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L’électrification des transports: rien n’est encore gagné

Simon Lord|Édition de la mi‑septembre 2023

L’électrification des transports: rien n’est encore gagné

Il reste peu d’endroits au Québec qui sont inaccessibles en raison d’une absence de bornes. (Photo: 123RF)

L’électrification des transports se déroule à vive allure au Québec. Toutefois, si la province a de l’avance par rapport à ses voisins canadiens, rien n’est encore gagné. Il lui en reste encore beaucoup à faire si elle désire atteindre ses cibles, de la recherche et développement (R-D) au nombre de véhicules électriques sur les routes, en passant par la capacité manufacturière. 

« J’ai commencé à travailler dans le secteur en 2017. Depuis, la transformation a été si profonde, c’est incroyable. On vit dans un monde différent », résume Sarah Houde, PDG de Propulsion Québec, la grappe industrielle des transports électriques et intelligents. 

Que ce soit l’offre de modèles de véhicules électriques — il n’y en avait que quatre à l’époque —, le nombre de bornes, la connaissance du public ou les caractéristiques des voitures, le progrès a été fulgurant, note la présidente, qui a annoncé cet été qu’elle quitterait son poste à l’automne. 

« Le chiffre d’affaires de nos membres s’est multiplié par quatre et le nombre d’emplois, maintenant à 9300, nous place en position de rivaliser sur le plan de la taille avec l’industrie des jeux vidéo, qui représente de 10 000 à 12 000 emplois. »

 

Une panoplie de défis 

Cela dit, les défis demeurent nombreux, reconnaît Sarah Houde. L’industrie doit continuer de faire de la R-D pour améliorer les caractéristiques des véhicules électriques, qui ne sont pas encore 100 % matures. L’autonomie, par exemple, doit encore être augmentée. La capacité des véhicules à tirer de plus lourdes charges, sur de plus longues distances, est un autre aspect qui devra être retravaillé.

Quant à la fabrication de véhicules, la capacité manufacturière doit être multipliée. Les chaînes d’approvisionnement doivent également être sécurisées, soit en ramenant la production de certains composants ici, soit en diversifiant les sources d’approvisionnement. Les batteries sont un de ces composants, note Sarah Houde, mais pas seulement. Les colles, par exemple, de même que les semi-conducteurs et les composites, en font partie.

Il faut aussi attirer plus de financement dans l’industrie, estime la PDG. « Des fonds d’investissement spécialisés dans notre secteur, il doit y en avoir plus. La formation doit aussi être bonifiée. En somme, on ne peut pas avoir d’œillères, il n’y a pas de défi unique plus important que les autres. Il faut travailler sur l’ensemble des dossiers en parallèle. »

 

Se doter d’une stratégie

Pour transformer le tissu industriel dans la province et au pays, Propulsion Québec aimerait que Québec et Ottawa se dotent d’une stratégie verte nationale renforcée à l’image de l’« Inflation Reduction Act », ou encore, du pacte vert pour l’Europe.

« L’État doit intervenir massivement pour révolutionner rapidement notre tissu économique », dit Sarah Houde. Pour l’instant, rien n’est gagné, admet-elle. La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, s’intéresse toutefois à cette recommandation de politique industrielle verte, et la grappe espère que l’idée fera vite son chemin. 

Sur le plan provincial, Sarah Houde salue le fait que Québec fasse de l’électrification une priorité et qu’il y mette les sommes en conséquence. En partie grâce à cette implication au fil des ans, la province est donc maintenant en avance sur ses voisins. « L’Europe reste devant, si on parle des taux d’adoption, par exemple, mais si on se compare à l’Amérique du Nord, on se distingue favorablement. » 

Marc Neiderer, directeur général de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), fait une lecture similaire de la situation. Pour lui, la province « a de quoi être fière » parce qu’elle est plus avancée que les autres sur le plan de l’électrification. Cela dit, il reconnaît lui aussi qu’il reste encore beaucoup à faire.

 

Multiplier les bornes 

Le travail effectué par Hydro-Québec a permis de mettre en place un réseau de bornes étendu, explique Marc Neiderer. Par conséquent, il reste peu d’endroits au Québec qui sont inaccessibles en raison d’une absence de bornes — un problème avec lequel doivent composer d’autres provinces. « Ce qu’il faudra faire, cependant, au Québec, c’est d’ajouter des bornes là où il y en a déjà, dit-il. Cela permettra de recharger un plus grand nombre de véhicules en même temps, en prévision d’une hausse du volume de voitures électriques sur nos routes. » 

Et la hausse sera robuste, du moins si l’on se fie aux cibles du Québec. Pour le moment, Québec vise deux millions de véhicules électriques sur les routes en 2030. Selon les chiffres compilés par l’AVEQ, on n’en compte pour l’instant qu’un peu plus de 170 000. « On est donc encore quand même loin de l’objectif final, dit Marc Neiderer. Il reste beaucoup de chemin à faire. »

À son avis, l’atteinte de la cible sera un défi de taille, surtout dans un contexte où les constructeurs peinent à satisfaire la demande et à livrer divers modèles de véhicules appréciés des consommateurs. « Chez Tesla, c’est assez rapide, il n’y a environ qu’un mois d’attente pour leurs véhicules, remarque Marc Neiderer. Mais pour un Hyundai IONIQ 5, les gens attendent un an et demi, et pour un Kia EV6, presque autant. C’est sûr que ça ralentit l’atteinte des objectifs. »