D’accord, il n’est pas évident d’identifier les ultimes, les plus gagnants de ce budget présenté mardi à Ottawa. Les retraités pourraient cependant être candidats pour ce titre. En tout cas, ils sont du bord du budget.
«La planification de la retraite, c’est la gagnante.» Voilà comment le planificateur financier Daniel Laverdière traduit mon impression. C’est plus juste.
Outre des bonifications réelles du Supplément de revenu garanti (SRG), un complément à la pension de la Sécurité de la Vieillesse destiné aux personnes âgées à faible revenu, les autres améliorations visant les retraités touchent essentiellement leur coffre à outils, pas celui qui traîne dans le garage, mais celui, métaphorique, qui leur permet de planifier leur revenu de retraite.
Mais d’abord, attaquons les choses concrètes : la bonification du SRG. Non, le gouvernement n’augmente pas les prestations, mais il hausse les revenus de travail qui peuvent être gagnés par un bénéficiaire du SRG sans que celui-ci se fasse couper sa prestation. Cette exemption passe de 3500 $ à 5000$ et est étendue aux revenus de travailleur autonome, autant pour le prestataire lui-même que pour son conjoint qui toucherait l’Allocation (une aide versée au conjoint du prestataire du SRG).
Le taux de récupération du SRG, au-delà de cette exemption, est très élevé. Généralement, 0,50 $ est retranché du SRG pour chaque dollar de revenu gagné. Ce taux de récupération du SRG sera réduit de moitié entre 5000$ et 15 000$ de rémunération tirée d’un travail, ce qui viendra diminuer le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) des gens concernés.
C’est un net progrès, mais Ottawa aurait pu se commettre davantage en étendant cette exemption aux revenus de retraite, comme ceux tirer d’un REER ou d’un FERR. Pas pour faire tomber les bonbons plus qu’il en pleut, mais pour une question de principe : pourquoi un revenu de travail, soit le résultat d’un effort présent, doit être traité différemment du fruit d’un effort passé, soit le revenu généré d’un retrait du compte REER?
Cette bonification a surtout pour objectif d’encourager le travail des personnes âgées à faible revenu.
Les deux autres mesures risquent de plaire davantage aux planificateurs financiers, car ce serait surprenant que le particulier y voie un grand avantage. Le gain est si peu évident au premier regard que j’en entends déjà la clientèle visée se demander à quoi cela peut bien servir.
D’abord, le gouvernement permettra aux retraités d’acheter une rente différée à partir d’argent provenant du REER. Qu’est-ce d’abord une rente différée? C’est une rente qu’on achète auprès d’un assureur, mais qui nous sera versé que des années après l’avoir achetée. Quel est l’avantage de ce type de produit? En achetant maintenant une rente dont les prestations ne seront versées que plus tard, celles-ci seront plus élevées. Mais quel est l’intérêt? Une rente viagère différée offre une protection accrue contre le risque de longévité ou, si vous préférez, de vivre jusqu’à un âge très avancé.
Pourquoi Ottawa permet-il désormais d’acheter une telle rente avec de l’épargne REER? La vraie question, c’est pourquoi elle ne le permettait pas jusque-là? Comme les contributions REER ont donné lieu à des déductions fiscales, le gouvernement est impatient de récupérer l’impôt. C’est pourquoi il force les retraités à effectuer des retraits minimums de leur REER/FERR à partir de 71 ans.
En permettant l’achat de rente différée, Ottawa renonce à des entrées fiscales à court terme. Un particulier pourra consacrer 25% de son REER, jusqu’à un plafond de 150 000$, pour faire l’acquisition d’une telle rente. Les sommes investies dans la rente ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraits minimums du FERR (l’extension du REER).
Outre le REER et le FERR, le RPDB, le RPAC ou le RPA à cotisations déterminées pourront être utilisés pour acquérir ce produit. Le particulier peut repousser les premiers versements de sa rente aussi loin qu’à l’année de son 85e anniversaire.
L’autre nouveauté touche les régimes de retraite d’employeurs à cotisations déterminées. Ces régimes ne garantissent pas de rentes. En fait, les cotisations de l’employé et de l’employeur, plus les rendements accumulés au fil des ans sont versés d’un coup, dans le REER ou le FERR du bénéficiaire.
Le système actuel ne permet pas au régime de retraite de verser des rentes directement aux bénéficiaires, une contrainte que vient lever le dernier budget. L’avantage de cette initiative réside dans le fait qu’elle permet de mettre les ressources des bénéficiaires en commun, un peu à la manière d’une rente viagère. Les rentes, variables, sont déterminées et ajustées chaque année en fonction des rendements du régime et de «l’expérience de mortalité» des participants. Les premiers à décéder viennent financer une partie de la retraite de ceux qui leur survivent. Plusieurs éléments de cette mesure restent à éclaircir, dont la manière dont sera gérée le «fonds de rentes».
Les bénéficiaires auront toujours le loisir de reprendre leurs billes et de ne pas participer à la mise en commun des fonds. Pour mettre en place ce «fonds de rentes», les administrateurs du régime de retraite doivent compter au minimum sur 10 participants.
Sans doute rien d’extravagant à première vue, mais il y là des petits éléments susceptibles de donner une nouvelle tangente à bien des planifications de retraite.