Le Québec peut dominer dans l’électrification des transports
Maxime Guilbault|Publié le 21 avril 2022Les constructeurs automobiles ont longtemps préféré le graphite synthétique en raison de sa consistance et de sa pureté supérieure, mais cette situation a changé grâce à de nouveaux procédés. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Dans le cadre du Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025, le gouvernement a mandaté PwC Canada pour réaliser une étude brossant un portrait des chaînes de valeur actuelles et futures exploitant ces minéraux.
La démarche a identifié trois filières d’opportunités qui permettraient au Québec de se positionner dans l’univers de ces minéraux. Et la plus prometteuse est celle de l’électrification des transports et des énergies renouvelables, avec la mise en production de batteries ou de composantes (anodes et cathodes).
Le gouvernement du Québec a déjà indiqué son intention de faire équipe avec les minières et les industriels pour mettre sur pied une filière de l’électrification avec, en son centre, la production de batteries.
Les marchés sont prometteurs, car la demande explose pour les véhicules électriques, tandis que la filière du stockage d’énergie anticipe des perspectives intéressantes.
Deux minéraux s’avèrent indispensables pour produire des batteries et/ou ses applications: le lithium et le graphite.
Dans chaque cas, le Québec devra réaliser deux étapes de la chaîne de valeur: ouvrir des mines pour procéder à l’extraction et à la concentration des minéraux ainsi que bâtir des usines pour transformer la matière première.
Commençons par le lithium.
Le lithium
Nous parlons ici d’ions de lithium (Li-ion) destinés à la production de batteries de type lithium-ion, ce qui correspond à près de 50 % du marché mondial actuel des batteries rechargeables.
Il existe aussi du lithium métallique, mais il comporte des enjeux de sécurité (emballement thermique lors de la recharge de la batterie) qui font l’objet de recherches dans l’espoir d’en réduire les risques d’exploitation.
Étape 1: ouvrir des mines
Le potentiel d’extraction et de concentration du lithium repose actuellement sur six joueurs qui ont des projets suffisamment avancés pour espérer des résultats d’ici 2025:
Sayona: ses projets miniers d’Authier et de La Corne, en Abitibi-Témiscamingue, qui doivent être mis en service pour produire du spodumène en 2023
Nemaska Lithium: une mine à Whabouchi, à la Baie-James, et une usine d’hydroxyde de lithium, prévue à Bécancour
Galaxy Lithium: son projet James Bay
Critical Elements Lithium: son projet Rose
Sayona: en coentreprise avec la SOQUEM, dans le projet Moblan à la Baie-James
Vision Lithium: son projet Sirmac, qui possède des titres miniers en Abitibi-Témiscamingue
Étape 2: bâtir des usines de transformation
Cette étape (qui consiste à transformer du spodumène en hydroxyde ou carbone de lithium) réunit les mêmes acteurs actifs à l’étape 1. Cependant, même si les ambitions existent, on note un faible taux d’avancement de projets d’usines de transformation.
Notons que, statistiquement, si les projections d’extraction et de concentration de ces entreprises se concrétisent, le Québec deviendra l’un des plus importants fournisseurs de lithium de grade de batterie au monde.
Le graphite
Les batteries lithium-ion utilisent généralement des anodes en graphite, car elles supportent bien le flux d’ions lithium pendant la charge et la décharge. Néanmoins, le graphite utilisé nécessite une pureté de haut niveau, soit 99,99 %, rien de moins!
Le graphite existe sous deux formes, soit le graphite naturel qu’on extraie des mines et le graphite synthétique provenant du coke de pétrole.
Bien sûr, on parle de graphite naturel au Québec.
Les constructeurs automobiles ont longtemps préféré le graphite synthétique en raison de sa consistance et de sa pureté supérieure, mais cette situation a changé grâce à de nouveaux procédés.
Le graphite naturel atteint aujourd’hui une pureté́ de 99,9% comparativement à 99,0% pour son équivalent synthétique.
Actuellement, le minerai est en surcapacité de production à l’échelle mondiale, mais on lui prédit un taux de croissance annuel composé de 15%, avec un déficit entre l’offre et la demande d’ici 2024-2025.
La Chine possède près de 30 % des réserves mondiales de graphite et accapare plus de 60 % du marché. À ce titre, elle peut influencer les prix et limiter les exportations afin de prioriser sa production, ce qui a compromis dans le passé la viabilité économique des projets industriels.
Étape 1: ouvrir des mines
Bien qu’il soit un producteur relativement petit, le Québec a le potentiel de devenir un important exportateur de graphite sur les marchés. Le projet de Nouveau Monde Graphite ambitionne de construire ce qui deviendrait l’une des plus grandes mines de graphite du monde occidental.
En plus de Nouveau Monde Graphite, plusieurs autres sociétés s’activent dans l’exploitation du graphite au Québec, dont Imerys Graphite & Carbon, Berkwood Resources, Mason Graphite, Canada Carbon, Focus Graphite, Lomiko Graphite, Metals Australia Limited (Lac Rainy), Saint-Jean Carbon (Belle Graphite Mines) et Mousseau West.
Étape 2: bâtir des usines de transformation
Le Québec ne compte actuellement qu’un seul projet de transformation première du graphite. Il s’agit de Nouveau Monde Graphite, qui développe un modèle d’affaires complètement intégré allant de la mine au matériel de batterie, avec une usine de transformation à Bécancour.
Dans la liste des conditions requises pour établir une chaîne de valeur dans l’électrification des transports et des énergies renouvelables, les deux minéraux lithium et graphite passent amplement le test de faisabilité.
Évidemment, il y a plusieurs autres conditions.
Nous y reviendrons certainement.
À bientôt!
Avec la collaboration de Philippe Pourreaux, associé chez PwC Canada, création de valeur