Maxime-Alexis Frappier, associé et président d’ACDF Architecture (Photo: courtoisie)
ARCHITECTURE. Souvent décriée ou vue avec méfiance, la densification contribue pourtant à la création de milieux urbains de qualité. Pour y parvenir, la participation des architectes s’avère toutefois incontournable.
La Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT), attendue depuis 40 ans par les architectes québécois et finalement dévoilée en juin dernier, place « une densification qui préserve la qualité des milieux de vie et qui s’avère pertinente pour les communautés » au cœur des enjeux.
Cette réflexion a de quoi réjouir le président de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ), Pierre Corriveau, qui croit qu’il existe « une perception très négative de la densification en raison d’erreurs du passé ».
L’architecte Maxime-Alexis Frappier, associé et président d’ACDF Architecture, abonde dans le même sens. « Pour promouvoir la densification, il faut qu’elle soit meilleure », estime-t-il.
Pierre Corriveau assure néanmoins qu’il est possible de créer « des espaces de vie extraordinairement riches, où la notion de communauté est très forte, où les services de proximité sont accessibles à pied, où vous ne perdez plus de temps dans les transports ». Cette responsabilité repose sur les épaules de l’architecte, selon lui.
L’architecte Jean-François St-Onge, associé d’ADHOC architecture, explique que la contribution de ses collègues et de lui-même se décline en différents aspects. Leur sensibilité et leur lecture du paysage permettent notamment de mettre en valeur les divers éléments, de créer un dialogue avec le passé. « Je crois aussi que les architectes doivent s’engager dans le débat, à l’instar des maires. »
Maxime-Alexis Frappier pense également que les architectes sont des acteurs primordiaux de la densification. « On travaille sur des projets qui contribuent à la société. » Les équipes multidisciplinaires regroupant tous les partenaires en amont d’un projet ont d’ailleurs de plus en plus la cote afin de réaliser des milieux de plus grande qualité.
Encore faut-il que les promoteurs, les élus et la population exigent cette qualité des architectes.
Bien densifier
Quand vient le temps de parler de densification heureuse, la mixité revient constamment dans le discours des architectes consultés. Et pour cause. « Proposer des milieux variés est essentiel. On veut que les résidents puissent être capables de travailler, de consommer et de se divertir à une distance de marche. Bref, on veut leur offrir une meilleure qualité de vie », résume Maxime-Alexis Frappier.
Pour ce dernier, la densification doit obligatoirement s’associer à de nombreux espaces publics, qui vont du parc à la placette, en passant par la ruelle. « Le défi est de trouver le juste milieu entre superficie habitée et superficie de jouissance. Pour convaincre quelqu’un de quitter sa maison de banlieue pour un projet dense, il faut lui offrir plus que ce qu’il a déjà. »
Encourager la qualité
La culture de la qualité en architecture ne fait pas partie de l’ADN du Québec, comme c’est le cas par exemple en France ou en Norvège, deux pays qui ont adopté une Politique nationale de l’architecture il y a plusieurs années.
Tout n’est pas perdu pour autant. « Un peu comme la culture en général, la culture de la qualité en architecture se développe, estime Jean-François St-Onge. Plus on en consomme, plus on en veut. » Celui-ci relève que le Québécois moyen voyage de plus en plus et qu’il voit de beaux exemples ailleurs. « Ça nous conscientise comme société. »
Comme l’architecte le souligne, plusieurs études montrent que la qualité architecturale augmente le bien-être et même la productivité.
Essentielle cohérence
Pour le président de l’OAQ, un projet de qualité répond d’abord au contexte dans lequel il s’insère. « Vous pouvez doubler la densité d’un quartier de bungalows avec des unités d’habitation accessoires sans que personne ne s’en rende compte », illustre-t-il.
Jean-François St-Onge renchérit : « Il faut placer l’humain au centre de la réflexion. Ça nous amène à travailler à échelle humaine avec une volumétrie adaptée à son contexte. La densification permet de créer des liens urbains. »
ADHOC essaie notamment de sculpter les volumes avec certaines avancées, de penser à l’espace piéton, de créer des points d’ancrage avec le voisinage et d’inclure des éléments surprenants tout en respectant le caractère du quartier.
« Dans l’avenir, la cohérence sera l’élément clé », avance Maxime-Alexis Frappier. Il souligne que chaque bâtiment ne peut pas être flamboyant, même s’il en faut. « L’architecte a un détachement, une vision plus globale, que le promoteur n’a pas nécessairement. L’intégration urbaine doit être remise à l’avant-plan. »
Pierre Corriveau insiste d’ailleurs sur le fait qu’un milieu dense réussi n’est pas un compromis. « C’est une amélioration. »