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Les hausses du taux directeur affectent le marché

Claudine Hébert|Édition de la mi‑Décembre 2022

Les hausses du taux directeur affectent le marché

Six des dix plus grandes transactions de l’année 2022 sont survenues au cours du premier trimestre alors que le taux directeur se situait encore à un quart de point lors des mois de janvier et février, et à un demi-point en mars. (Photo: 123RF)

GRANDS DE L’IMMOBILIER. Les hausses continues du taux directeur de la Banque du Canada, qui est passé de 0,25 % à 3,75 % en moins de huit mois, ont eu pour conséquence de ralentir les activités transactionnelles du marché de l’immobilier commercial.

« Près de 60 % des transactions immobilières commerciales de plus de 1 million de dollars (M$) ont eu lieu avant le 31 mai, soit juste avant que le taux directeur ne franchisse le cap du 1 %. Par la suite, le marché a connu un fort ralentissement en matière d’activités transactionnelles », observe Katherine Torres, analyste du marché immobilier à JLR. D’ailleurs, six des dix plus grandes transactions de l’année 2022 sont survenues au cours du premier trimestre alors que le taux directeur se situait encore à un quart de point lors des mois de janvier et février, et à un demi-point en mars.

« Ces hausses répétées du taux directeur sont très perturbantes pour les propriétaires et les développeurs immobiliers, pour ne pas dire désastreuses », indique le PDG de Groupe Mach, Vincent Chiara. « Tous nos projets de développement sont remis en question. Ce bond de 3,5 % en moins d’un an, et qui n’est sans doute pas terminé, nous incite à revoir l’ensemble de nos calculs », dit-il.

 

Traverser la tempête

Même s’il n’était pas encore à la tête de Groupe Mach à cette époque, Vincent Chiara se souvient des années 1990, où le taux directeur se maintenait entre 7 % et 8 %. « Pendant cette période, c’étaient principalement les divisions des institutions financières, des compagnies d’assurance et des fonds de pension canadiens qui parvenaient à tirer leurs ficelles du jeu », se souvient le gestionnaire. Heureusement, poursuit le dirigeant, son entreprise a l’habitude de privilégier des emprunts à taux fixe à long terme. Une stratégie, dit-il, qui aide à traverser la tempête actuelle.

Même discours de la part du président de la Corporation immobilière Kevric, Richard Hylands, qui tend lui aussi, depuis la création de son entreprise, en 1997, à favoriser les emprunts à taux fixe de longue durée pour ses projets de développement. « C’est ce qui nous permet de surmonter ces périodes houleuses plus facilement que les autres développeurs et promoteurs qui misent, eux, sur des stratégies de financement à court terme. Plusieurs de ces développeurs auront sans doute de la difficulté à survivre au cours des prochains mois », mentionne le dirigeant Hylands.

Si le taux directeur continue de grimper, il ne serait pas étonnant que le marché immobilier commercial présente de belles occasions d’affaires d’ici les 12 prochains mois, anticipe Vincent Chiara. « Particulièrement pour les joueurs qui ont su garder les coudées franches », note-t-il.

L’équipe de la firme d’investissement américaine Blackstone envisageait justement ces hausses de taux d’intérêt, affirme la directrice générale et responsable de l’immobilier au Canada pour Blackstone, Janice Lin. « Raison pour laquelle nos stratégies d’investissement visent principalement des secteurs qui présentent de fortes occasions de croissance à long terme, telle que les centres de logistique », explique la gestionnaire. Selon elle, ces entreprises — propulsées par le commerce électronique — vont continuer de rechercher des propriétés à la fine pointe de la technologie, situées à proximité des grands centres urbains. Ce que contient justement le portefeuille d’immeubles de Pure Industriel.

 

Des FPI qui écopent

Quoi qu’il en soit, les fonds de placement immobilier (FPI) subissent déjà les contrecoups de la forte hausse du taux directeur en 2022. La plupart des titres de ces FPI ont fondu d’au moins 25 % depuis la première hausse en mars dernier, fait remarquer Mark Sinnett, vice-président exécutif du groupe des marchés des capitaux du Québec à JLL.

Le titre d’Allied Properties, qui détient plus de 4,2 millions de pieds carrés d’espace bureaux au centre-ville de Montréal, a été plus ébranlé, glissant de 48 $ à tout près de 26 $, une chute de plus de 45 % en huit mois.

« Pourtant, les valeurs fondamentales de ces fonds de placement immobilier n’ont jamais été aussi élevées, soulève le gestionnaire de JLL. Leurs taux d’occupation, même pour les FPI qui détiennent des tours de bureaux, s’élèvent au-delà des 90 %. Sans compter que leurs loyers ont augmenté. »

Selon Mark Sinnett, l’annonce de la vente du portefeuille de Summit Industrial Income REIT au fonds d’investissement de Singapour, GIC, et au FPI Dream Industrial REIT — une transaction de 5,9 milliards de dollars qui sera officialisée en mars 2023 —, est justement une conséquence directe de la hausse soutenue du taux directeur au pays. Juste avant que GIC et Dream annoncent leur intention d’acheter la totalité des parts de Summit au coût de 23,50 $ chacune, le 7 novembre dernier, le titre de ce FPI avait justement chuté d’au moins 27 % depuis la mi-mars.