L’entrepreneuriat ne passe pas toujours par un diplôme en gestion
Karl Moore|Publié le 16 avril 2019Le fondateur d'AppDirect, Daniel Saks (Photo: courtoisie d’AppDirect)
BLOGUE INVITÉ. En 2009, Daniel Saks a cofondé AppDirect, une plateforme de marché qui propose des services infonuagiques aux entreprises. AppDirect, qui vaut aujourd’hui un milliard de dollars, offre ses services à plus de 35 millions d’entreprises à travers le monde, dont IBM, Deutsche Telekom et Lacoste. En 2015, Daniel Saks s’est taillé une place dans la liste des 30 jeunes de moins de 30 ans les plus influents de Forbes. La fibre entrepreneuriale s’est manifestée à un jeune âge pour ce fils d’entrepreneurs.
« J’ai toujours aimé démarrer des entreprises, qu’il s’agisse d’un kiosque à limonade ou d’une compagnie de voyages organisés, et trouver des moyens d’en accroître la valeur. »
Pourtant, au lieu de faire des études en gestion, il a suivi les conseils de sa mère et a opté pour les sciences politiques à l’Université McGill. Il estime que cette décision a eu une grande influence sur sa carrière et son succès.
« Lorsque j’ai été accepté en commerce à McGill, ma mère m’a encouragé à m’inscrire à la Faculté des arts. Je ne comprenais pas cette idée, et je lui ai dit que je devais suivre le programme de gestion puisque j’y avais été admis, ce à quoi elle a répondu que mon esprit d’entreprise était très fort et qu’il fallait que j’équilibre mes forces. »
Pour Daniel Saks, l’équilibre est la clé de tout, et il a conservé cette mentalité pendant toute sa carrière. Il estime que son baccalauréat en arts l’a réellement aidé à devenir un entrepreneur plus complet. Il dit que son cours de psychologie lui a ouvert l’esprit et que son cours de géographie urbaine l’a poussé à remettre en question les normes.
Il croit toutefois qu’il y a des choses à apprendre à l’école de gestion, mais que l’enseignement n’est peut-être pas optimal.
« On peut acquérir une foule de notions sur la mobilisation de capitaux, sur la mise en marché ou encore sur la vente. Toutefois, l’école ne nous apprend pas à congédier un ami ou à gérer le stress lorsque plusieurs clients appellent en cas de problème. L’enseignement théorique risque de ne pas bien nous préparer à ce qui nous attend. »
Il suggère plutôt de se pencher sur des études de cas, en mettant l’accent sur l’échec.
« Il serait extrêmement utile d’entendre d’autres personnes parler des difficultés, pas seulement des succès. On valorise le succès, et c’est pourquoi on n’entend parler que des réussites. Étrangement, personne ne demande à un entrepreneur quel est le plus gros obstacle qu’il a dû surmonter. Les discussions sont trop superficielles. »
Daniel Saks connaît bien l’échec. Trois ans après le lancement d’AppDirect, la plateforme attirait très peu de visiteurs. Il dit qu’il aurait facilement pu abandonner. Il croit toutefois que les échecs sont essentiels à la création d’un équilibre. De plus, un échec peut être une source de motivation.
Daniel Saks était absolument convaincu que son plan aurait du succès. Cette confiance était-elle le fruit d’une éducation équilibrée ou de la naïveté de la jeunesse? Ce qui ne fait aucun doute, c’est l’importance de ce qu’il a appris en s’inspirant d’autres fondateurs. Comprendre comment Bill Gates, Sergey Brin, Larry Page ou Jeff Bezos avaient créé des entreprises robustes a aidé AppDirect à bâtir son propre succès. Daniel Saks considère que trois éléments sont nécessaires à la création d’entreprises prospères et durables.
Tout d’abord, les fondateurs doivent définir leur vision dès le départ. Cette vision est à la base de ce qu’AppDirect appelle le franc nord, cette compréhension des besoins du client qui, un peu comme l’aiguille d’une boussole, permet à la compagnie et au produit de garder le cap.
Ensuite, les fondateurs doivent mettre en avant des valeurs très claires qui assureront la cohésion au sein de l’entreprise et faciliteront la prise de décisions. Il ne faut toutefois pas chercher à plaire à tout le monde ; une leçon importante que Daniel Saks a apprise.
« Tous ces chefs d’entreprise peuvent être très impressionnants, mais au fil du temps, vous vous rendez compte que l’objectif d’un bon leader n’est pas de satisfaire tout le monde. À mes débuts, je voulais vraiment que tout le monde soit heureux. Il faut apprendre à placer les valeurs et la mission à long terme avant l’individu, ce qui amène à prendre des décisions difficiles. La gestion des enjeux commerciaux ne me pose pas problème ; c’est la gestion de la perception, de la communication et des attentes qui est délicate. »
Finalement, l’entreprise doit faire une grande place à l’innovation. Un équilibre entre ces trois éléments aidera les fondateurs à persévérer en cas d’échec.
« Il est beaucoup plus facile de contourner les obstacles quand on peut s’appuyer sur une démarche à long terme qui intègre une vision claire, des valeurs bien définies et un cadre axé sur l’innovation. »
Une chose est sûre : il y a plusieurs façons de parvenir au succès, et Daniel Saks encourage tout le monde à sortir de sa zone de confort et à faire preuve d’ouverture d’esprit.
« Le monde a besoin de plus d’individus bien équilibrés qui ne se définissent pas d’abord comme des ingénieurs, vendeurs ou entrepreneurs, mais comme des personnes qui savent vraiment comment remettre les choses en question. »
Lien vers le balado (en anglais seulement)
Le présent article est une transcription condensée et modifiée d’une entrevue animée par Karl Moore, professeur agrégé à l’Université McGill, dans le cadre de l’émission The CEO Series, présentée sur les ondes de CJAD et produite par Aya Schechner. L’article a été traduit vers le français par Elaine Doiron, traductrice. L’entrevue intégrale est disponible en baladodiffusion.