Cette guerre est loin d’être terminée, selon Mykhaylo Petechuk, dont des proches sont actuellement sur la ligne de front. (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Né en Ukraine, Mykhaylo Petechuk a passé une grande partie de sa carrière à faire des allers-retours entre le Canada et son pays d’origine. Depuis qu’il a obtenu son diplôme du programme de MBA de l’Université McGill en 2013, il a occupé plusieurs postes de haut niveau en service-conseil dans diverses entreprises de Fortune 500, dont le bureau de McKinsey & Company en Ukraine.
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Je me suis récemment entretenu avec lui pour parler de l’état actuel de l’invasion. Cette guerre est loin d’être terminée, selon Mykhaylo Petechuk, dont des proches sont actuellement sur la ligne de front.
«Si beaucoup d’entre nous l’ont vue venir, beaucoup d’autres n’arrivaient pas à croire que quelque chose d’une telle ampleur pouvait se produire, observe-t-il. On s’attendait tous à une escalade à l’est et au sud, où la Russie tenterait d’occuper le Donbass et le sud de l’Ukraine, mais personne ne s’attendait aux lancements de missiles dans toutes les régions du pays et à la tentative d’entrer à Kyiv pour essayer de tuer le président.»
La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février, mais les forces ukrainiennes ont repris le contrôle des environs de Kyiv au début du mois d’avril, alors que les troupes russes retiraient leur poussée vers la capitale.
«Kyiv a commencé à préparer sa défense territoriale quelques mois avant l’invasion, et cela a joué un rôle essentiel dans les premiers jours», ajoute Mykhaylo Petechuk.
Global Firepower a récemment classé la Russie comme la deuxième armée la plus puissante du monde, tandis que l’Ukraine se classe au 22e rang. Et pourtant, la volonté et la résilience du peuple ukrainien ont prouvé qu’il ne fallait pas sous-estimer le pays.
«Beaucoup de gens sont passés à côté de la composante importante de la culture du peuple ukrainien», précise Mykhaylo Petechuk, qui pense qu’un profond sentiment de nationalisme civique a culminé au cours des dernières années.
Il évoque deux moments clés de l’histoire récente. Le sentiment répandu dans le public que l’élection présidentielle ukrainienne de 2004 était truquée a déclenché d’importantes protestations civiles. Cela a conduit à la révolution orange, qui s’est caractérisée par une série de manifestations où jeunes et moins jeunes ont afflué sur la place de l’Indépendance à Kyiv.
Moins d’une décennie plus tard, le peuple ukrainien s’est à nouveau uni contre ce qu’il considérait de la corruption et des abus de pouvoir de la part du gouvernement, ce qui a conduit à la Révolution de la dignité.
Pour Mykhaylo Petechuk, qui a joué un rôle actif au cours des deux mouvements, ces événements ont démontré une forte solidarité civique lorsque les gouvernements ont laissé tomber le peuple. Cela s’est traduit par une culture qui encourage l’auto-organisation et la riposte.
La femme de Mykhaylo Petechuk, Virginia Dronova, est un autre exemple de l’auto-organisation dont font preuve les Ukrainiens. Lorsque l’invasion semblait imminente, elle a quitté son emploi à Ottawa et s’est rendue en Ukraine pour porter assistance à ses anciens collègues d’un parti d’opposition, avec l’aide de relations internationales. Quelques jours après son arrivée, elle a été réveillée par les frappes de missiles sur Kyiv. Depuis ce jour, elle a mis à profit sa formation diplomatique et ses relations politiques en Europe pour plaider en faveur d’une aide financière, humanitaire et, surtout, militaire à l’Ukraine.
Aujourd’hui, Mykhaylo Petechuk apprend que malgré que de nombreux civils sont motivés à rejoindre l’armée afin de protéger leur pays, le manque de ressources et de soutien a empêché de donner à chacun la formation, les armes et l’équipement adéquats.
«Les diplomates travaillent très dur pour communiquer les besoins [des troupes ukrainiennes], dit-il. Nous devons littéralement survivre jusqu’à ce que le monde occidental commence à nous approvisionner à grande échelle pour contrer les ressources militaires considérables de la Russie.»
Les hémorragies non contrôlées sont la principale cause de décès évitables dans les zones de combat. Avec l’aide de ses amis, Mykhaylo Petechuk a collecté et expédié vers les lignes de front de la gaze pour la coagulation du sang et d’autres fournitures pour le traitement des plaies, désormais difficilement accessibles en Europe.
«Nous avons déjà effectué six envois d’une valeur d’environ 70 000 dollars canadiens, peut-on lire sur sa publication sur LinkedIn. Nous collectons des fonds pour le prochain envoi, et votre aide pourrait sauver des vies.»
Karl Moore et Stéphanie Ricci. Karl est professeur agrégé à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Stéphanie est diplômée en journalisme et sociologie de l’Université Concordia.