Le plan de Québec s’appuie sur les transports et l’industrie
Katia Tobar|Édition de la mi‑novembre 2020Les transports sont responsables de 43,3 % des émissions totales. (Photo: 123RF)
TRANSITION ÉCOLOGIQUE. Pour lutter contre les changements climatiques, le gouvernement québécois parie sur l’électrification et l’innovation, a révélé le Plan pour une économie verte 2030 (PEV 2030) présenté le 16 novembre. Aucune mesure coercitive pour les entreprises ou les citoyens n’est toutefois prévue dans ce plan assorti d’une enveloppe de 6,7 milliards de dollars sur cinq ans – de 2021 à 2026.
« Ce plan est une reconnaissance de l’état économique actuel » causé par la pandémie de COVID-19, estime le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Karl Blackburn. Il salue le souci du gouvernement de « ne pas alourdir le fardeau fiscal des citoyens et des entreprises ».
Avec le PEV 2030, Québec prévoit réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 12,4 mégatonnes (Mt) d’équivalent CO2 d’ici 2030. Il atteindrait alors à peine la moitié de sa cible climatique pour 2030, mais compte réévaluer le plan chaque année et l’adapter en fonction des résultats obtenus et des innovations technologiques disponibles.
Pour le moment, Québec s’attaque aux deux secteurs les plus gourmands en émissions carbone, à savoir les transports (43,3 % des émissions totales) et l’industrie (30,5 %). Ainsi, camions, autobus scolaires et véhicules particuliers seront progressivement électrifiés au cours des prochaines années. La nouvelle a réjoui entre autres Hydro-Québec, qui « entend jouer un rôle de catalyseur dans ce grand projet collectif », indique sa PDG, Sophie Brochu.
Sur le plan industriel, le gouvernement mise sur l’accompagnement et l’investissement en recherche et développement. Une somme de 768 millions de dollars (M$) y sera consacrée, accompagnée d’un investissement de plus de 400 M$ pour favoriser la création de nouvelles entreprises.
Cette « approche incitative » est une bonne nouvelle, selon Karl Blackburn, qui considère que le secteur industriel a déjà fait un « effort considérable » en réduisant de 25 % ses émissions carbone depuis 1990, d’après les données du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
L’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ) salue également cette approche. « Ça va créer du développement économique et de nouveaux emplois », se réjouit Pascal Monette, PDG de l’organisme. Ce dernier suggère de mettre en place des « appels de solution » sur les questions de l’action climatique, afin que les entreprises innovent dans le but de répondre à des problèmes concrets. « Cela favoriserait l’éclosion de PME. »
« Manque de courage » politique
Ce plan fait toutefois hausser les sourcils de l’opposition à l’Assemblée nationale, surtout la stratégie de miser sur l’innovation. « C’est un pari qui est risqué : ces innovations technologiques, il va falloir qu’elles soient très fortes » pour atteindre la cible climatique que le Québec s’est fixée pour 2030, estime Sylvain Gaudreault, le porte-parole en environnement du Parti québécois.
Du côté de Québec solidaire, on déplore le manque de mesures d’écofiscalité, c’est-à-dire des taxes, des subventions ou autres mesures qui permettent de favoriser certaines actions positives pour le climat. « En se privant d’écofiscalité, le gouvernement se prive de revenus, alors que les mesures dissuasives [comme l’imposition d’une taxe carbone] peuvent être bonnes économiquement pour la société », avance Ruba Ghazal, responsable de l’environnement au sein de ce parti.
Une vision que partage François Delorme, chargé de cours au Département de sciences économiques de l’Université de Sherbrooke. « L’écofiscalité n’est pas forcément punitive ; elle peut répondre au principe du double dividende », explique-t-il. C’est-à-dire que d’un côté, l’économie se décarbone, alors que de l’autre, le revenu disponible pour lutter contre les changements climatiques augmente, grâce aux recettes fiscales obtenues par l’imposition de taxes.
Le gouvernement mise plutôt sur le marché du carbone, le système d’échange de droits d’émission conclu avec la Californie. Pour le CPQ, c’est un « avantage » québécois qui place la province en position de « leader », même si Karl Blackburn aimerait que ce marché « soit plus attractif pour les organisations », entre autres grâce à l’ajout de crédits compensatoires. À l’inverse, Sylvain Gaudreault résume ce marché à « l’achat de permis de polluer ».
En se fiant au marché du carbone et à l’innovation, le PEV entraîne une déresponsabilisation des consommateurs et des producteurs, croit François Delorme. « Il faut que les comportements changent, assure-t-il. Plus on attend, plus le coût de ces changements sera élevé » pour la société.