De nouveaux joueurs s’installent dans l’industrie et drainent déjà les capitaux qui ont si bien servi les minières «traditionnelles» dans le passé. (Photo: Deon Hua pour Unsplash)
Le dernier rapport Mines 2022 de PwC nous apprend que les 40 plus grandes sociétés minières du monde ont connu des résultats financiers exceptionnels en 2021. Leurs revenus ont augmenté de 32 % et leurs bénéfices nets ont bondi de 127 %, ce qui leur a permis de distribuer à leurs actionnaires des dividendes en hausse de 130 %.
Le prix élevé des matières premières et la gestion prudente des coûts expliquent en bonne partie ces succès. L’année 2022 est en voie de produire des résultats similaires, malgré une montée inflationniste.
En fait, les minières se sont rarement retrouvées en aussi bonne santé financière.
Elles bénéficient d’un élan record, mais il devient difficile d’en prédire la durée. Parce que leur terrain de jeu, celui des matériaux miniers, subit de très profondes transformations et l’environnement macro-économique est incertain avec la menace d’une récession.
Un contexte d’affaires qui se transforme
En fait, c’est tout le contexte d’affaires qui se transforme. De nouveaux joueurs s’installent dans l’industrie et drainent déjà les capitaux qui ont si bien servi les minières «traditionnelles» dans le passé.
Ce changement accéléré, c’est celui de la transition énergétique et la course mondiale vers l’objectif «zéro émission nette».
Un changement qui provoque une véritable flambée de la demande pour les minéraux dits «stratégiques, essentiels ou critiques», essentiellement les matières premières requises pour produire l’énergie à faible émission.
On parle ici de trois groupes de minéraux :
- le groupe lithium, nickel, cobalt et graphite pour le stockage de l’énergie
- le groupe cuivre et aluminium pour le transport de l’énergie
- le groupe silicium, uranium et les terres rares pour la production des énergies solaire, éolienne et nucléaire
Et la course ne fait que débuter.
Explosion de la demande d’ici 2050
La demande pour ces minéraux augmentera de façon spectaculaire au cours des prochaines années. L’Agence internationale de l’énergie (AIÉ) estime qu’elle dépassera les 400 milliards de dollars d’ici 2050, l’équivalent du marché actuel du charbon.
Or, l’industrie est loin de répondre à cet appétit, et le déséquilibre s’accroît de jour en jour.
En fait, on constate déjà que tout le secteur des minéraux essentiels fait l’objet d’un sous-investissement considérable. Si la situation perdure, personne n’atteindra ses objectifs environnementaux.
Le philosophe Aristote soumettait l’idée que «la nature a horreur du vide». C’est ce qui se produit actuellement dans l’industrie.
Une nouvelle génération d’entreprises se positionne, en effet, pour extraire, traiter et fournir ces minéraux. Ces nouveaux joueurs s’associent aux clients directs de ces précieux ingrédients.
De grands constructeurs automobiles comme Tesla, Ford et GM sont déjà dans le coup afin de sécuriser leur approvisionnement.
À la défense des entreprises qui prennent du retard, les enjeux sont complexes. Nous en distinguons au moins cinq :
1. La volatilité des prix. Malgré une forte demande, les prix des minéraux essentiels sont encore sujets à une importante volatilité.
2. Les délais d’exécution. Les nouveaux projets miniers prennent du temps à être autorisés, financés et construits.
3. L’acceptabilité sociale. Plusieurs collectivités se mobilisent pour bloquer l’exploitation d’une mine dans leur cour. Les récentes manifestations des citoyens de Mont-Laurier inquiets de voir arriver une mine de graphite dans le secteur du parc régional Kiamika en constituent une manifestation sans équivoque.
4. Les risques géopolitiques. Les zones de conflits et les enjeux sanitaires, depuis la pandémie COVID 19, brouillent les cartes dans plusieurs régions de la planète en provoquant l’enrayement ou la rupture des chaînes d’approvisionnement. On assiste également à la résurgence du nationalisme des ressources. En avril dernier, par exemple, le gouvernement mexicain nationalisait ses ressources en lithium. Ce n’est pas anodin, quand on sait que le Mexique possède le dixième des réserves mondiales de lithium.
5. Les enjeux ESG. Les attentes au regard des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne cessent de croître dans la plupart des juridictions. Les dossiers sont nombreux :
- en matière d’environnement : développement durable, conservation de la biodiversité, qualité de l’eau, gestion des résidus, protocoles de fermeture de mines, etc.
- en matière d’engagements sociaux : conditions de travail, embauche de mineurs, droits des autochtones, partenariats avec les communautés locales, etc.
- en matière de gouvernance : transparence fiscale, adhésion aux solutions piliers 1 et 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) garantissant aux pays d’accueil le paiement d’une juste part d’impôt, etc.
Une bonne stratégie québécoise… sur papier
Le Québec n’est pas en reste dans cette course aux minéraux essentiels.
La stratégie québécoise de développement de la filière batterie comporte trois volets.
Il s’agit de l’exploitation et la transformation de minéraux entrant dans la fabrication des composants de batterie (comme des anodes et des cathodes), de la production de véhicules commerciaux électriques ainsi que du recyclage des batteries grâce au développement de technologies d’avant-garde.
Le grand projet gouvernemental a identifié neuf étapes dans la chaîne de production pour réaliser sa stratégie, de l’exploration au recyclage. Des projets sont annoncés à toutes les étapes à l’exception d’un fabricant de cellules.
Sur papier, les choses avancent, mais dans la réalité, il reste beaucoup à faire.
Je ne suis pas le seul à le dire: le temps presse !