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ANALYSE. Les banques n’ont pas fini de ressentir le choc de la récession dans leurs résultats, mais en Bourse, leurs titres semblent mûrs pour un rattrapage.
La plupart des analystes prévoient que les mauvaises créances atteindront leur pic au début de 2021, mais ils estiment aussi que les provisions pour pertes sur prêts de 11 milliards de dollars déjà constituées suffiront à les absorber. «Nous devrons toutefois voir une réduction notable du report des versements accordés aux clients et une amélioration des données économiques pour que nous ayons confiance que les mauvaises créances culmineront au premier trimestre de 2021», explique Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale.
En fait, les estimations de bénéfices sont si incertaines que les analystes reviennent aux ratios qui comparent les cours à la valeur comptable des banques au lieu de l’habituel ratio cours/bénéfice pour établir leurs cours cibles.
Sur cette base, les titres bancaires sont intéressants, note Sohrab Movahedi, analyste de BMO Marchés des capitaux. Ils se négocient à un ratio de 1,2 fois leur valeur comptable, soit 75 % du même multiple pour le S&P/TSX, sans les banques. Ce multiple équivaut aussi à 89 % de la moyenne pour les banques, à long terme.
Cette évaluation est attrayante dans la mesure où les banques restent bien capitalisées, ce qui leur permet de préserver leur dividende pendant que le rendement de l’avoir des actionnaires est déprimé, précise l’analyste de BMO. «À moyen terme, notre opinion au sujet des banques n’a pas changé. Leurs dividendes sont alléchants et leur rendement de l’avoir est respectable. Elles devraient retrouver une croissance annuelle des bénéfices de l’ordre de 5 % à 7 %, à laquelle s’ajoute le dividende moyen de 5,6 % et ainsi procurer un rendement total de plus de 10 %», précise Sohrab Movahedi.
Cela dit, cet analyste ne mise pas sur un retour aux rendements financiers passés étant donné l’effet des taux anémiques sur les marges d’intérêt, entre autres.
Pivot quantitatif
Techniquement, le retard de 27 % de la performance des banques sur le S&P/TSX depuis deux ans milite au minimum pour une récupération en Bourse, note Martin Roberge, de Canaccord Genuity.
Ce stratège quantitatif vient de redonner aux titres bancaires une pondération neutre dans la répartition de son portefeuille modèle, dans un horizon de 6 à 12 mois.
L’écart de performance entre les banques et le reste du marché a presque atteint le plancher qui, dans le passé, a présagé des gains médians de 6 % supérieurs à l’indice sur 12 mois, révèle aussi le modèle SQoRE Canada que tient l’analyste de Banque Scotia, Jean-Michel Gauthier.
Si les espoirs de reprise incitaient les investisseurs à se déplacer en plus grand nombre vers les industries boudées jusqu’ici, les banques devraient continuer d’en profiter.
Il est encourageant de voir que les banques se sont appréciées de 7,7 % pendant le dévoilement de leurs provisions massives, quand le S&P/TSX avançait de seulement 1,9 %, signale d’ailleurs Scott Chan, de Canaccord Genuity.
Le rattrapage offre encore du potentiel, si la reprise économique espérée se confirmait, puisque le recul de 12,3 % des banques à ce jour en 2020 (en date du 2 juin) est pire que celui de 7,1 % du S&P/TSX. «Les dirigeants des banques ont tous suggéré que le deuxième trimestre constitue la pointe pour les provisions, à moins que la récession soit pire que le scénario qu’elles ont chacune établi.»
L’incertitude reste palpable, toutefois. Les Canadiens sont entrés en récession déjà endettés et la pandémie bouleverse l’emploi, la consommation ainsi que la valeur des immeubles commerciaux, qui constituent une forte proportion des prêts accordés. L’échéance éventuelle des divers programmes de soutien ajoute aussi à l’anxiété.