Pour obtenir le TGA, il faut diviser les revenus nets normalisés d’un immeuble par son prix. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. La hausse du taux directeur est sur toutes les lèvres. Lorsque les taux d’intérêt hypothécaires vont suivre, plusieurs spécialistes affirment que les prix des immeubles multirésidentiels (ou multilogements) vont alors cesser d’augmenter et peut-être même diminuer. Ce qu’ils oublient toutefois de mentionner, c’est qu’il y a un facteur qui exerce beaucoup plus d’influence sur les prix: le taux global d’actualisation (TGA).
Le prix d’un immeuble multilogement et son TGA sont inversement proportionnels: si son prix baisse, son TGA est majoré, et vice-versa. Pour obtenir le TGA, il faut diviser les revenus nets normalisés d’un immeuble par son prix.
Prenons l’exemple d’un immeuble de dix logements qui génère 78 000 $ de revenus nets normalisés par an. Avec un TGA de 10%, cet immeuble vaut 780 000 $. Si son TGA est de 5%, il vaut plutôt 1,56 M$. Plus le TGA est bas, plus l’immeuble se vendra cher et, à l’inverse, un immeuble avec un TGA élevé se vendra moins cher.
TGA et taux d’intérêt
Historiquement, la variation des TGA a une faible corrélation avec les taux d’intérêt. Pour décortiquer les TGA, l’approche la plus simple et la plus répandue est celle où les investisseurs scrutent les attentes sur les tendances des rendements des obligations 10 ans du Canada, y ajoutent l’écart actuel des TGA et supposent que les TGA augmentent en même temps. Cette approche ne fonctionne jamais, car il n’y a jamais eu de corrélation univoque entre les TGA et les taux d’intérêt.
Cela ne veut toutefois pas dire que ces indicateurs ne sont pas liés. Si l’obligation 10 ans monte subitement à 15% (même si c’est improbable), l’investissement immobilier passerait un mauvais quart d’heure.
«Si l’on se fie à une théorie économique de base, on considère que les taux d’intérêt des hypothèques multirésidentielles sont bâtis par-dessus les rendements des obligations, et que les TGA sont bâtis par-dessus les taux d’intérêt, indique Nikolaï Ray, professeur au Collège MREX, une école qui enseigne l’investissement en multilogements. Ces instruments de taux sont donc liés, mais ne sont pas en phase.»
Pensez à la variation de l’échéance sur la courbe de rendement, explique le professeur Ray. La pente de cette courbe change au fil du temps, les taux à court et à long terme augmentant et diminuant en fonction des différentes attentes des investisseurs en matière de risque pour chacune des périodes.
«Les investisseurs peuvent avoir des attentes différentes en matière de risque, ce qui se traduit par des étendues entre les différents taux qui changent constamment, précise-t-il. Par exemple, la différence entre les taux des rendements des obligations et les taux d’intérêt fluctuent et la différence entre les TGA et les taux d’intérêt diffère dans le temps également.»
Obligations, hypothèques et TGA moyen
Il est important de suivre les écarts entre ces trois valeurs, car aucune n’évolue au même rythme. Les professionnels de l’investissement aiment regarder les TGA des transactions relativement à leur coût de financement et acceptent un écart plus étroit s’ils ont une plus grande tolérance au risque.
« Il est possible, selon les comportements historiques, de voir le rendement des obligations canadiennes monter à 3%, 4% et même 5%, et que les TGA n’augmentent pas ou encore diminuent, souligne Nikolaï Ray. Les écarts entre les rendements des obligations, les taux d’intérêt hypothécaires et les TGA s’élargissent et se rétrécissent avec le temps en fonction de différentes perceptions du risque.»
Si les hausses de taux d’intérêt résultent d’un scénario dans lequel tout le monde sur le marché est craintif, ces écarts pourraient augmenter par rapport aux niveaux récents et les prix seraient négativement affectés, ajoute Nikolaï Ray. Un scénario plus optimiste consisterait à considérer les hausses de taux d’intérêt comme une fonction de la croissance de l’économie, qui pourraient à son tour stimuler les revenus locatifs et réduire les craintes.
«Par contre, si vous considérez que ces hausses sont dues à de l’inflation que vous ne considérez pas comme transitoire, moult études académiques démontrent que le multirésidentiel est un actif qui agit comme une protection contre l’inflation, ce qui aurait comme effet systémique d’augmenter la demande pour des propriétés locatives, poursuit avance Nikolaï Ray. Pour comprendre la direction que prendront les TGA, vous devriez vraiment vous demander quels sont les facteurs qui déterminent la perception du risque par chaque acteur de marché.»
La meilleure façon de se protéger contre les fluctuations éventuelles des différents taux est une saine gestion active de votre portefeuille. Tant et aussi longtemps que vous maintiendrez votre capacité à servir votre dette, vous serez en mesure de braver presque toutes les intempéries et d’en sortir gagnant à long terme.
Les TGA sont principalement influencés par l’offre et la demande, et non par les mouvements des taux d’intérêt. Essentiellement, le prix de n’importe quel investissement dépend de son prix antérieur, de la dynamique actuelle de l’offre et de la demande, et des attentes futures concernant son prix. C’est tout aussi vrai pour les immeubles.