Depuis des décennies, l’électricité répond à plus ou moins 20% des besoins en énergie du Canada. Or, pour atteindre nos cibles climatiques – qui passent nécessairement par l’électrification massive des véhicules, du chauffage et de l’industrie –, cette proportion devra tripler au cours des 3 prochaines décennies. (Photo: Getty Image)
BLOGUE INVITÉ. Elle est propre et fiable. Elle est source de fierté. Elle garnit les coffres de l’État. Et nous, les Québécois et les Québécoises, la tenons pour acquise.
Il y a à peine 2-3 ans, Hydro-Québec «nage(ait) dans les surplus» d’électricité. Aujourd’hui, elle peine à répondre à nos besoins. Au point où Hydro-Québec prévient les promoteurs de projets industriels qu’ils ne peuvent plus tenir pour acquis que l’électricité dont leurs projets ont besoin pour voir le jour sera au rendez-vous.
Qu’est-ce qui a pu changer si drastiquement en l’espace de quelques années seulement des années COVID-19, en plus?
Une réponse: le climat.
Climat en crise cherche électricité renouvelable
Disons-le d’emblée: l’ex-premier ministre Robert Bourassa avait raison. Cinquante ans après l’annonce du projet de la Baie-James, sa thèse – que notre coin du continent aurait éventuellement besoin d’électricité renouvelable en quantité phénoménale – se confirme.
Et comment! Car bien qu’il existe plusieurs chemins pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), tous passent par une électrification massive.
Pensez-y: les transports? Principalement des véhicules électriques.
Le chauffage des bâtiments? Surtout des pompes à chaleur électriques.
Une grande partie des besoins industriels ? L’électricité.
Depuis des décennies, l’électricité répond à plus ou moins 20% des besoins en énergie du Canada. Or, pour atteindre nos cibles climatiques – qui passent nécessairement par l’électrification massive des véhicules, du chauffage et de l’industrie –, cette proportion devra tripler au cours des 3 prochaines décennies.
Tripler!
Au Québec, déjà largement en avance sur le reste du Canada (ROC) à cet égard, on aura «seulement» à doubler pour décarboner nos émissions.
En attirer d’autres?
Mais nous ne sommes pas seuls sur Terre.
Nos amis du ROC, des États-Unis, d’Europe et d’ailleurs cherchent tout autant à décarboner. Pour cela, ils cherchent donc de l’électricité, mais pas n’importe laquelle: celle qui est sans émissions de GES, renouvelable de préférence, et pas chère.
Le Québec n’est pas la seule province avec de l’électricité propre, mais elle est résolument en avant de la parade.
Mot-clé: croissance
Nous voilà donc face à une croissance rapide des besoins, imprévue il y a quelques années à peine.
Et qui se confirme: en janvier, Hydro-Québec avait un pipeline de nouvelles demandes, provenant d’une trentaine de projets industriels, qui montait à 10 000 MW.
C’est le quart de toute la capacité actuelle du réseau. Ajoutez les plus petits projets, les véhicules, la conversion du chauffage, les serres, et le portrait se dessine.
Le grand « MAIS »…
Le mois dernier, les Québécois ont demandé 40 000 MW, soit presque la capacité maximale du réseau.
Si on veut continuer à électrifier nos bâtiments, véhicules et industries, et si on veut qu’il en reste pour en attirer de nouvelles, avec les emplois et l’activité économique qui en découleraient, ça nous prendra plus d’un tour dans notre sac.
Trois tours, pour être exact: produire plus, gaspiller moins, et consommer mieux.
TOUR 1: produire plus
D’abord, il faut le dire clairement: ça prendra des investissements importants.
Dans la production, bien sûr (les parcs éoliens, notamment), mais également dans le réseau, qu’on devra à la fois renforcer – pour pouvoir acheminer beaucoup plus d’électricité – et étendre.
Ces investissements devront être bien planifiés… et approuvés. Si on est pour accélérer la décarbonation, si on est pour tirer profit de ce moment inédit dans l’histoire économique du Québec, il faudra accélérer les processus d’approbation.
Un chantier en soi.
TOUR 2: consommer moins
Mais accroitre l’offre ne sera pas suffisant.
Il y a des limites à ce que les paysages peuvent donner… et les communautés accepter. La croissance anticipée est telle qu’on devra également gaspiller moins. Beaucoup moins.
Or, le Québec n’a pas toujours été élève exemplaire à cet égard.
Pour gaspiller moins, il faudra resserrer les normes de construction, voire réglementer les émissions des bâtiments existants. Là aussi, la rapidité sera de mise, le Québec ayant un historique de lenteur sur ces fronts.
On ne bâtit pas une économie en gaspillant nos ressources les plus précieuses.
TOUR 3: consommer mieux!
Avec l’électrification vient le rehaussement de la pointe hivernale.
Une pointe qu’on doit tenter d’aplatir. Les nouvelles offres de Hilo, qui aident les clients à déplacer leurs besoins dans le temps, sont un bon point de départ. Les tarifs de pointe qui récompensent une gestion saine et optionnelle pour le moment le sont tout autant.
Puis il y a cette offre de biénergie qu’Hydro-Québec, Énergir et le gouvernement ont mise de l’avant, et que la Régie de l’énergie étudie présentement. Une offre qui transforme le gaz naturel en outil de gestion de la pointe électrique (et qui, en réduisant les volumes, rend la décarbonation du gaz lui-même plus réaliste).
Autant d’outils essentiels pour libérer des kWh et des kW dont on aura grandement besoin.
Le temps de l’audace
La croissance est à nos portes. Pour la saisir, il faudra jouer d’audace. Investir. Réglementer. Choisir.
Surtout, il faut agir, et plus vite que par le passé. Sans quoi, notre abondance historique risque de se transformer en rareté.
Et en occasion ratée.