Le Québec ne profite pas assez de sa recherche universitaire
François Normand|Édition de la mi‑mai 2019La démarche consistant à créer des partenariats entre des chercheurs universitaires et des entreprises a fait ses preuves, mais elle serait encore loin d’avoir livré toutes ses possibilités. (Photo : Getty Images)
SPÉCIAL 500: LA R-D. Même si le Québec investit beaucoup d’argent en R-D, il ne retire toutefois pas tous les bénéfices qu’il devrait de la recherche universitaire, car plusieurs bonnes idées n’aboutissent tout simplement pas sur le marché, affirment des spécialistes.
C’est notamment le cas d’Anne-Marie Larose, PDG d’Aligo, une société de valorisation de la recherche universitaire québécoise, qui estime que l’État québécois doit jouer un rôle beaucoup plus important dans le processus de commercialisation.
«Malheureusement, le faible apport financier de l’État aux activités de transfert technologique compromet un bon rendement de l’investissement et la capacité du Québec de tirer le plein potentiel des 2,6 milliards de dollars investis annuellement en recherche publique», affirme-t-elle.
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Le gouvernement québécois finance trois sociétés de valorisation de la recherche universitaire au Québec, soit Aligo, Sovar et Univalor.
La subvention s’élève à 3,6 millions de dollars par année (une contribution qui a diminué ces dernières années) pour valoriser des dépenses de 2,6 G $ (qui exclut toutefois la R-D des entreprises privées et d’autres organismes comme Hydro-Québec).
Par conséquent, l’effort du gouvernement pour stimuler le transfert technologique et la commercialisation s’élève à 0,1 % de ces dépenses. C’est pourquoi il n’y a pas assez de bonnes idées qui aboutissent sur le plancher des usines, selon Anne-Marie Larose.
Le Québec, champion de la recherche au Canada
L’enjeu est de taille, alors que le Québec est la province qui investit le plus en R-D au Canada, selon les données du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.
Ainsi, en 2016 (les données les plus récentes), le niveau des dépenses globales du Québec en R-D représentait 2,2 % de son produit intérieur brut (PIB), soit un léger déclin par rapport à 2014, à 2,4 %. En 2016, l’Ontario dépensait l’équivalent de 1,9 % de son PIB (une proportion également en déclin sur trois ans), tandis que l’ensemble des provinces injectait 1,7 % du PIB canadien (un taux stable depuis 2014).
Marie-Pierre Ippersiel, PDG du Pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés du Québec (PRIMA Québec), fait le même constat que la patronne d’Aligo. «Je ne crois pas que l’économie tire encore pleinement la valeur de ce qui est développé dans nos laboratoires universitaires et dans nos centres collégiaux de transfert de technologie», dit-elle.
Certes, la démarche consistant à créer des partenariats entre des chercheurs universitaires et des entreprises a fait ses preuves et donne des résultats concrets, «mais elle est encore loin d’avoir livré toutes ses possibilités», précise Mme Ippersiel.
Malgré tout, elle souligne que le Québec se démarque à l’échelle canadienne par sa formule unique de regroupements sectoriels de recherche industrielle (RSRI). «Par le modèle de collaboration « recherche-industrie » que l’on déploie au quotidien, on contribue à favoriser le transfert de savoirs technologiques entre les milieux académiques et industriels», dit-elle.
Catherine Beaudry, titulaire de la chaire de recherche du Canada en création, développement et commercialisation de l’innovation au département de mathématiques et de génie industriel à Polytechnique Montréal, estime aussi que le Québec ne profite pas suffisamment de sa recherche universitaire. Pour appuyer son propos, elle cite le rapport du comité d’experts du Conseil des académies canadiennes sur l’état de la science et de la technologie et de la recherche-développement industrielle au Canada, auquel elle a collaboré. Ainsi, même si le Québec est le champion des dépenses en R-D au pays, la province arrive néanmoins 6e en ce qui concerne le nombre de publications par 1 000 habitants (13,4 par rapport à 14 pour la moyenne canadienne). L’État québécois affiche aussi la plus faible croissance sur le plan du nombre de brevets. «Le Québec ne tire donc pas la pleine valeur de sa recherche universitaire», insiste Mme Beaudry.
La difficulté à mettre en marché de bonnes idées issues de la recherche tient en grande partie au manque de financement dans la chaîne d’innovation et de commercialisation, affirme également Paule de Blois, PDG de Sovar. «Il faut s’assurer d’avoir du financement sur toute la ligne. Or, il y a des trous ou des vallées de la mort, à commencer par le préamorçage d’entreprises», dit-elle. Cette étape est cruciale. C’est à ce moment-là que le concept d’un nouveau produit ou d’un nouveau service émerge à la suite d’une recherche. Une étape qui nécessite des investissements pour valider si le projet est viable.
«Les entrepreneurs ont besoin de soutien à cette étape. Pourtant, déplore Mme de Blois, ce soutien est quasi inexistant actuellement au Québec.»
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