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Le rebond surprenant de l’emploi

Pierre Cléroux|Édition de la mi‑septembre 2020

Le rebond surprenant de l’emploi

 

SIGNAUX FORTS. La pandémie, on le sait, a frappé durement l’économie québécoise. Dès la mi-mars, de nombreuses industries ont complètement fermé leurs portes ou ralenti considérablement leurs activités. Or, six mois plus tard, force est de constater que l’économie du Québec fait preuve d’une grande résilience et a repris de la vigueur.

Le fort rebond de l’emploi témoigne de cette vitalité. Après avoir perdu quelque 820 500 emplois en mars et en avril, au plus fort de la crise et de la période de confinement, l’économie québécoise a profité de sa réouverture progressive pour récupérer plus des trois quarts (630 200) des emplois perdus. Les gains mensuels ont même dépassé les 200 000 emplois en mai et en juin. Résultat : le redressement du marché du travail a ramené l’emploi à 96 % de son niveau observé en février dernier, comparativement à 94 % en Ontario et dans l’ensemble du Canada. Du même coup, le taux de chômage continue de fléchir, ayant graduellement baissé de 17 % en avril à 8,7 % en août.

Commerce de détail en tête

Ces nouvelles sont évidemment très encourageantes. L’industrie du commerce de gros et de détail, fortement touchée au début de la pandémie, bénéficie plus particulièrement de la plus forte relance des emplois, avec un niveau de 101 % par rapport à février, comparativement aux secteurs des services d’hébergement et de la restauration (taux de récupération de 80 %) et ceux liés à l’information, la culture et les loisirs (87 %).

Ce ne sont évidemment pas tous les détaillants qui profitent de cet élan, comme le montrent les nombreuses fermetures de commerces et de boutiques ayant fait les manchettes ces dernières semaines. Les magasins de vêtements et d’accessoires ainsi que les stations d’essence ont d’ailleurs enregistré en juin des ventes bien en deçà (79 %) du niveau d’avant la crise de la COVID-19. Toutefois, les commerces spécialisés dans la vente d’équipements sportifs, d’aliments et de boissons, de produits horticoles et de jardinage ou encore d’équipements électroniques ou de produits de santé et de soins personnels affichent de bien meilleures performances, avec des ventes surpassant les niveaux de février. Les consommateurs, qui avaient été dans l’obligation de restreindre leurs achats au début de la pandémie, ont profité de la fin du confinement et ne se sont donc pas seulement rués sur les produits essentiels.

 

 

Coup de pouce gouvernemental

L’aide financière gouvernementale n’est pas étrangère à ce rapide revirement de situation. Les différentes mesures d’aide salariale, comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui procure un soutien financier mensuel de 2000 $ depuis la mi-mars aux travailleurs qui ont arrêté de travailler à cause de la COVID-19, ont en effet gonflé le revenu disponible des ménages de 11 % par rapport au premier trimestre de 2020. Et ce, même si les revenus de travail ont diminué. Ce soutien financier, qui a donc largement compensé les pertes en salaires, a contribué à alimenter les dépenses de consommation et à relancer l’économie.

La reprise économique est ainsi bien amorcée et même plus forte que prévu. Mais il y a encore un bout de chemin à faire, car il reste quelque 190 000 emplois à combler, principalement dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration (52 000), de la fabrication (25 000) ou du transport (25 000). Cette relance devrait d’ailleurs être plus lente dans les prochaines semaines. D’autant qu’il y a encore des incertitudes et que nous ne sommes pas à l’abri d’une éventuelle deuxième vague de cas d’infection qui pourrait à nouveau ralentir l’activité économique.

 

EXPERT INVITÉ
Pierre Cléroux est vice-président à la recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada.