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Dominique Beauchamp

La Sentinelle de la Bourse

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Analyse de la rédaction

Les fournisseurs d’électricité encore un bon refuge?

Dominique Beauchamp|Publié le 12 juillet 2022

Les fournisseurs d’électricité encore un bon refuge?

Au cours des dix derniers mouvements baissiers, les quatre fournisseurs réglementés ont surpassé le S&P/TSX à neuf occasions, de l’ordre de 25% en moyenne. (Photo: 123RF)

BLOGUE. Dans un marché baissier, les fournisseurs traditionnels d’électricité servent encore une fois de refuge classique en Bourse.

Globalement, le secteur a bien résisté au ressac de la Bourse de Toronto affichant un recul de 0,6% par rapport au déclin de 11% de l’indice S&P/TSX, au premier semestre.

Flairant un ralentissement économique ou même une récession, les investisseurs se sont tournés vers ces titres plus stables afin de protéger leur portefeuille des vents contraires qui ont déjoué bien des experts depuis le début de l’année 2022.

Ce mouvement de foule, surtout tactique, a toutefois fait grimper l’évaluation du secteur à des niveaux élevés. Malgré tout, deux financiers considèrent qu’ils peuvent encore jouer leur rôle en portefeuille.

Les quatre fournisseurs réglementés d’électricité s’échangent en effet à une évaluation qui surpasse par 65 à 70% celle du S&P/TSX, en fonction des profits, un niveau qui rappelle celui de la crise financière de 2008-09, indique Maurice Chow, de RBC Marchés des capitaux. Cette plus-value fait sourciller, mais il ne faut pas oublier que l’évaluation actuelle du S&P/TSX ne reflète pas encore le déclin des bénéfices qui surviendrait dans une récession, fait-il valoir.

En d’autres mots, à ce state du cycle économique et des bénéfices, l’évaluation décalée du S&P/TSX exagère la «surévaluation» des fournisseurs d’électricité.

En fonction des taux d’intérêt repères de 10 ans qui servent à mesurer l’attrait comparatif des dividendes par rapport aux obligations et aussi à établir les tarifs d’électricité, les fournisseurs se négocient à l’intérieur des balises qui prévalaient avant la crise financière.

« En période de récession, ces sociétés devraient être en mesure d’augmenter leurs bénéfices à un rythme annuel de 4-6% tout en versant des dividendes de 3 à 4,5%. »

Au cours des dix derniers mouvements baissiers, les quatre fournisseurs réglementés ont surpassé le S&P/TSX à neuf occasions, de l’ordre de 25% en moyenne.

Lors des trois dernières récessions (incluant la sévère crise financière de 2008 et la courte récession pandémique), ces titres ont affiché une performance supérieure à celle du marché douze mois avant le début des récessions ainsi que pendant les premiers mois de la récession, précise Maurice Choy.

L’analyste en conclut que le secteur mérite sa réputation prudente. Non seulement ces entreprises souffrent-elles moins de chocs externes, mais elles peuvent aussi refiler au fil du temps une bonne partie de la hausse de leurs coûts d’exploitation aux clients.

Depuis la fin de mars, les quatre fournisseurs réglementés, soit Fortis (FTS, 60,54$), Emera (EMA, 60,63 $), Hydro One (H, 34,86$) et Canadian Utilities (CU, 39,26$), sont quasi-inchangés par rapport au recul de 13% du S&P/TSX.

Si Fortis est le titre le plus chèrement évalué du groupe c’est en raison de ses 48 années de dividendes croissants et de ses dix filiales réglementées dans plusieurs marchés d’Amérique du Nord. Maurice Choy prévient toutefois que plusieurs décisions tarifaires pourraient entraîner des soubresauts au cours des prochains mois, après quoi le dévoilement de nouvelles orientations cet automne pourrait offrir un catalyseur.

Sa consoeur Emera est 40% plus petite que Fortis en termes d’actifs, mais son évaluation inférieure en tient compte. Les activités floridiennes de sa filiale Tampa Electric ont aussi déjà obtenu une décision tarifaire favorable.

Fortis et Emera tirent aussi 60% de leurs bénéfices de leurs activités américaines et bénéficient donc de l’appréciation du billet vert.

Hydro One est aussi appréciée parce que le monopole ontarien se consacre entièrement à la transmission d’électricité, sans le risque associé aux centrales au gaz naturel, par exemple. De plus, la tarification provinciale repose sur une formule qui tient compte de l’inflation et des taux, d’ici 2027. En revanche, le titre s’est apprécié davantage que ses semblables cette année, explique l’analyste de RBC.

Canadian Utilities est bien nichée en Alberta en en Australie où la tarification est indexée indirectement à l’inflation. Le titre est aussi trois fois moins cher que celui de Fortis et pourrait bénéficier du retour d’une formule d’ajustement annuel automatique des tarifs en Alberta, à partir de 2024.

 

Un refuge à court terme pour les investisseurs actifs

Martin Roberge, le stratège sectoriel de Canaccord Genuity, est plus tranchant: les fournisseurs d’électricité sont carrément chers, mais la détérioration des perspectives économiques en font de bons choix à court terme.

Les services aux collectivités sont chèrement évalués peu importe la mesure. (Source:Canaccord Genuity)

Par ailleurs, les taux d’intérêt ont peut-être déjà atteint leur pic, ce qui est favorable aux fournisseurs d’électricité sur une base relative, avance-t-il.

Lors de ralentissements ou de récessions, ces titres se déconnectent des notions de valorisation puisque c’est la «visibilité» que procure la tarification à leurs bénéfices qui importe le plus, explique le financier de Montréal.

Les fournisseurs réglementés tendent à bien faire en Bourse jusqu’à ce que les indicateurs économiques avancés touchent leur creux ou que la Fed américaine signale que la hausse du taux directeur tire à sa fin.

Par contre, si la Bourse devait connaître un autre mouvement baissier dans les prochains mois, le stratège délaisserait les fournisseurs d’électricité pour ajouter aux placements dans d’autres secteurs moins chers ou plus aptes à profiter de la reprise qui suivrait la récession.