La gestion des facteurs ESG par une entreprise est d’ailleurs de plus en plus vue comme un indicateur important de sa culture et de son potentiel de croissance. (Photo: 123RF)
F&A. Les entreprises qui prennent la voie des fusions et acquisitions (F&A) cherchent généralement à accélérer leur transformation et à créer de la valeur. Les manières d’y arriver varient toutefois grandement.
La plus récente enquête de PwC auprès des chefs de direction canadiens révèle qu’un quart d’entre eux ne croient pas que leur entreprise sera encore viable dans dix ans si elle ne se transforme pas. Les F&A sont perçues comme une manière d’accélérer cette transformation en générant de la valeur non seulement sur le plan du rendement financier, mais pour toutes les parties prenantes de l’entreprise.
«On doit bien regarder quels éléments l’entreprise ciblée va nous apporter et établir les indicateurs clés pour mesurer la réussite de la transaction», souligne Miriam Pozza, associée du groupe Transactions de PwC Canada et dirigeante de l’équipe ESG Transactions au Canada et dans le monde.
Mais qu’est-ce qu’une transaction transformationnelle? Miriam Pozza donne l’exemple de l’achat de Coveris Americas par Transcontinental en 2018. Cette transaction faisait d’eux la septième plus grande entreprise du domaine de l’emballage souple en Amérique du Nord et confirmait son virage de l’édition vers l’emballage. «Transcontinental voulait se repositionner et il n’a pas hésité à utiliser l’outil des F&A pour se tourner vers un nouveau secteur», souligne Miriam Pozza, qui avait travaillé à cette transaction.
Les facteurs ESG
Actuellement, deux considérations occupent le haut du pavé dans les réflexions sur les F&A: le virage numérique et l’amélioration des performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). En ce qui concerne les ESG, une partie de cette attention porte sur la gestion des risques. L’examen de certains facteurs ESG s’ajoute alors à d’autres vérifications financières.
Cependant, les facteurs ESG peuvent aussi être perçus comme des vecteurs de création de valeur. «Dans le contexte actuel, ils peuvent devenir des catalyseurs qui aident à transformer une entreprise, donc les acquéreurs devraient toujours les prendre en considération», estime Miriam Pozza. La gestion des facteurs ESG par une entreprise est d’ailleurs de plus en plus vue comme un indicateur important de sa culture et de son potentiel de croissance.
Les données de Pitchbook montrent qu’en 2022, plus de 500 transactions au Canada, dont la valeur totale atteignait 46 milliards de dollars, comportaient des aspects ESG. Dans certains cas, des acquéreurs, notamment des fonds de capital de risque et des fonds institutionnels, ont acheté des entreprises qui fournissent de l’énergie renouvelable ou encore des produits et services qui favorisent l’efficacité énergétique, afin de miser sur des tendances qu’ils jugent prometteuses.
On voit aussi, par exemple dans le secteur de l’énergie, des transactions effectuées pour améliorer ses propres performances ESG. En 2021, Royal Dutch Shell a vendu ses actifs du bassin permien, aux États-Unis, à ConocoPhillips afin de réduire ses émissions totales de gaz à effet de serre. BP entend de son côté se départir de 25 milliards d’actifs d’ici 2025 pour financer son virage vers les énergies renouvelables.
Dans un récent rapport sur les F&A, PwC estime par ailleurs que l’«investissement d’une entreprise dans sa mission ESG et sa culture (y compris dans la gestion des talents et de la diversité et l’inclusion) est la principale source de création de valeur dans une transaction transformationnelle». L’ESG deviendra donc un outil de sélection des cibles, bien au-delà de la simple gestion des risques.
En cinquième vitesse
La transformation passe aussi par d’autres éléments, plus traditionnels. «L’acquisition de nouvelles technologies ou de nouveaux produits ou services restent l’une des principales raisons pour lesquelles une société envisage d’en acquérir une autre», souligne Ralph Masella, associé de la Division des services-conseils transactionnels de KPMG. Dans les deux cas, une acquisition permet d’atteindre ces objectifs beaucoup plus rapidement qu’en développant les nouvelles technologies ou les nouveaux produits et services en interne.
«L’entrée dans un nouveau marché géographique représente un autre incitatif aux F&A», ajoute Ralph Masella. C’est le cas notamment lorsqu’un fournisseur fait affaire avec un client qui est situé dans plusieurs régions ou pays différents et qu’il souhaite pouvoir le servir partout où il se trouve. Procéder à l’acquisition d’une entreprise déjà constituée va beaucoup plus vite que d’installer une succursale, sans compter que cela peut ouvrir la voie à de nouvelles occasions commerciales.
L’acquisition de certaines expertises peut aussi se révéler transformationnelle pour une entreprise. «Les transactions visent maintenant assez souvent à aller chercher des savoir-faire et des connaissances, que ce soit pour combler ses propres faiblesses ou pour accélérer une transformation», souligne le consultant. Les acquéreurs mettent ainsi beaucoup d’efforts pour s’assurer que les talents resteront dans l’entreprise après la transaction.