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Philippe Leblanc

Entre les lignes

Philippe Leblanc

Expert(e) invité(e)

Le «Woodstock du capitalisme»

Philippe Leblanc|Édition de la mi‑juin 2023

Le «Woodstock du capitalisme»

(Photo: GettyImages)

EXPERT INVITÉ. Warren ­Buffett, 92 ans, et ­Charlie Munger, 99 ans, étaient en grande forme lors de l’assemblée annuelle de ­Berkshire ­Hathaway (BRK.B, 335,40 $ ­US) à ­Omaha. Ils ont répondu pendant six heures à plus de 50 questions d’actionnaires de la société.

Un article du ­Wall ­Street ­Journal, publié quelques jours avant l’événement et intitulé « ­Warren ­Buffett’s ­Formula for ­Success : ­One ­Good ­Decision ­Every ­Five ­Years », m’a fait réfléchir et a influencé mon écoute pendant l’assemblée.

Je conclus que cet article est tout à fait vrai : ­Warren ­Buffett n’a pas pris que de bonnes décisions dans sa carrière, mais il a effectivement pris quelques décisions qui ont fait une réelle différence et contribué au succès phénoménal de la société qu’il dirige depuis 1965. Voici donc ces décisions, en ordre chronologique :

 

1. La prise de contrôle de ­Berkshire ­Hathaway — de 1962 à 1965.

Évidemment, l’acquisition de la totalité des actions de Berkshire Hathaway en 1965 a été un jalon majeur pour ­Warren ­Buffett — on peut dire que tout a vraiment commencé avec cette acquisition. Cela dit, le milliardaire considère que l’acquisition de ­Berkshire ­Hathaway, une société qui était présente initialement dans l’industrie textile, a été une erreur.

Berkshire ­Hathaway a procuré une structure exceptionnelle à Warren Buffett pour créer de la valeur à long terme pour ses actionnaires. Avec une telle structure, il n’aura jamais eu à s’inquiéter que ses actionnaires retirent leur argent et le capital de la société lorsque les rendements n’étaient pas au ­rendez-vous. Elle a en outre procuré une grande liberté d’action au dirigeant qui avait alors la possibilité d’acheter non seulement des actions de sociétés en ­Bourse, mais aussi de sociétés privées.

 

2. L’acquisition d’American ­Express (AXP, 171,40 $ ­US) — de 1964 à 1968.

Cette acquisition marque un changement dans la façon qu’avait le célèbre investisseur d’évaluer et d’investir dans des entreprises. Alors que, jusqu’à cette date, il avait surtout favorisé l’achat de sociétés dont le titre était peu cher par rapport aux actifs et aux bénéfices, il se concentrera dorénavant sur les modèles d’affaires qui jouissent d’avantages concurrentiels importants et, surtout, de barrières à l’entrée élevées pour les protéger.

 

3. ­La décision de ne pas rester une société de textile — environ 1967.

Il est difficile de dire quand ­Warren ­Buffett a officiellement pris la décision de ne plus investir dans les activités textiles de Berkshire Hathaway. La dernière usine a été fermée en 1985.

Je crois toutefois qu’on peut dire qu’à partir de 1967, il avait déjà décidé de réinvestir seulement le minimum requis pour permettre à Berkshire Hathaway de survivre et, surtout, de conserver les emplois. En effet, 1967 marque les débuts de la société dans l’assurance.

 

4. L’acquisition de ­National ­Indemnity — 1967.

Je crois que cette acquisition est fondamentale, car elle explique une bonne partie du succès de ­Berkshire ­Hathaway et sa manière inusitée de financer sa croissance exceptionnelle en employant un concept clé du domaine de l’assurance : le « flottant », ces sommes qui sont payées initialement par les clients d’une société d’assurance pour leurs primes et qui ne seront pas déboursées avant que des réclamations ne surviennent, parfois des années plus tard.

 

5. L’acquisition d’actions de ­Coca-Cola — 1988 et 1989.

Les actions de la société ont été acquises au cours des années qui ont suivi le krach de 1987. Il faut dire aussi que la société avait lancé le tristement célèbre « ­Nouveau ­Coke » en 1985, ce qui avait affecté sa performance financière dans les années subséquentes. Après l’acquisition du titre, les actions de ­Coca-Cola (KO, 60,16 $ ­US) représentaient 37 % du portefeuille d’actions de ­Berkshire ­Hathaway.

 

6. L’acquisition ­com-plète de ­GEICO — 1995.

Cette acquisition revêt une signification particulière pour ­Warren ­Buffett puisque ­GEICO est une société qu’il a connue à ses débuts et dont il a détenu des actions pendant de nombreuses années.

L’acquisition des 49 % de ­GEICO que ­Berkshire ne possédait pas lui a permis d’augmenter d’un coup la taille de son bilan, de son flottant et de sa capacité à réaliser des acquisitions plus importantes.

 

7 et 8. L’acquisition de ­MidAmerican ­Energy — 1999 et l’acquisition complète de Burlington Northern Santa Fe (BNSF) — 2010.

Ces deux dernières acquisitions marquent, selon moi, un changement stratégique de la part de ­Warren ­Buffett, car ces deux entreprises permettent essentiellement d’investir des milliards de dollars en capital à des taux de rendements attrayants. Elles ont solutionné une partie des problèmes liés à la taille de ­Berkshire ­Hathaway. Dorénavant, ­Berkshire doit non seulement s’intéresser au « rendement » du capital des entreprises, mais tout autant à la « somme » de capital qui pourrait être investie dans ces entreprises à un rendement attrayant.

 

9. L’acquisition de ­Bank of ­America — 2011.

Cette acquisition a eu lieu au lendemain de la crise financière de 2008‑2009 qui avait placé tant de banques en difficultés financières. Berkshire ­Hathaway a acquis des actions privilégiées de ­Bank of ­America (BAC, 29,08 $ ­US) offrant un dividende de 5 % et assorties de bons de souscription.

 

10. L’acquisition d’actions d’Apple — de 2016 à aujourd’hui.

Berkshire a commencé à acheter des actions de la société en 2016. Cette acquisition marque un autre changement pour Warren Buffett, soit de ne pas investir dans des sociétés technologiques. Cependant, pour lui, ­Apple (AAPL, 179,90 $ US) n’est pas vraiment une société technologique, mais plutôt une société de consommation.

 

Quelques leçons à dégager de cet exercice :

  • Il n’est pas nécessaire de prendre des décisions chaque jour.
  • ­Lorsqu’une occasion vraiment exceptionnelle se présente, il faut sauter dessus à pieds joints.
  • Si l’on veut profiter de la force unique des intérêts composés, il faut laisser ses gagnants courir (très) longtemps