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Pierre Cléroux

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Expert(e) invité(e)

Les premiers signes de ralentissement

Pierre Cléroux|Publié le 22 septembre 2022

Les premiers signes de ralentissement

L’industrie de la construction et le marché immobilier, qui avaient été le fer de lance de la reprise économique aux débuts de la pandémie, ont fortement ralenti. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. La situation était inévitable. En relevant ses taux d’intérêt de 0,75 point de pourcentage au début septembre, pour une cinquième hausse en 2022 qui a fait grimper le taux directeur de son niveau plancher de 0,25 % jusqu’à 3,25 % en à peine 6 mois, la Banque du Canada a ainsi entraîné un ralentissement de la croissance économique. Encore inquiète de voir le haut niveau de l’inflation perdurer trop longtemps, malgré la récente baisse des prix à la consommation, la banque centrale pourrait même faire un autre tour de vis et hausser davantage son taux directeur d’ici la fin de l’année.

La politique monétaire restrictive montre ainsi les premiers signes de son efficacité. Après avoir connu une solide première moitié d’année, l’accélération des hausses de taux d’intérêt a en effet amené l’économie canadienne à ralentir plus rapidement que prévu. Le PIB se serait déjà contracté de 0,1% entre juin et juillet et les gains seront de plus en plus difficiles dans les mois à venir.

Plusieurs indices témoignent de ce ralentissement économique. Même s’il reste historiquement bas, le taux de chômage a rebondi après avoir atteint des planchers historiques en juin et juillet et vient ainsi d’augmenter pour la première fois en sept mois au Canada, grimpant de 4,9% à 5,4%, tandis qu’il est passé de 4,1% à 4,5% au Québec. Le pays a perdu plus de 115 000 emplois, dont 25 000 au Québec, depuis le mois de mars.

Les secteurs les plus sensibles au taux d’intérêt ont réagi rapidement à l’ampleur du resserrement de la politique monétaire. L’industrie de la construction et le marché immobilier, qui avaient été le fer de lance de la reprise économique aux débuts de la pandémie, ont fortement ralenti. Les mises en chantier ont enregistré une baisse de 10 % de janvier à août, comparativement à la même période en 2021.

Le coup de frein se fait aussi sentir dans la consommation de biens durables, un secteur qui est le plus sensible aux augmentations de taux d’intérêt. Or, la situation financière des ménages se détériore et n’arrangera pas les choses. La richesse nette des ménages a en effet chuté de quelque 1 000 milliards de dollars au deuxième trimestre de 2022, enregistrant ainsi sa plus forte baisse de l’histoire. Cette perte de richesse, attribuable principalement au déclin des marchés boursiers, obligataires et immobilier, pourrait peser lourd sur la consommation dans les mois à venir. D’autant que le niveau d’endettement des ménages canadiens par rapport à leur revenu disponible est reparti en hausse pour atteindre 181,7% au deuxième trimestre.

Mince consolation: le ralentissement atténuera la pression ressentie par les entreprises québécoises qui sont confrontées à la pénurie de main-d’oeuvre et à des salaires qui ont fortement grimpés ces derniers mois. La rémunération horaire moyenne a en effet bondi de 8,4 % au Québec au cours des 12 derniers mois, comparativement à une hausse de 5,2% au Canada 

La question est maintenant de savoir quel sera l’ampleur de ce ralentissement. En relevant ses taux directeurs, la Banque du Canada semble en voie de réussir son pari de réduire le taux d’inflation. Le taux d’inflation qui exclut le prix de l’essence a connu une première baisse en août. Si la banque centrale ne va pas trop loin avec son augmentation des taux, l’économie canadienne s’en sortira sans tomber en récession.