Jean Charest a donc parfaitement raison: davantage d’oléoducs doivent être construits si nous ne voulons pas rater l’opportunité économique devant nous, selon Miguel Ouellette. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Cette semaine, nous apprenions que si Pierre Polievre est élu chef du Parti conservateur du Canada, et ensuite premier ministre, il relancerait le projet GNL Québec à Saguenay. Un de ses adversaires, Jean Charest, a quant à lui promis de relancer de nouveaux projets d’oléoducs à travers le pays s’il prend les rênes du Canada. Peu importe notre allégeance politique, un fait demeure: le Canada est le pire élève des pays membres de l’OCDE en matière d’investissements privés et nous devons effectivement voir divers projets se réaliser pour assurer notre croissance économique à long terme.
L’énergie, un secteur clé
Au fil du temps, le Canada a su développer son secteur de l’énergie, qui représente maintenant 10% de notre économie et emploie plus de 800 000 travailleurs. Que ce soit pour l’hydroélectricité, le gaz naturel ou le pétrole, notre savoir technique est apprécié partout dans le monde et c’est ce qui permet de nous différencier de plusieurs de nos concurrents. Sans compter que les innovations technologiques de nos entreprises permettent constamment de réduire la pollution émise lors de la production. C’est le cas de l’extraction de sables bitumineux, où les entreprises ont réussi à faire passer les GES émis par baril à un niveau 31% plus bas que celui de 1990, et cette tendance se continuera dans les prochaines années.
Toutefois, bien que le Canada ait les normes environnementales parmi les plus strictes au monde et que les conditions des travailleurs soient respectées, plusieurs projets ne voient pas le jour, faute de pouvoir discrétionnaire des décideurs politiques et de manque d’analyse cohérente. C’est d’ailleurs ce qui laisse le champ libre à des pays comme le Qatar et l’Arabie saoudite qui eux se disent ouverts aux nouveaux projets gaziers et pétroliers, mais qui sont très loin d’avoir les mêmes normes que nous.
Outre le fait que les pays concurrents cherchent à attirer le plus de nouveaux projets et que la guerre en Ukraine démontre à quel point la sécurité énergétique d’un pays est importante, il serait tout à l’avantage du Canada de faciliter le développement de notre secteur de l’énergie, plutôt que de faire une passe sur la palette aux autres pays concurrents.
Arrimons économie et environnement
Tout d’abord, qu’en disent certains, la demande mondiale de pétrole augmentera d’environ 9% au cours des 20 prochaines années. Cependant, bien qu’ils s’agissent d’une opportunité pour le Canada d’exporter davantage vers les marchés européens et asiatiques, nous ne possédons pas l’infrastructure nécessaire pour le faire. En effet, présentement, c’est un peu plus de 95% du pétrole que nous exportons qui est envoyé aux États-Unis, puisque nous n’avons pas assez d’oléoducs qui pourraient acheminer le combustible vers des ports canadiens pour exportation. Jean Charest a donc parfaitement raison: davantage d’oléoducs doivent être construits si nous ne voulons pas rater l’opportunité économique devant nous. Après tout, il ne faut pas oublier que l’oléoduc est le moyen de transport des combustibles le plus sécuritaire et écologique qu’il existe au Canada; c’est plus de 99,99% des combustibles transportés chaque année par oléoducs fédéraux qui le sont de manière parfaitement sécuritaire et sans incident.
Ensuite, nos décideurs politiques doivent comprendre les bienfaits économiques et environnementaux de faciliter le développement de nouveaux projets du secteur de l’énergie. Prenons le Québec comme exemple. Nous comptons pour l’équivalent de plus de 93 milliards de dollars en réserves exploitables de gaz naturel dans la province, et celles-ci se trouvent en régions où le PIB par habitant est le plus faible. Non seulement l’exploitation de notre gaz naturel créerait de la richesse pour tous les Québécois et Québécoises, mais cela relancerait l’économie régionale dans plusieurs zones. De plus, en exploitant cette ressource au Québec, nous le ferions selon nos règles — qui sont plus strictes que dans bien des pays — et pourrions l’exporter vers des pays comme l’Allemagne où le charbon est encore utilisé comme source importante d’énergie. Le gaz naturel est une énergie de transition, et le Québec posséderait tout ce qu’il faut pour en produire. Les obstacles sont davantage politiques, et le gaz naturel n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du potentiel économique d’attirer des investisseurs privés.
Il est tout à fait possible de continuer à développer le secteur de l’énergie au Canada tout en facilitant l’émergence de nouvelles technologies plus vertes. C’est en donnant les moyens à nos entrepreneurs qu’ils innoveront et développeront des solutions environnementales adaptées à nos besoins. Les milliards investis chaque année par nos entreprises de l’énergie sont plus que nécessaires dans cette transition énergétique. Rendre la vie abruptement trop difficile pour nos entrepreneurs ne fera que diminuer nos standards de vie et pourrait même ralentir la transition. La collaboration est de mise, et il ne faut pas précipiter aveuglément les choses en excluant les bénéfices associés à de nouveaux investissements privés.
Enfin, trop souvent, que ce soit dans le secteur de l’énergie, minier ou encore de la construction résidentielle, le Canada et le Québec ont une attitude trop rigide envers les nouveaux projets. Les cadres réglementaire et fiscal ne sont pas assez adaptés au monde globalisé et concurrentiel actuel, et de nombreuses opportunités sont manquées. Les gouvernements en place au pays et les futurs politiciens doivent faire tout en leur possible pour renverser la tendance inquiétante en matière d’investissements privés. L’ère des grands projets doit sonner.