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Le secret du «sang orange»

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑octobre 2022

Le secret du «sang orange»

Arthur M. Blank

DES LEADERS ET DES MOTS. «Une fois, c’est un hasard; deux fois, c’est une coïncidence; trois fois, c’est un modèle.» C’est ainsi que le cofondateur de Home Depot, Arthur M. Blank, explique dans son livre «L’entreprise responsable» pourquoi cette multinationale de la quincaillerie a connu du succès grâce à sa culture d’entreprise et comment il s’est servi de cette approche dans ses aventures subséquentes après 2001, notamment avec les Falcons d’Atlanta dans la NFL, le United d’Atlanta dans la MLS ainsi qu’avec l’énorme chaîne d’équipement de golf, PGA Tour Superstore.

L’humain est au centre de son modèle d’affaires. Il le voit comme le « moteur de toute entreprise florissante ».

«Traitez vos employés comme s’ils étaient l’élément le plus important dans votre entreprise, car c’est ce qu’ils sont, écrit-il. Engagez des personnes talentueuses et intègres. Et considérez que vous avez le devoir de bien les traiter et de susciter leur loyauté. Rémunérez-les à leur juste valeur, en considérant leur salaire comme un investissement, et non comme une dépense.»

Il mentionne par exemple que Home Depot avait distribué des actions à ses premiers employés, pour qu’ils se sentent engagés. D’ailleurs, il préfère utiliser le terme «associés» pour les désigner, car cela suggère «un partenariat, une relation horizontale plutôt que verticale».

«Nous reconnaissons ainsi que nous travaillons tous ensemble et que chacun joue un rôle essentiel dans l’organisation. C’est une manière de donner vie aux valeurs que nous défendons», précise-t-il. Arthur M. Blank considère donc que les employés sont plus importants que les cadres, puisqu’ils interagissent avec les clients.

Par conséquent, il n’est pas étonnant que son deuxième pilier soit « écouter et réagir », tandis que le troisième vise à inclure tout le monde. Cet admirateur de Martin Luther King estime que les clients et les associés sont les sources de savoir de l’entreprise. C’est pour cela que les dirigeants de Home Depot devaient passer quelques mois à travailler auprès des consommateurs avant d’occuper leurs fonctions. De plus, les embauches ne se faisaient pas qu’en évaluant les compétences des candidats, mais en examinant l’adhésion aux valeurs de l’entreprise, car leur « sang serait orange », en faisant référence à la couleur de cette chaîne. « À partir du moment où nous ferions primer les valeurs dans notre recrutement, les personnes choisies seraient les ambassadeurs de notre culture », explique-t-il.

 

Montrer l’exemple

Arthur M. Blank a comme quatrième règle de montrer l’exemple. C’est pour cette raison qu’il avait insisté pour dormir au campus de l’Université Furman avec ses joueurs des Falcons d’Atlanta durant un camp d’entraînement, même si le recteur lui offrait une confortable demeure.

«J’avais besoin de comprendre pleinement l’expérience des joueurs et de leur montrer que j’étais à leurs côtés», affirme-t-il en soulignant qu’il avait alors constaté que ces chambres n’étaient pas appropriées pour ses athlètes.

Mener par l’exemple s’applique aussi à élever la barre pour que les autres entreprises du même secteur d’activité adoptent des pratiques similaires. Cette manière de penser s’arrime d’ailleurs avec le cinquième pilier de ses valeurs d’affaires, soit d’innover sans cesse. Cela a été le cas lorsque son groupe a décidé de réduire les prix pour la nourriture au stade Mercedes-Benz, à Atlanta.

«Certains partenaires et la majorité de nos concurrents ont manifesté leur mécontentement. Aujourd’hui, ils veulent tous en savoir plus sur ce modèle imaginé pour les partisans, et beaucoup l’adoptent à leur tour», écrit-il.

«De la même manière, une entreprise peut faire pression sur tout un secteur — pour améliorer l’impact environnemental, les conditions de travail ou les normes de qualité, ajoute-t-il. En 1999, quand The Home Depot a décidé de ne vendre que du bois de construction durable, cela a déclenché un changement chez tous les acteurs.»

Son dernier principe, c’est de redonner. Celui dont les avoirs sont évalués à 7 milliards de dollars américains selon Forbes a mis sur pied plusieurs fondations et il s’est engagé à redistribuer la moitié de sa fortune. Ce tenant du «capitalisme conscient» reconnaît que les PDG font face à un univers plus complexe qu’il y a 50 ans. Néanmoins, «même si le monde qui nous entoure a changé, les valeurs qui font la qualité d’une entreprise restent, à mon sens, les mêmes que lorsque je me suis lancé».

 

L’entreprise responsable est publié par Marabout.