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Les cancres du climat, c’est nous!

Olivier Schmouker|Édition de la mi‑septembre 2019

SPÉCIAL ENVIRONNEMENT. Dans les médias, on dit des Québécois qu'ils sont les «champions du bilan carbone», on...

SPÉCIAL ENVIRONNEMENT. Dans les médias, on dit des Québécois qu’ils sont les «champions du bilan carbone», on souligne combien ils sont «sobres en carbone» et on les exhorte à jouer cet atout sans tarder pour en tirer «un avantage économique». Avec 9,6 tonnes de dioxyde de carbone (CO2) émises par habitant en 2016, soit seulement 11,1 % du total canadien, nous sommes en effet les plus petits émetteurs de gaz à effet de serre (GES) du Canada, selon les données du ministère québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Mais voilà, ce qu’on tait, c’est qu’il y a un revers à cette médaille d’or…

Le Canada est, en vérité, le cancre du climat à l’échelle mondiale. Chaque Canadien émet aujourd’hui en moyenne 18,6 tonnes de CO2 par an, ce qui le fait figurer en tête du palmarès planétaire, la moyenne des Terriens étant de 4,8 tonnes, d’après les données du Commissariat général au développement durable (France) et de la Banque mondiale. Les mêmes sources montrent également que le Canada libère dans l’air l’équivalent de 431 tonnes de CO2 pour chaque million de dollars de biens et de services créés par ses entreprises, ce qui le fait figurer à la troisième place du palmarès mondial, après la Chine (525 tonnes) et la Russie (464 tonnes). Bref, nous sommes les champions pour consommer et produire en salopant notre environnement !

À cela s’ajoute le fait que les émissions de GES… progressent chez nous. Selon Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), elles ont augmenté, en 2017, de 8 millions de tonnes à 716 millions de tonnes. Et ce, alors que le Canada s’est engagé auprès des Nations Unies à n’en plus produire que 513 millions de tonnes d’ici 2030, soit une réduction de 30 % par rapport à 2005. Quant au Québec, ses émissions de GES stagnent à 78 millions de tonnes par an, ce qui le mène, lui aussi, droit à l’échec. Son objectif officiel est d’atteindre d’ici 2020 une baisse de 20 % par rapport à 1990, et le recul n’est pour l’instant que de 9,8 %.

On le voit bien, la situation est désastreuse, et elle va en empirant. Pis encore, elle est plus grave que ce qu’on peut imaginer.

C’est que tous ces chiffres ne considèrent que les GES que chacun de nous émet directement dans son quotidien – le CO2 de notre voiture, de notre système de chauffage, de notre mode de cuisson, etc. -, et occultent ceux que nous émettons indirectement par nos importations – le CO2 émis par la Chine pour produire et acheminer notre dernier chandail, ou encore celui produit par la Floride pour nous procurer notre orange matinale. Oui, il convient de considérer la balance commerciale de nos échanges de CO2 émis, ces flux «clandestins», en ce sens que les statistiques officielles n’en tiennent pas compte.

Or, il se trouve que de nos jours, 28 % des émissions mondiales de CO2 sont transférées entre pays par les importations et les exportations de biens et de services, d’après un rapport de Réseau Action Climat France, Ademe et Citepa. Les dernières données d’ECCC, à ce sujet montrent que depuis 2005 le pays est devenu un importateur d’émissions de CO2 ; tout ce que nous consommons alourdit maintenant notre bilan carbone d’environ 6 % tous les ans, ce qui est énorme.

«La source du problème réside dans le degré de surconsommation des pays développés. Changer nos modes de vie et de consommation, diminuer la quantité de biens consommés et améliorer la qualité des produits que nous achetons, voilà la condition sine qua non de la lutte contre le changement climatique», notent en conclusion les auteurs du rapport français Les émissions importées – Le passager clandestin du commerce mondial de Réseau Action Climat France, Ademe et Citepa, en soulignant que «cela est possible dès aujourd’hui, pourvu que la mutation soit soutenue par les pouvoirs publics, même en l’absence d’un accord international à cet égard».

Autrement dit, il n’appartient qu’à nous de corriger le tir. Qu’à chacun de nous, pour être précis. Il me suffit de me mettre à consommer un peu plus intelligemment pour que les choses changent. Même chose pour vous.

La preuve ? Prenez une feuille de papier et notez-y tous les équipements électriques et électroniques que vous possédez. Tous, même les brisés. Ça y est ? Parfait, j’imagine qu’il y en a des dizaines, n’est-ce pas ? Eh bien, je vous invite maintenant à réaliser que 80 % de ces appareils servent… moins de trois fois par an !

Et si vous consommiez mieux désormais? Et si vous achetiez moins, mais de meilleure qualité? Et si vous songiez même à réparer au lieu de systématiquement remplacer? Mine de rien, ça changerait tout : un allongement de la durée de vie de 50 % des produits (électroménagers, informatiques, de télécommunication, d’ameublement et textiles) permettrait une économie en émissions de CO2 deux fois supérieure aux émissions annuelles du transport aérien, indique Laetitia Vasseur, cofondatrice et directrice de l’organisme Halte à l’obsolescence programmée (HOP), dans son livre Du jetable au durable.

Oui, et si nous commencions à alléger notre vie, à la simplifier, à l’embellir… Peut-être deviendrons-nous tous les champions du climat !

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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