«Je ne veux rien enlever à ces campagnes [de socio-financement], qui résultent d’événements parfois tragiques. Mais il faut aussi prendre conscience qu’il n’y a aucune reddition de comptes par la suite», selon Daniel Asselin, président d’Épisode. (Photo: courtoisie)
PHILANTHROPIE. Selon la septième édition de l’Étude sur les tendances en philanthropie de la firme d’experts-conseils Épisode, publiée en octobre, le sociofinancement philanthropique est en perte de vitesse. L’autre grande tendance des dernières années, le défi sportif, continue pour sa part de susciter l’engouement et l’adhésion des donateurs.
«Le sociofinancement semble avoir perdu en popularité depuis la dernière étude, puisque la proportion de Canadiens et de Québécois ayant fait des dons dans ce contexte est passée de 21 % en 2018 à 16 % en 2020», peut-on lire dans le plus récent rapport de cette enquête annuelle menée depuis dix ans en collaboration avec plusieurs partenaires, qui ont cette année sondé 4 179 Canadiens de 16 ans et plus – dont 2 550 Québécois – ainsi que 45 dirigeants de grandes entreprises et 201 de PME québécoises. Le don moyen annuel effectué par sociofinancement a ainsi diminué globalement de 116 $à 91 $. Il s’est dégonflé dans toutes les tranches d’âge sauf celle de la génération Z, soit les donateurs âgés de 24 ans et moins.
Stratégie médiatique Pour mesurer la popularité d’une stratégie de collecte de dons comme le sociofinancement, encore faut-il s’entendre sur le type de popularité. En matière de popularité «médiatique», ces campagnes semblent encore avoir la cote. Pensons seulement à la campagne «Réaliser l’impossible avec Nathan», lancée en juin dernier sur GoFundMe par des parents qui désiraient acheter un médicament hors de prix non couvert au Canada et ayant le potentiel de sauver la vie de leur enfant atteint d’une maladie dégénérative rare. Leur cri du coeur a été relayé par plusieurs grands médias et leur récolte a presque atteint le million de dollars en quatre mois.
Or, pour une telle campagne qui fait la manchette, plusieurs demeurent dans l’ombre. En réalité, après quelques années à grignoter des points de pourcentage dans le classement des gestes philanthropiques préférés des Québécois selon Épisode, la tendance haussière est en train de s’inverser depuis 2018.
«À la base, la philanthropie est un geste éminemment humain, explique le président de cette firme d’expertsconseils en philanthropie, Daniel Asselin. C’est un humain qui donne à un autre humain, et le sociofinancement incarne cela. Il permet de voir la personne dans le besoin.»Ces campagnes ont donc la qualité de donner un visage à une cause. En revanche, ce type de financement est beaucoup moins «structurant»qu’un don effectué à un organisme de bienfaisance, car il est remis directement à un bénéficiaire plutôt qu’à des personnes-ressources qui ont développé une expertise d’intervention.
«Je ne veux rien enlever à ces campagnes, qui résultent d’événements parfois tragiques, poursuit Daniel Asselin. Mais il faut aussi prendre conscience qu’il n’y a aucune reddition de comptes par la suite, et que c’est très difficile de connaître tout le contexte des demandes qui sont mises de l’avant.»
Les défis sportifs toujours en vogue
À l’inverse, si l’on se fie aux résultats de la septième étude d’Épisode, les défis sportifs continuent d’attirer de nouveaux adeptes chaque année. De 2018 à 2020, le pourcentage de Québécois qui ont participé à une telle activité caritative a augmenté de 3 %, passant de 6 % à 9 %. Aussi, l’intérêt des donateurs «Z»pour ce type d’activité-bénéfice a bondi de 26 % à 31 % durant la même période.
Les défis sportifs demeurent une forme de financement somme toute traditionnelle, au sens où les participants récoltent des dons pour un organisme de bienfaisance identifié d’avance et souvent bien connu du public. L’objectif étant la pratique d’une activité physique pour la bonne cause, ces défis vont de la marche à la course, en passant par le vélo, la nage ou le ski.
Daniel Asselin souligne le caractère «rassembleur»et «intergénérationnel»de ces événements:les donateurs ont le choix de relever eux-mêmes le défi ou de soutenir la cause en offrant un don à l’un des participants. «Les défis sont des plateformes communicationnelles importantes, durant lesquels on peut démystifier les causes et faire rayonner la philanthropie», ajoute-t-il. Ce type d’activité plaît beaucoup aux entreprises. De toutes les activités caritatives, le défi sportif est de loin celui qui génère le plus de demandes de contribution de la part des employés. En 2020, près de trois entreprises sur quatre (73 %) interrogées dans le cadre de l’Étude avaient sollicité leurs employés dans ce cadre, alors que les défis non sportifs tels que le Défi têtes rasées ou Movember et les soupers-bénéfice représentent respectivement 47% et 42 % des demandes de contribution.
«Les activités [de] défi, surtout les défis sportifs, constituent un excellent moyen pour les entreprises de favoriser [la consolidation d’équipe]», mentionne le rapport d’Épisode. En s’engageant dans un défi sportif philanthropique, les entreprises peuvent ainsi faire d’une pierre trois coups:elles favorisent l’esprit d’équipe de leurs employés et les encouragent à faire de l’activité physique… tout en assumant une part de leur responsabilité sociale.