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Les autres

Julie Cailliau|Édition de la mi‑mars 2019

Les autres

[Photo: 123RF]

Je ne me suis toujours pas débarrassée de mon accent français, même après plus de 17 ans au Québec. Ce n’est pas grave, je me fais comprendre. Mais régulièrement, quelqu’un se charge de me rappeler que je ne suis pas d’ici. Comme pendant la relâche scolaire. Je suis allée profiter de la belle neige avec mes enfants dans une station touristique près de Québec. Séjour impeccable, installations confortables, activités réjouissantes et personnel très prévenant. Sauf le caissier du comptoir des collations…

Il m’annonce un prix douteux pour mes achats. «Vous êtes certain d’avoir tout compté ? Je pense que vous avez oublié une soupe», lui dis-je, en lui tendant ma carte. Il prend conscience de son erreur, me dit que c’est trop tard, qu’il m’en fait cadeau, je le remercie et je tape mon code. Et lui, plutôt que d’en rester là, ajoute, tout sourire : «Depuis quand les Français sont honnêtes de même ?» Ouf ! J’imagine que si ma différence n’avait pas été seulement mon accent, mais aussi ma couleur de peau, il aurait gardé ce trait d’esprit pour lui. Ça aurait été pire, je dois dire.

C’est pourtant l’évidence même : le Québec a besoin des étrangers pour prospérer. Point !

Travailleurs immigrants, touristes, investisseurs étrangers, immigrants entrepreneurs, immigrants investisseurs… La diversité vaut son pesant d’or. Par exemple, selon le tout récent bilan de Montréal international (MI), la région métropolitaine a attiré un total de 2,474 milliards de dollars d’investissements étrangers en 2018, permettant la création de 5 939 emplois et le maintien de 535 autres. MI calcule que ces investissements comptent pour 17 % de la croissance de l’économie québécoise en 2018.

Qu’est-ce qu’on disait, déjà ? Ah oui : le Québec a besoin des étrangers pour prospérer. Point !

Aux États-Unis, l’organisme New American Economy (NAE), fondée en 2010 par Michael Bloomberg et Rupert Murdoch, vient de mettre à jour sa carte interactive qui montre, chiffres à l’appui, la contribution des immigrants dans l’économie américaine. Le tiers des entrepreneurs américains seraient des immigrants, qui emploieraient huit millions de personnes. Le pouvoir d’achat des immigrants totaliserait 1 100 milliards de dollars américains.

L’intention de NAE est une réforme de la politique d’immigration pour qu’elle permette de saisir le potentiel économique et entrepreneurial que représentent les nouveaux venus. Je ne sais pas si une telle initiative existe ici. Ce que je sais, c’est qu’elle serait utile à la réflexion du ministre Simon Jolin-Barrette et vraisemblablement éloquente. La jolie station où j’ai séjourné serait bien peu de choses sans la clientèle étrangère et immigrante.

Julie Cailliau
Éditrice adjointe et rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc
@julie140c