Les coûts de commutation et l’économie d’échelle
Les investigateurs financiers|Publié le 19 avril 2019Un train de métro à la station Lionel-Groulx (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Pour continuer là où nous en étions restés la semaine dernière, nous présentons dans cet article les avantages concurrentiels obtenus grâce aux coûts de commutations et à l’économie d’échelle. Ceux-ci ne sont peut-être pas aussi évidents que ceux évoqués précédemment, soit la faible structure de coût et les actifs intangibles, mais ils constituent des modèles commerciaux très puissants.
Les coûts de commutation sont les dépenses nécessaires encourues par les clients pour passer d’un fournisseur à un autre. Ils peuvent se traduire en argent, mais aussi en temps perdu. Les coûts de commutation sont encore plus élevés lorsqu’un produit est essentiel aux opérations d’une compagnie cliente, car sans lui les opérations commerciales doivent s’interrompre. Un client «dépendant» est très rentable pour une entreprise, car elle n’a plus à dépenser les énormes sommes marketing dans la course interminable pour acquérir de nouveaux clients.
Le secteur bancaire canadien illustre certaines de ces caractéristiques. Cette enquête de Yahoo montre qu’environ 19% des Canadiens ont changé de banque sur une période de 5 ans. En d’autres termes, sur un groupe de 100 Canadiens, il faut environ 25 ans à chaque personne du groupe pour passer à une nouvelle banque. On parle ici d’une vraie relation à long terme! La dynamique du système bancaire canadien renforce essentiellement ces coûts de commutation. Les grandes banques opèrent dans un oligopole réglementé qui offre aux clients des alternatives limitées. Les prix sont stables, sans concurrence interbancaire importante. Lorsque ING Direct Canada a tenté de présenter une solution de rechange aux cinq grandes banques, elle a finalement été engloutie par la Banque Scotia en 2012, pour ensuite changer de marque pour Tangerine.
Dans certains cas, une entreprise peut réussir à atteindre un niveau d’économies d’échelle qui empêche les nouveaux entrants d’être concurrentiels.
Le métro de la STM, un service que les Montréalais utilisent quotidiennement constitue un bon exemple d’économie d’échelle. Le métro a été mis en service en 1966 à un coût initial de 213 millions de dollars. Avec des milliards de dollars de mises à jour du réseau, de nombreux wagons et 10 milliards de déplacements plus tard, nous avons maintenant un système qui sert d’artères urbaines. Il serait illogique financièrement de développer un autre système de métro. Outre les obstacles municipaux à surmonter, les coûts d’un nouveau système seraient exorbitants en dollars actuels et risqueraient de ne pas fonctionner correctement. Bien qu’aucune augmentation de prix ne passe sans une plainte ou deux, chacun accepte la réalité de payer davantage. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une société cotée en bourse, on peut dire que la STM dispose d’un pouvoir de fixation des prix grâce à son économie d’échelle. Pour qu’un service de transport en commun similaire soit compétitif, il devra répartir de grandes dépenses d’investissement initiales sur un nombre d’utilisateurs suffisamment important pour pouvoir réaliser un bénéfice attrayant par passager/par trajet.
Pour clore cette série, nous discuterons de la dernière source majeure d’avantage concurrentiel, soit l’effet de réseau, et son étendue dans de nombreux modèles commerciaux récents.
Patrick Thénière, CIM, Associé Barrage Capital