Les jeunes privilégient souvent un stage débouchant sur un emploi dans la même entreprise. Le salaire les intéresse bien sûr, mais ceux- ci regardent aussi les défis qu’ils pourront relever et la mobilité dans l’entreprise. [Photo : 123RF]
STAGES EN ENTREPRISES. Dans les petites comme les grandes entreprises, le recrutement des stagiaires devient plus important à mesure que s’accentue la pénurie de main-d’oeuvre. Pour répondre à ce défi, les sociétés se voient obligées de revoir leurs structures et leurs stratégies de recrutement.
En période de rareté de main-d’oeuvre, le recrutement de stagiaires devient un défi stratégique crucial pour les entreprises. Ces dernières revoient donc leurs pratiques afin d’attirer vers elles les meilleurs talents.
«Avant, les jeunes faisaient la queue devant les entreprises en espérant décrocher un stage ; maintenant, c’est l’inverse», admet Marc Côté, directeur principal, Expérience employé, chez iA Groupe financier. L’entreprise a réagi en modifiant sa structure. La vice-présidence ressources humaines, plus classique, est devenue une vice-présidence expérience employé et expérience client. «Nous dressons une cartographie du séjour de l’employé, à partir du moment où il pose sa candidature pour un stage, explique M. Côté. Comment l’approchons-nous ? Quelle est son expérience avec nous ? On voit le stagiaire comme un client.»
Finies les offres de stage très uniformes. La firme définit désormais ses besoins selon ses différents secteurs d’activité et les localités où elle opère. Elle reste bien sûr très présente dans les universités et les cégeps, où elle s’emploie à donner une vision réaliste de l’entreprise. Peu de jeunes savent, par exemple, qu’un employé sur cinq d’iA travaille directement ou indirectement en technologies de l’information. En 2018, la firme a embauché 51 stagiaires, dont 21 en technologies de l’information.
C’est surtout dans des domaines tels l’actuariat et la comptabilité que le recrutement se complique. iA doit y affronter une forte concurrence provenant de secteurs autres que l’assurance, comme les firmes comptables et les cabinets d’avocats.
Pour prendre sa place et communiquer ses besoins, iA accentue sa présence sur LinkedIn et Facebook, et de plus en plus sur Instagram, où elle n’hésite pas à publier des «stories». Elle utilise aussi des moyens plus traditionnels, comme offrir aux étudiants une tasse à café à l’effigie de la firme. «C’est simple et nous restons ainsi dans leur esprit au quotidien», indique M. Côté.
iA s’efforce de comprendre les attentes des stagiaires et d’y répondre. Un grand nombre d’entre eux privilégieront un stage débouchant sur un emploi dans l’entreprise. Ça tombe bien, le taux de conversion des stagiaires en employés avoisine les 100 % à iA. Le salaire intéresse bien sûr les jeunes, mais ceux-ci regardent aussi les défis qu’ils pourront relever, la mobilité dans l’entreprise et des éléments comme la cafétéria, la présence d’un gym ou de clubs sociaux et l’accès au transport en commun.
«Ils s’intéressent également à nos valeurs, aux oeuvres de bienfaisance auxquelles nous contribuons, à notre impact social. Ça c’est assez nouveau», indique M. Côté.
Forte demande en TI
La gestion des stages connaît aussi une grande transformation au Mouvement Desjardins. Au Québec, le groupe a embauché 470 stagiaires à l’été 2018 et plus de 200 autres à l’automne. Desjardins rémunère tous ses stagiaires et reçoit plus de 1 000 candidatures par année. Sa démarche traditionnelle consistait à définir lui-même ses stages, puis à faire un appel de candidatures. Désormais, la coopérative est beaucoup plus à l’écoute des jeunes, de leurs projets de recherche, de leur intérêt envers une activité particulière du Mouvement ou de leurs besoins de formation.
«Par ailleurs, cela a simplifié la gestion puisque la définition des stages vient beaucoup des jeunes, plutôt que d’une équipe de gestionnaires», avance Salwa Salek, directrice principale, Développement organisationnel et expérience employé.
Mme Salek note une forte concurrence dans le recrutement des stagiaires dans les métiers non traditionnels par rapport aux secteurs bancaire et de l’assurance, par exemple en gestion des données, en intelligence artificielle ou en marketing numérique. «Nous avons besoin de beaucoup de ressources en TI, donc nous devons nous assurer que les jeunes dans ces domaines pensent à nous», précise-t-elle. À l’été 2018, 106 des 470 stages chez Desjardins étaient en TI.
Desjardins accorde donc une attention spéciale à son positionnement dans ces domaines, notamment avec le Desjardins Lab, lequel offre des services de prototypage rapide, d’exploration technologique et de développement de la culture d’innovation. Il organise le Coopérathon, présenté comme la plus grande compétition d’innovation ouverte du monde. En 2018, le Coopérathon a établi un partenariat avec la Coupe Données, un concours d’innovation en valorisation des données ouvertes. Desjardins s’est aussi associé, en 2017, avec l’Institut de valorisation des données, afin de promouvoir l’innovation dans les produits et services financiers.
«Le gros défi, conclut Mme Salek, c’est de rendre la carrière en services financiers attrayante pour les finissants dans les métiers traditionnels des secteurs bancaire et de l’assurance, mais aussi dans les secteurs non traditionnels comme la cybersécurité, l’ingénierie informatique ou le marketing numérique.»