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ANALYSE. Deux achats de plus de 400 millions de dollars américains (M$ US), chacun en une semaine. Il n’y a pas de doute, Lightspeed POS (LSPD, 75,07 $) est dans une course contre la montre pour se tailler une place dans le créneau des solutions de gestion infonuagiques pour commerces.
En septembre, la montréalaise Nuvei (NVEI, 59,50 $) a conclu le plus important appel public à l’épargne du secteur de la technologie et mobilisé 730 M$ US pour croître dans une autre spécialité très prisée, les solutions de paiement. L’éditeur ontarien de logiciels de droit Dye & Durham (DND, 28,00 $) multiplie, pour sa part, les émissions d’actions et les acquisitions depuis juillet pour consolider son industrie.
En Bourse depuis un an, le spécialiste de la gestion des formations en ligne pour entreprises Docebo (DCBO, 68,34 $) vient de s’inscrire au Nasdaq et de récolter 143,7 M$ US de plus pour financer sa stratégie de croissance.
Le petit producteur de boissons énergisantes à base de plantes Guru (GURU, 15,43 $) a aussi connu une entrée fulgurante. Son titre a triplé depuis un mois.
Le consultant en solutions numériques Pivotree (PVT, 10,77 $) et la plateforme vidéo BBTV Holdings (BBTV, 12,25 $), de Vancouver, sont deux autres nouvelles venues en Bourse ces dernières semaines.
De plus, si l’on en croit les chuchotements de Bay Street, le cybermarché de meubles de Colombie-Britannique Cymax, qui concurrence Wayfair (W, 244,85 $ US), songe à faire le saut au printemps, tandis que la start-up de services de santé mentale en ligne MindBeacon, qu’appuie Telus Santé, veut récolter 50 M$ dans une première émission publique imminente.
Cette effervescence est bienvenue pour donner naissance à de nouveaux acteurs, mais elle comporte les risques habituels aux premiers appels publics à l’épargne qui surviennent trop souvent lorsque la Bourse est la plus accueillante et généreuse.
Pourtant, la Bourse de Toronto a bien besoin de sang neuf si elle veut rester pertinente, surtout si l’énergie fossile est appelée à s’étioler à plus ou moins long terme, une fois que l’industrie pétrolière aura profité de la reprise après la pandémie. Le secteur de l’énergie représente encore 11,4 % du S&P/TSX.
Chaque décennie amène son lot de nouvelles venues qui remplacent celles qui n’ont pas su s’adapter aux changements de leur industrie. Le fabricant d’articles pour enfants, de vélos et de meubles Industries Dorel (DII.B, 14,47 $), par exemple, s’apprête à fermer son capital en janvier si les actionnaires acceptent l’offre de 14,50 $. La famille fondatrice et le fonds Cerberus Capital bénéficieront en privé du potentiel que recèlent la reprise économique et la nouvelle restructuration de la société.
La pandémie tire en avant les tendances qui devaient s’étaler sur plusieurs années et la crise oblige bien des entreprises à rattraper leur retard technologique dans l’urgence. Le défi pour les nouvelles recrues sera justement de profiter des occasions qui s’offrent sans se brûler comme Icare, qui a volé trop près du soleil avec ses ailes de plumes et de cire.
Le potentiel devra être à la hauteur des attentes si l’on se fie à la valeur qu’on lui accorde déjà. Un tour d’horizon révèle que les sept recrues ci-haut s’échangent à des multiples de 4 à 20 fois les revenus prévus dans 12 mois, sans avoir encore fait leurs preuves.
Le cas de Lightspeed
Fondée en mars 2005, mais en Bourse depuis mars 2019, Lightspeed POS est un acquéreur expérimenté. La société accélère tout de même la cadence avec six achats depuis mai 2019, dont ShopKeep et Upserve, ce mois-ci.
Thanos Moschopoulos, de BMO Marchés des capitaux, et Todd Coupland, de Marchés mondiaux CIBC, ne se formalisent pas du fait que Lightspeed paie le prix fort pour ses deux plus récentes proies (10,8 et 8,8 fois les ventes respectivement) grâce à la valeur d’échange de ses propres actions.
Avant le bond de 10,4 % de son action, du 2 décembre, le titre se négociait à un multiple de 30 fois le bénéfice d’exploitation prévu en 2021. Ces deux analystes sont ravis parce que les deux transactions haussent les revenus annuels de 50 %, à 243 millions de dollars américains, tout en éliminant deux concurrents dans l’impitoyable marché américain.
En un mot, Lightspeed accroît considérablement sa position concurrentielle, soutient Thanos Moschopoulos. Aux États-Unis, l’entreprise concurrence Toast et TouchBistro dans la restauration. Lightspeed a déjà une empreinte mondiale en servant 110 000 commerces, dont 42 % à l’extérieur de l’Amérique du Nord.
Upserve apporte sa clientèle de restaurants plus haut de gamme et de nouvelles fonctionnalités telles que l’analyse des achats des clients individuels à l’aide de leur carte de crédit, ajoute l’analyste. Lightspeed entend aussi intégrer à son offre les modules de gestion des horaires et des ingrédients et attirer les clients d’Upserve à son module de paiement. L’objectif : accroître le nombre de commerces qui s’abonnent à plus d’un module de façon à hausser les revenus par mois et les marges.
Dans son modèle, Thanos Moschopoulos prévoit que Lightspeed sera déficitaire d’encore 27 M$ et que ses flux de trésorerie libres seront négatifs de 19,4 M$ en 2022, malgré les revenus projetés de 355 M$.
Après une hausse fulgurante de 369 % de son action depuis mars 2019, qui a propulsé sa valeur boursière à 7,6 G$, soit 20 fois les revenus, le dur labeur ne fait que commencer pour cette vedette montante.