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BLOGUE INVITÉ. Aujourd’hui, j’aimerais faire le point sur les motivations m’ayant poussée à écrire mon livre, Entreprise familiale : Jaser d’affaires en famille sans casser de vaisselle.
J’ai voulu explorer la dynamique singulière des familles en affaires pour trouver ce qui pouvait être fait pour les appuyer dans leurs défis au quotidien. Pour tous ces pères, mères, enfants et parents des entreprises à venir. Autrement dit, pour que tout ce beau monde se retrouve et réussisse à mieux se comprendre individuellement et à découvrir comment naviguer ensemble de manière harmonieuse entre la cellule familiale et l’entreprise, afin d’assurer leur pérennité.
Pour moi, c’était aussi une manière de rendre hommage à mon père, cet homme formidable qui a travaillé fort pour transférer son entreprise à ses six enfants. Tellement fort en fait, qu’il a malheureusement négligé de prendre du temps pour lui, afin de réfléchir à son identité de post-fondateur.
Riche…mais complexe
Trop de familles en affaires perdent de vue qu’elles se sont lancé un double – mais ô combien valorisant – défi : faire fonctionner leur entreprise et être une famille unie. Elles doivent ainsi s’assurer que chacun des membres puisse avoir l’espace pour se développer sainement sur le plan personnel, tout en trouvant une façon de travailler ensemble sur leur cohésion dans l’entreprise.
Ça fait beaucoup de besoins à identifier et à départager, de là la complexité. Et pour arriver à les nommer, il existe un outil très simple, mais fortement redouté des familles : les émotions. Combien de personnes croient encore qu’il vaut mieux taire ce qu’elles ressentent, au risque de créer des conflits? Les membres d’une famille en affaires sont habitués de refouler leurs émotions, par peur de briser la dynamique familiale. Alors qu’au contraire, il faut leur faire plus de place. Il n’est pas rare qu’ils se disent «je pense qu’il y a un problème dans nos façons de faire, mais je ne le nommerai pas, parce que j’ai peur que les autres le prennent mal».
En fait, éviter les sujets délicats est le problème numéro 1 des familles en affaires. Ce silence sur les sentiments de chacun entraîne plutôt des dysfonctionnements, un manque d’efficacité et une brisure possible des liens familiaux.
L’émotion, un frein ou une force?
Discuter pour mieux vous comprendre, c’est justement l’objectif central de mon livre. J’y propose différents moyens facilitateurs pour cueillir ce que les émotions ressenties veulent vous faire découvrir, c’est-à-dire le besoin qui se cache derrière : besoin de changement? De plus de sécurité au travail? De vous développer en réalisant de nouveaux défis?
Affirmez-vous et exprimez aux autres votre insatisfaction. Ils ne peuvent pas deviner ce qui se passe dans votre tête. Par exemple, si vous êtes fâché contre vos parents qui ne vous donnent pas la chance d’innover au sein de l’entreprise, il faut d’abord que vous nommiez clairement votre besoin afin qu’ils comprennent mieux votre volonté et vos projets.
Explorer vos besoins individuels en plus de prendre en compte ceux de l’entreprise vous permettra d’atteindre un épanouissement équilibré. Bien entendu, ça reste tout un défi de parvenir à s’ouvrir et à s’écouter les uns les autres. Mais ça, ça se travaille!
Harmonie à même les conflits
Selon la courbe idéale des conflits (d’après les travaux de Tia McDonald et Maria I. Marshall, « Structural Household difference and the effect on conflict quality »), il y en a plusieurs types. Par exemple, ceux liés aux rôles, aux questions de justice, aux étapes de chacun dans son cycle de vie, aux confusions de l’autorité, aux revenus perçus comme inéquitables, à la charge de travail… S’il y a trop peu de conflits, de mauvaises décisions peuvent en résulter, tandis que des conflits trop nombreux peuvent amener l’entreprise dans l’inaction et l’indécision.
La vie personnelle et professionnelle est interconnectée. Dans la vie de tous les jours, parler du travail en famille est sans conséquence puisque les dirigeants ne sont ni dans la pièce ni dans la famille. Alors que dans une famille en affaires, les loisirs se font souvent avec nos collègues, notre supérieur… puisque ce sont des membres de notre famille. C’est souvent une des raisons pour laquelle les gens achètent la paix, mais à quel prix?
Par contre, si c’est abordé avec un processus perçu par tous comme efficace, chacun pourra réfléchir à ses besoins et les verbaliser pour prendre des décisions plus éclairées et porteuses d’harmonie et de pérennité. Il est ressorti que les familles en affaires qui priorisent les besoins de l’entreprise ont plus de facilité à avoir des conflits qui améliorent les relations. Plus les personnes ont de l’expérience dans l’entreprise et plus c’est possible d’avoir des conflits qui améliorent les relations. On peut voir que la performance des familles en affaires est directement liée à la bonne gestion de ces conflits, qui leur permet d’atteindre le maximum de puissance.
Autrement dit, c’est parce qu’elles ont développé des manières saines de résoudre les problèmes rencontrés que les familles en affaires ont gagné en force et en équilibre, leur permettant d’atteindre de plus grands défis. Une excellente nouvelle pour ceux qui argumentent souvent lors des repas en famille!
Bien sûr, l’ambiance d’ouverture de votre famille en affaires ne changera pas du jour au lendemain. Pour commencer, abordez des sujets moins difficiles, explorez des changements de « recettes » possibles entre vous. Cette transition en douceur permettra à votre famille de développer sa capacité à se remettre en question.
Je vous invite à créer ensemble plus de moments pour capter vos émotions et les partager avec votre entourage.
Je vous souhaite ardemment le plus grand des succès. En espérant que cette expérience vous redonnera le goût de rêver et d’ouvrir de nouveaux possibles, de nouvelles avenues pour votre entreprise.
[1] Traduction libre. Structural Household difference and the effect on conflict quality , Tia McDonald and Maria I. Marshall, Purdue University