Édith Jacques, associée au groupe de droit des affaires de Lavery
FUSIONS ET ACQUISITIONS. Comment gérer une transaction internationale de 1,7 milliard de dollars américains ? Édith Jacques connaît la réponse. C’est elle qui a dirigé l’équipe lauréate de la Transaction transfrontalière de l’année, un prix décerné par le Club M&A dans le cadre de son gala annuel qui s’est déroulé début mai. Associée au groupe de droit des affaires de Lavery, elle a remporté le prix avec ses collègues Judith Houle-Couture et Pierre-Olivier Valiquette pour la vente de l’entreprise Camso, de Magog, au géant français Michelin.
Qualifiée par Mme Jacques de «beau petit bijou caché du Québec», Camso possède près de 50 sociétés composées d’entreprises manufacturières et de distribution ainsi que de sociétés d’investissements et commerciales dans 26 pays. C’est là une réalité qui pose bien des défis.
Le premier est sans doute celui du décalage horaire, qui peut être de 8, 10 ou 12 heures lorsqu’il s’agit de pays aussi éloignés que le Vietnam, la Corée ou le Sri Lanka, dans lesquels Camso détient des opérations. «Il faut travailler avec l’avantage du décalage, dit Mme Jacques. Parfois, on travaille donc de nuit pour envoyer nos questions parce que si on attend au lendemain, nos intervenants seront couchés et nous perdrons 24 heures.»
Malgré ce défi et les retards potentiels que la situation pourrait engendrer, l’équipe a réussi à livrer la transaction dans un délai que Mme Jacques considère comme très court, compte tenu de l’ampleur de la transaction. Son équipe a ainsi commencé à travailler sur le mandat au début de mois de mai, l’an dernier, et la signature du contrat de vente d’actions (SPA) s’est faite à la mi-juillet. La clôture a eu lieu le 18 décembre.
«J’ai déjà fait des transactions de moindre envergure et pour lesquelles nous n’avions pas besoin d’autant d’autorisations gouvernementales, mais qui ont pris un an à clôturer, dit Mme Jacques. Donc dans ce cas-ci, c’est rapide.»
Faire circuler l’information
Qu’est-ce qui a impressionné les deux juges qui ont choisi les lauréats de la Transaction transfrontalière de l’année ? Eric Cardinal, vice-président sénior du Club M&A, n’entre pas dans les détails, mais énumère les principaux critères qui ont servi à choisir le gagnant. La structure de la transaction financière était d’abord prise en compte, tout comme la complexité des structures juridique et fiscale. Que le professionnel ait proposé des solutions créatives par rapport aux complexités et aux risques présentés comptait également, de même que sa résistance, sa ténacité et l’efficacité de la négociation. Le maintien des emplois au Québec ou au Canada était un autre facteur qui a joué dans la balance.
«Si l’équipe de Lavery a gagné, pour la transaction Camso, c’est donc qu’elle a coché toutes les cases et qu’elle a obtenu un haut pointage dans chaque catégorie», dit M. Cardinal.
La transaction de Camso impliquait des dizaines d’intervenants, allant de la direction de l’entreprise aux vendeurs de différents types, comme les actionnaires institutionnels tels que le Fonds FTQ, Desjardins Capital de risque et la Caisse de dépôt et placement du Québec, en passant par l’équipe torontoise de Baker McKenzie, un cabinet international avec lequel travaillait conjointement Lavery dans le cadre de ce mandat.
«Ça faisait beaucoup de gens à tenir informés, et mon rôle était de m’assurer que l’information circule, que tout le monde reçoit le bon renseignement au bon moment, explique Mme Jacques. On a donc dû mettre en place des protocoles de communication.»
Une salle de données (dataroom) a notamment été mise en place, dans laquelle des milliers de questions et de réponses se sont accumulées au fil des semaines. «Autrement, nous n’aurions pas réussi à traverser la période allant de mai à juillet, dit Mme Jacques. Ce sont des milliers de documents qui ont été déposés dans ce tracker-là, de même que des analyses et d’autres renseignements relatifs à la négociation des contrats et à la vérification diligente (due diligence).»
De plus, l’équipe de Lavery a dû faire un travail serré de coordination des intervenants en organisant des appels réguliers et hebdomadaires avec différents groupes impliqués dans la transaction : procureurs acheteurs et vendeurs, avocats externes, équipe de direction.
La bonne collaboration et le travail d’équipe exemplaire sont d’ailleurs en bonne partie responsables, juge Mme Jacques, de la livraison de la transaction dans un délai si court.
Maintenant, comment décrocher un mandat d’une telle envergure ? «Camso, c’est un client avec lequel je travaille depuis des années», raconte Mme Jacques. Elle a fait plusieurs transactions pour l’entreprise en plus de lui rendre d’autres services plus courants. «Je crois donc que ce mandat-là est simplement le résultat de plusieurs années de confiance mutuelle. On ne fait pas de transaction stratégique comme celle-là avec quelqu’un en qui on n’a pas confiance.»