mais soyons honnêtes : quel plaisir y a-t-il à dévaler l’autoroute morne, linéaire et soporifique qui relie Montréal à Toronto? En fait, c’est tout l’axe Québec-Windsor qui est d’un ennui mortel à parcourir en voiture!

Comme c’est aussi un axe routier fort populaire auprès des gens d’affaires, du genre à avoir les moyens d’acheter une voiture de luxe signée Porsche, Mercedes-Benz ou même Tesla, permettre à ces gens de lâcher le volant tandis qu’ils empruntent les autoroutes découpant ce coin de pays risque d’être un facteur de vente efficace, dans un avenir rapproché.

Et par rapproché, on veut dire, très bientôt. «C’est sûr qu’on pourra faire le trajet entre Montréal et Toronto sans tenir le volant au plus tard dans 10 ans», assure M. Ouayoun. Si c’est à bord d’une voiture électrique, en prime, comme la Taycan que Porsche commercialisera au pays au plus tard l’hiver prochain, alors pourquoi pas.

10 ans pour effacer 100 ans d’histoire automobile

Entre électrification et autonomisation, l’industrie automobile entre dans une décennie qui lui fera subir des changements comme elle n’en a probablement pas connu en plus de 100 ans d’histoire, en Amérique du Nord. Imaginez : d’ici 2025, une masse critique de consommateurs troqueront une voiture à essence qui les mène à visiter une station-service environ une fois par semaine, puis un garagiste environ quatre fois l’an, par une voiture électrique qui fera le plein de soir, à la maison, et qui n’a pas besoin de changement d’huile tous les 5000 kilomètres.

C’est déjà pas mal.

En nous faisant lâcher le volant, les grands joueurs de cette industrie font aussi éclater la conception de transport individualisé qui domine aussi depuis un siècle. Ne plus avoir à se soucier de sa conduite mène tout naturellement à ne plus trop se soucier du véhicule qui nous transporte.

Ça rend la propriété même du véhicule un peu secondaire, si on peut simplement emprunter un véhicule sur-le-champ, quand on en a besoin.

Ça menace un modèle économique bien établi. Pour être dans l’air du temps, on a bien hâte de comparer le portrait de l’automobile actuelle à celui de l’automobile dans 10 ans. Un #10YearsChallenge qui risque d’être pas mal plus intéressant que celui qui est devenu viral sur Facebook cette semaine…

«L’enjeu, c’est de rendre le transport plus fluide», résume le PDG de Porsche Canada. «Dans le marché du luxe, il y aura toujours cette envie de posséder une voiture, puisque ça demeure un bel objet. Mais entre la voiture autonome et la voiture-plaisir, on verra aussi apparaître la voiture-à-la-demande. Pour nous, c’est parfait : nous irons chercher les gens sensibles à notre marque, mais ne désirant pas acheter une voiture neuve.»

Ces changements technologiques pourraient mener à l’apparition de nouvelles marques populaires. De nouveaux Tesla, pour ainsi dire. Ça pourrait aussi menacer des marques actuellement en marché.

Lesquelles? Reparlons-en dans dix ans…

Suivez-moi sur Facebook:

Suivez-moi sur Twitter: