Les employeurs doivent offrir à leurs employés un bon climat de « sécurité psychosociale ». (Photo: Mateus Campos Felipe pour Unsplash)
SANTÉ DES EMPLOYÉS. Moins de travailleurs employés par des entreprises qu’ils perçoivent comme étant bienveillantes ont dit ressentir un niveau de détresse psychologique élevé durant la première vague de la COVID-19. C’est du moins ce que relève une étude menée le printemps dernier par l’équipe de Caroline Biron, professeure à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval et directrice du Centre d’expertise en gestion de la santé et de la sécurité du travail.
Au total, 48 % des 1259 travailleurs québécois sondés entre le 30 avril et le 7 mai disaient éprouver un niveau de détresse psychologique élevé. « Les répondants qui travaillent au sein d’une organisation qui accorde une haute priorité à la santé psychologique s’en tirent mieux que le reste de l’échantillon : ces organisations comptent 24 % moins de personnes qui déclarent être en détresse élevée et 12 % plus de travailleurs qui se qualifient de “hautement performants” », indique l’étude.
« Ces résultats soulignent l’importance de faire de la prévention et de démontrer de la bienveillance dans l’organisation », explique Caroline Biron. Pour cela, il ne faut pas simplement mettre en place des mesures individuelles, mais également agir sur l’ensemble de l’entreprise, note la chercheuse.
« Il faut prendre soin des gens à la fois dans les politiques, dans les pratiques et les procédures pour que le message adressé aux employés soit clair : la santé psychologique, c’est important pour l’entreprise », poursuit-elle.
Les employeurs doivent ainsi offrir un bon climat de « sécurité psychosociale », qui repose sur les quatre facteurs suivants :
1. L’engagement de la haute direction
Quand l’engagement envers la santé psychologique des travailleurs part de la haute direction, cela influence tous les échelons de l’organisation, explique Caroline Biron. Dans une présentation diffusée sur le web, la chercheuse compare l’adhésion aux mesures de santé psychologique à celles touchant la sécurité qui ont été instaurées dans les années 1980.
« Dans les entreprises où la sécurité est importante, ça transparaît dans tous les paliers hiérarchiques et se rend jusqu’à la base. Les travailleurs adoptent donc des procédures sécuritaires, déclarent les situations dangereuses et portent leur équipement de sécurité, explique-t-elle. C’est la même chose pour la santé psychologique : quand c’est prioritaire en haut, ça influence tous les travailleurs jusqu’à la base. » De même, quand les supérieurs sont conscientisés à l’importance de la santé psychologique des travailleurs, ils corrigent rapidement les situations qui peuvent lui porter atteinte.
2. La priorisation
L’employeur doit faire de la santé psychologique une priorité aussi importante que la productivité, affirme Caroline Biron. « Concrètement, cela peut prendre plusieurs formes, dont de la formation obligatoire pour les employés et gestionnaires, afin qu’ils soient mieux outillés par rapport à ces questions. » Une entreprise pourrait également créer un comité qui se penchera sur le bien-être des employés – en s’assurant toutefois de lui offrir un réel pouvoir décisionnel –, suggère la chercheuse.
3. La communication
Aborder la santé mentale démontre l’ouverture d’une organisation à ce sujet, ce qui constitue autre facteur important pour améliorer le climat de sécurité psychosocial. Plusieurs questions permettent d’évaluer la facilité de communication. « Est-ce qu’on parle de cet enjeu au sein de l’entreprise ? Est-ce tabou ou au contraire, je peux m’ouvrir sur cela avec mes collègues et ventiler sans être jugé ? Est-ce que je peux en discuter avec un supérieur ? Et lui, est-ce qu’il aborde ces questions avec moi ? Est-ce qu’il me demande comment ça va mentalement ou si j’ai besoin de ressources ? Est-ce qu’on transmet de l’information par rapport à tout cela ? », énumère Caroline Biron.
4. La participation
En matière de sécurité au travail, les employés sont les mieux placés pour identifier les points à améliorer. Il en va de même pour la santé psychologique. C’est pourquoi les entreprises ont tout intérêt à créer des instances qui permettront de susciter la participation de tous les employés, par exemple un comité santé mentale, affirme la spécialiste. « Dans le fond, il faut se demander si la prévention s’adresse à tous les stades hiérarchiques ou c’est quelque chose qu’un petit groupe fait dans sa tour d’Ivoire, sans que ça redescende sur le terrain. »
La bienveillance, c’est payant
Pour Caroline Biron, les gestionnaires auraient tort d’attendre la fin de la pandémie pour améliorer leur climat de travail, alors que cette crise sanitaire affecte tout le monde. Des changements qui sont à mettre en branle maintenant, surtout que la santé psychologique des employés influence différentes sphères professionnelles comme la motivation, l’absentéisme ou la productivité. « C’est important d’être bienveillant par altruisme, mais c’est également payant pour les organisations, fait-elle remarquer. On voit des différences dans leur performance financière lorsqu’ils prennent bien soin de leurs équipes. »