«Nous voulons transformer notre économie, car nous visons la carboneutralité en 2050», affirme en entrevue à Les Affaires Andrew Mitchell, directeur général, Exportation et Commerce au ministère du Commerce du Royaume-Uni. (Photo: 123RF)
ANALYSE ÉCONOMIQUE. Sans tambour ni trompette, le Canada et le Royaume-Uni ont signé le 6 mars un accord de collaboration sur les minéraux critiques. Pour Londres, cette entente — une première dans le monde — est cruciale, car la deuxième économie d’Europe a besoin de ces précieux intrants pour sa transition énergétique.
«Nous voulons transformer notre économie, car nous visons la carboneutralité en 2050», affirme en entrevue à Les Affaires Andrew Mitchell, directeur général, Exportation et Commerce au ministère du Commerce du Royaume-Uni.
En 2019, le Royaume-Uni a d’ailleurs été la première grande puissance économique de la planète à enchâsser un tel objectif dans une loi.
Nous l’avons interviewé en marge de l’accord conclu lundi entre le ministre canadien des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, et le ministre d’État au ministère des Affaires et du Commerce du Royaume-Uni, Nusrat Ghani.
Cet accord vise à rendre les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques des deux pays plus résilientes, en plus de faciliter la R-D conjointe entre des entreprises canadiennes et britanniques.
Le Canada est doublement attrayant pour Londres: il regorge de minéraux critiques, en plus d’être une démocratie et un État de droit.
Selon Andrew Mitchell, les minéraux critiques sont par exemple essentiels pour les constructeurs de véhicules électriques, dont la production représente près du tiers (incluant les voitures hybrides) de toutes les voitures produites actuellement au Royaume-Uni.
Ils sont aussi notamment vitaux pour la fabrication d’éoliennes, dont celles off shore, installées en mer.
Un intérêt particulier pour le lithium et le cobalt
Le Royaume-Uni a un intérêt particulier pour le lithium et le cobalt, et ce, aux quatre coins du Canada, incluant sur le territoire québécois.
Le Québec abrite plusieurs projets miniers de lithium, sans parler de la récente relance du complexe Lithium Amérique du Nord par Sayona Québec, en Abitibi-Témiscamingue.
Si l’on exclut le projet minier de Galaxy Lithium à la Baie James (Ottawa a donné son feu vert le 16 janvier), le Québec abrite actuellement quatre autres projets de mines de lithium, selon les données du ministère des Ressources naturelles du Québec.
En revanche, le Québec n’abrite aucune mine active ou un projet de mine de cobalt, d’après le ministère.
Cela dit, le sous-sol québécois regorge de ce minerai critique, tout comme le cuivre, le graphite, le niobium, le zinc, le nickel ou le titane.
Andrew Mitchell estime que la communauté financière à Londres — l’une des plus importantes au monde — peut certainement investir au Québec, et ce, aussi bien dans l’extraction que la deuxième, voire la troisième transformation, de minéraux critiques.
Les Britanniques ont déjà investi dans le lithium
Le groupe britannique Pallinghurst, un important investisseur international dans les métaux et les ressources naturelles, a été un important actionnaire de Nemaska Lithium, en partenariat avec Investissement Québec et l’investisseur américain Orion Mine Finance.
Toutefois, en mai 2022, Pallinghurst a cédé sa participation (de 50%) à la société américaine Livent, un fournisseur de lithium transformé pour Tesla et BMW.
Le Canada représente aussi une grande opportunité pour les entreprises minières et d’ingénierie britanniques, car le pays produit actuellement 60 minéraux et métaux dans 200 mines et 6 500 carrières, selon le gouvernement britannique.
Le Canada est le treizième marché d’exportation du Royaume-Uni dans le monde. En 2022, les exportations de marchandises des entreprises britanniques y ont totalisé 14,1 milliards de livres sterling (23,5 G $).
Actuellement, le Royaume-Uni importe relativement peu de minéraux critiques en provenance du Canada, selon les données de Statistique Canada.
Par exemple, dans les 25 principaux groupes de produits importés par le Royaume-Uni en 2022, le seul minerai critique que l’on retrouve est du nickel (48,3 millions de dollars).
Les importations d’or sont très importantes (11,5 G $) et, dans une certaine mesure, de fer (226,5 M $), mais ce ne sont pas à proprement dits des minéraux critiques, du moins en vertu des définitions classiques.
Le potentiel de croissance des importations britanniques de minéraux critiques est donc très élevé.