Depuis quelques années, les fournisseurs comprennent un peu mieux les besoins des épiceries zéro déchet et travaillent eux aussi à réduire l’emballage de leur marchandise, «probablement parce que la demande est croissante; donc ils s’adaptent», croit Valérie Sirois, fondatrice de l’épicerie Ô Bokal, à Chambly. Un phénomène dont témoigne également l’équipe de Loco (nos photos). (Photo : Stéphane Vairo)
SPÉCIAL ENVIRONNEMENT. Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemble la chaîne d’approvisionnement d’une épicerie zéro déchet ? Les Affaires a posé la question à trois épicières, qui ont accepté de décortiquer les étapes que suit chacun des articles de leur stock.
1. Le moins d’intermédiaires possible, vous viserez
Toutes les entreprises interrogées s’entendent pour dire que la meilleure façon de réduire l’emballage tout au long de la chaîne d’approvisionnement est de travailler «en circuit court» avec leurs fournisseurs.
«Ça nous permet d’utiliser des bacs réutilisables, d’échanger directement [avec eux], d’obtenir des produits sans emballage… Plus tu as d’intermédiaires, plus c’est difficile d’y arriver», illustre Andréanne Laurin, directrice générale et responsable de l’approvisionnement de la chaîne montréalaise d’épiceries zéro déchet Loco. C’est de cette manière qu’elle est parvenue à créer des emballages plus écoresponsables pour certains articles, comme les savons liquides et les nettoyants tout usage ou encore le tempeh.
Même son de cloche du côté de Mont-Laurier, dans les Laurentides, où Préscillia Pilon a ouvert la boutique VracÉco en 2017. «C’est un travail d’éducation auprès des fournisseurs, note-t-elle. Et ce sont les plus gros qui sont les plus difficiles à faire changer [de méthode].»
Cette proximité permet aussi aux commerçantes de mieux comprendre les différentes étapes de production de leur marchandise et de faire affaire avec certains fournisseurs, même s’ils n’ont pas d’onéreuses certifications biologiques, par exemple. «On doit établir un lien de confiance avec les producteurs ou les importateurs. C’est comme ça qu’on sait que leurs produits répondent à nos critères de qualité», explique Valérie Sirois, fondatrice de l’épicerie Ô Bokal, à Chambly.
2. En grande quantité, vous achèterez
Les produits livrés dans les épiceries sondées sont soit pas du tout emballés, soit fournis dans des contenants consignés, dans des emballages recyclables ou encore compostables.
Peu importe leur emballage, les articles doivent être fournis en grande quantité, par paquets qui peuvent atteindre 25 kg pour les denrées sèches et 75 litres pour les liquides. L’objectif est de réduire le poids de l’emballage comparativement à un même aliment qui serait empaqueté en portions individuelles.
Certains fournisseurs, surtout les locaux, transportent la marchandise dans des bacs et repartent avec leurs contenants de la commande précédente lors de la livraison. «Ça fait donc beaucoup d’entreposages de bacs vides», fait remarquer Mme Laurin. Un aspect que les épiciers conventionnels n’ont pas besoin de gérer, souligne-t-elle.
Il est plus ardu de se procurer de la marchandise importée non emballée, qui est souvent livrée dans un sac en plastique empaqueté dans une boîte de carton.
Les gros distributeurs, comme le montréalais Tootsi Impex, sont plus réticents à développer un nouveau type de service de livraison, par exemple à l’aide de contenants consignés, observe la directrice générale de Loco.
Pourquoi tenir ces produits en stock, donc ? «Le client va continuer d’acheter des pépites de chocolat même si nous n’en offrons pas, mais ce ne sera peut-être pas bio, et ce sera suremballé», fait valoir Mme Laurin.
Un compromis qui permet aussi de «libérer [le client] des structures de prix et des poids imposés» par les épiceries traditionnelles, réduisant ainsi le gaspillage alimentaire, ajoute Mme Sirois.
3. Refuser, vous ferez
Dans d’autres cas, si aucun fournisseur n’est en mesure d’obtenir un produit livré dans un emballage plus écologique, les commerçantes interviewées préfèrent ne pas le compter dans leur stock. Un choix qu’a fait Mme Pilon à quelques reprises – notamment des produits pouvant contenir de l’huile de palme, comme les amandes enrobées de yogourt -, bien que les articles en question aient été demandés par sa clientèle.
Mais la situation évolue. La fondatrice d’Ô Bokal constate que depuis l’ouverture de sa boutique, en 2016, les fournisseurs comprennent un peu mieux leurs besoins et travaillent eux aussi à réduire l’emballage de leur marchandise, «probablement parce que la demande est croissante; donc ils s’adaptent», croit Valérie Sirois. Un phénomène dont témoigne également l’équipe de Loco.
4. Les pertes sèches, cette mine d’or de l’économie circulaire
Si le contenu de vos bacs verts, bleus, noirs ou bruns peut vous sembler rébarbatif, il fait le bonheur d’autres entreprises de votre région. Les trois épiceries zéro déchet consultées l’ont compris.
À Mont-Laurier, Mme Pilon a trouvé un réseau de commerçants qui «attendent impatiemment» sa prochaine commande pour donner une deuxième vie aux boîtes et chaudières qui ne sont pas reprises par ses fournisseurs. «Même le papier bulle qu’on reçoit est refilé à quelqu’un d’autre qui l’utilise pour expédier des colis», affirme la propriétaire de VracÉco.
Son commerce n’a même pas de bac de poubelle, les déchets générés mensuellement pouvant entrer dans un petit sac de cassonade en carton. Celui-ci ne peut être recyclé, puisqu’il est recouvert d’une pellicule de plastique.
De son côté, Loco – qui est maintenant carboneutre – refile ses aliments légèrement trop mûrs à un traiteur qui les transforme en plat. Ce dont Ô Bokal se charge à l’interne en agrémentant le menu de son café-bistro, adjacent à l’épicerie. Le lait fatigué y devient crème caramel, et le menu du jour évolue au gré de son inventaire, ce qui réduit grandement ses pertes sèches.
***
Le vrac n’est pas nécessairement zéro déchet
Toutes les épiceries zéro déchet sont des épiceries de vrac, mais le contraire n’est pas toujours vrai. La plupart du temps, les épiceries zéro déchet se soucieront de limiter l’empreinte écologique d’un article, de sa récolte jusqu’à ce qu’il atterrisse sur les tablettes, explique Cindy Trottier, instigatrice du Circuit Zéro Déchet, alors que « les épiceries en vrac, comme Bulk Barn, ne sont pas aussi pointilleuses sur ces points-là ». Néanmoins, les deux ont un objectif commun : réduire le gaspillage alimentaire.