D’après les professionnels du secteur, les compétences techniques ont une importance moindre aujourd’hui. (Photo: Sales Navigator / Unsplash)
CHASSEURS DE TÊTE. Quasiment un tiers des employés britanniques (32 %) ne savent pas quelles sont les compétences demandées par un employeur lors d’un recrutement, selon une étude menée par la firme de recrutement Michael Page. Il faut dire que les attentes ont profondément évolué ces dernières années. Selon ce même rapport, près de la moitié des sondés (45 %) estime que leurs compétences ont significativement changé dans les dix dernières années.
Ce qui est sûr, d’après les professionnels du secteur, c’est que les compétences techniques ont une importance moindre aujourd’hui. «On passe de moins en moins de temps à les évaluer, au profit des compétences comportementales et relationnelles», confirme Louise Martel, associée chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
La raison ? «Les outils et les connaissances évoluent très vite. Le savoir qui était bon hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Une entreprise a parfois plus intérêt à aller chercher un logiciel qu’une personne qui maîtrise une compétence spécifique. Du moins, elle aura plus tendance à aller chercher quelqu’un qui est capable d’apprendre plutôt que quelqu’un qui connaît», affirme Didier Dubois, cofondateur et stratège en solutions RH numériques chez HRM Groupe. «Même les experts de certains domaines ont du mal à suivre, renchérit Sébastien Savard, président cofondateur de Sourcinc. En matière de chaîne de blocs (blockchain), par exemple, les meilleurs ne font cela que depuis quelques années seulement. J’ai même l’impression que la technologie va plus vite que ce que l’être humain est capable d’apprendre.»
Compétences comportementales et transférables
Devant la péremption de plus en plus rapide des connaissances, la tendance est donc aux compétences «transférables» et comportementales. «Le savoir peut s’apprendre, alors que le savoir-être est bien plus long à développer pour un individu», justifie M. Dubois. Un mouvement aussi dicté par le besoin des organisations d’évoluer de plus en plus rapidement. «On ne recrute plus pour un poste, mais pour une perspective de carrière, aujourd’hui. Les postes, ça n’existe plus», annonce Jean-Baptiste Audrerie, chef de pratique, Transformation & Technologies RH chez Horizon RH.
Signes de cette évolution : les rapports décrivant les aptitudes comportementales les plus recherchées fleurissent sur le marché. Pour Michael Page, l’adaptabilité est la compétence numéro 1 à avoir en 2019. LinkedIn, lui, ne la place qu’au quatrième rang derrière la créativité, la persuasion et la collaboration. Pour le Forum économique mondial, la créativité est en effet importante, au même titre que la résolution de problème complexe et la pensée critique.
Des compétences qui se retrouvent aussi dans la bouche des chasseurs de têtes québécois. «Nos clients cherchent du leadership, une capacité d’innovation, d’adaptation au changement, de jugement critique et des habiletés numériques», détaille Éric Mallette, président de La Tête Chercheuse. «La facilité à naviguer dans des situations complexes, à gérer la pression au travail ou à appréhender positivement le changement sont des habiletés recherchées», énumère quant à lui Stéphane Dignard, président de la firme Recrutement Intégral.
François Lefebvre, président du cabinet Lefebvre & Fortier, ajoute aussi : «La capacité à anticiper les besoins, à mobiliser, à synthétiser et à vulgariser, bref, à bien communiquer.» «On cherche plus des personnalités que des compétences, aujourd’hui», résume Jean-François Boudreault, associé chez RCGT.
Les bons mots-clés sur un profil ne font pas tout
Avec la technologie de plus en plus présente dans les processus de recrutement, M. Dubois conseille ainsi d’optimiser sa présence en ligne : «Si vous n’avez pas les bons mots-clés dans votre profil, vous serez nettement moins visible auprès des recruteurs.» Un constat toutefois nuancé quand il s’agit de chasseurs de têtes, selon M. Boudreault : «C’est sûr que si la personne est sur LinkedIn, cela va nous faciliter la vie. Notre rôle, cependant, est d’aller chercher partout (ordre professionnel, organigramme, etc.). D’autant que les gens sont de plus en plus informés des bons mots à indiquer sur un CV, donc il faut aller au-delà.»
«De toute manière, même s’ils ont un beau CV bien écrit, les candidats ne peuvent pas nous tromper en entrevue par la suite», sourit Mme Martel. À ce sujet, la spécialiste recommande de bien se préparer à décrire clairement ses expériences professionnelles et à cerner les enjeux de l’organisation qui recrute. «La principale qualité d’un candidat envers un recruteur, c’est la transparence. Nous ne sommes pas là pour vendre un poste, mais pour comprendre sa situation et l’aider dans son cheminement de sa carrière», ajoute M. Dignard.
Un constat partagé par M. Mallette : «Je cherche de l’authenticité et une capacité d’introspection chez une personne, avec des exemples concrets pour démontrer ses compétences. Je veux comprendre ses motivations réelles et je suis plutôt sceptique devant quelqu’un qui est prêt à tout faire.»