(Photo: 123RF)
Un texte d’Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en économie à l’Université de Toronto
COURRIER DES LECTEURS. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, certaines personnes ne se gênent pas pour utiliser les actuelles tensions géopolitiques pour effectuer des gains politique et économique. Afin de taire les critiques, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a «confirmé le décès de GNL Québec» sur sa page Twitter. Il a officié ses funérailles, dit-il.
Le blogue de Miguel Ouellette, de son côté, remet en cause le projet de loi 21, soit la Loi visant à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures. Rappelons que cette loi a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 12 avril 2022 (10 abstentions).
La Coalition avenir Québec n’a rien d’un parti écologique. Alors pourquoi ferme-t-elle la porte à des projets gaziers, si ces derniers pouvaient aider l’Europe à se départir du gaz russe, notre économie, en plus d’aider la crise climatique ?
Selon moi, ces affirmations sont basées sur des mythes.
Mythe 1: notre gaz aidera les Européens à se départir du gaz russe
GNL Québec — le projet le plus avancé — n’aurait été prêt à distribuer du gaz qu’à la fin de la décennie; il n’aurait pas aidé nos compatriotes européens à se départir du gaz russe.
Les Européens, dont les Allemands — le principal consommateur de gaz en Europe —, misent sur leur énergie renouvelable afin d’être indépendants des forces étrangères en termes énergétiques.
Plus exactement, les Allemands ont triplé le développement des énergies renouvelables, afin que 80% du réseau électrique soit renouvelable d’ici 2030 et près de 100% d’ici 2035. Rien de surprenant, puisque les verts forment le gouvernement en coalition.
Les Européens n’ont pas besoin de notre gaz; ils ont besoin de nos entreprises innovantes, comme Eocycle, qui a vu ses ventes d’éolienne exploser en Europe.
Mythe 2: ce sera bon pour notre économie
Seriez-vous prêt à investir des milliards de dollars auprès d’un client alors que ce dernier tente activement de se départir de vos services?
Personnellement non. Et c’est la raison pour laquelle investir dans l’industrie fossile n’est bon que pour la spéculation.
Bien que les projections longs-termes soulignent une augmentation du gaz, deux facteurs ne sont pas pris en compte:
i) L’accélération de l’action climatique qui amène d’agressives politiques climatiques — un peu comme la loi 21 qui «exproprie» les prospecteurs gaziers en sol québécois ou le plafond sur les émissions de l’industrie fossile du fédéral;
ii) L’accélération de l’innovation technologique.
Effectivement, si les politiciens peuvent remporter des votes en utilisant les pétrolières comme bouc émissaire, ils le feront avec grand plaisir et ils seront même louangés par le public.
De plus, les meilleurs prévisionnistes du monde ont de la difficulté à prévoir l’inflation de l’année courante. Je doute que nous soyons capables de déterminer avec certitude la consommation future d’une ressource aussi «politique» que le gaz.
Rappelons que l’innovation technologique a amené une diminution de 80% des coûts de l’énergie renouvelable en une dizaine d’années. À cela s’ajoute le très conservateur Joe Man qui appuie The Inflation Reduction Act. Ce projet prévoit 369 milliards de dollars américains dans la transition énergétique nord-américaine.
Prédire l’innovation est particulièrement difficile, notamment lorsqu’on la combine à la géopolitique. Une chose est certaine, en 2050, la mort de l’industrie gazière sera palpable et l’énergie renouvelable régnera en reine.
Tout fonds de l’industrie pétrolière se verra tout simplement radié, endommageant l’économie des pays producteurs, seuls ceux investissant dans les technologies du futur sauront en tirer profit.
Mythe 3: notre gaz est vert
Vraiment? Permettez-moi un extrait: «Économiquement, il est très trivial de constater à quel point la décision de ne pas produire localement du gaz naturel de manière durable est dommageable.»
La seule chose qui est triviale est que du gaz, ça pollue. En cas de doute, la chimie est bien plus fiable que l’économie.
Voici le processus de la combustion du gaz naturel:
CH4 + 2O2 ‐> énergie + CO2 + 2H2O.
Qu’importe le procédé de production, du gaz, ça pollue.
Conclusion
Notre planète est en feu, les uns se font bombarder, les autres ont de la difficulté à subvenir à leurs besoins et les pétrolières empochent des bénéfices record. Pire, ils en demandent davantage.
Le secrétaire général de l’ONU a été ferme. Il faut taxer ces profits — qui accentuent les famines en passant par le contrôle des prix — et aider ceux dans le besoin avec cet argent.