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Les RPA dans le creux de la vague

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑novembre 2023

Les RPA dans le creux de la vague

À chaque trois jours en moyenne, une RPA a fermé ses portes dans la province dans les trois dernières années et demie. (Photo: 123RF)

RÉSIDENCE POUR AÎNÉS. La hausse des coûts d’exploitation et la pénurie de main-d’œuvre donnent du fil à retordre au marché des résidences privées pour aînés (RPA), qui déploient différentes stratégies pour rester profitables. Comment y parviennent-elles ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), plus de 475 RPA ont disparu au Québec depuis mai 2019. À chaque trois jours en moyenne, une RPA a fermé ses portes dans la province dans les trois dernières années et demie.

Le nombre total de logements en RPA a même commencé à diminuer en 2023. Les rares ouvertures de nouveaux immeubles d’habitation destinés à héberger des personnes âgées compensent à peine les fermetures. Par exemple, 944 unités ont ouvert au Québec tandis que 744 ont fermé lors du premier trimestre de 2023, selon un rapport de marché réalisé par Côté Mercier Service de données.

« La pandémie de la COVID-19 a exacerbé des problèmes qui existaient auparavant, affirme Marc Fortin, président-directeur général du RQRA, qui représente près de 800 membres, propriétaires et gestionnaires de RPA. Sans un sérieux coup de barre de la part du gouvernement, la tendance va se poursuivre. »

 

La faute à l’État

Dans un mémoire déposé récemment dans le cadre des consultations sur le projet de loi no15 (Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace), le RQRA lance plusieurs flèches à l’endroit des CISSS et CIUSSS, de qui dépendent les RPA pour les certifications, certains soins et services pour leurs résidents, et ainsi de suite.

« On constate que les coûts sont en hausse (en bonne partie à cause de décisions gouvernementales), que la main-d’œuvre est difficile à recruter (en bonne partie à cause de décisions gouvernementales) et que les revenus ne suivent pas… en bonne partie à cause de décisions gouvernementales », lit-on dans le document.

Ces réalités seraient vécues durement par les propriétaires indépendants, c’est-à-dire qui ne font pas partie de grands groupes comme Chartwell, Groupe Maurice et Les Résidences Soleil. « Plusieurs rapportent se faire bosser par des gens des CISSS et des CIUSSS insensibles à leur réalité », raconte Marc Fortin.

Les opérations sont plus complexes que jamais. Les RPA se font accaparer un temps précieux et croissant pour remplir de la paperasse exigée par les CISSS et les CIUSSS, avec qui la communication est par ailleurs laborieuse. Sans parler de la réglementation de plus en plus lourde — gicleurs, seuils de personnel, formation obligatoire, etc.

Résultat ? « Les propriétaires de RPA ne se sentent plus maîtres chez eux. Et notre domaine d’activité devient peu attractif pour des investisseurs potentiels, comme en témoigne le faible taux de mises en chantier de nouveaux projets de RPA », regrette le porte-parole.

 

Nouveau modèle d’affaires ?

Il faut dire que la clientèle des RPA change et continuera de le faire dans les prochaines années, vieillissement de la population oblige. Selon l’Institut de la statistique du Québec, le quart des Québécois seront en effet âgés de 65 ans et plus en 2031. En 2061, près du tiers sera dans cette situation.

Ces milieux de vie destinés — et donc construits — pour des aînés autonomes et semi-autonomes accueillent désormais des résidents en perte plus ou moins prononcée d’autonomie. Cela les force à fournir un niveau de soins et de services de plus en plus élevé, mais aussi de plus en plus coûteux.

«Les RPA de type tout-inclus, où le mode de vie ressemble à celui dans un hôtel, peinent à joindre les deux bouts. Ce modèle d’affaires dominant lors de la décennie 2010 est en perte de vitesse», avance Emmanuel Paquette, directeur des études de marché chez Côté Mercier Conseil immobilier.

L’avenir serait davantage aux RPA de catégories 3 et 4 (ou hybrides) dans lesquelles on retrouve des logements consacrées aux résidents qui, jadis, auraient pris le chemin de ressources intermédiaires. Le but : allonger le séjour de ces aînés en RPA de manière justement à soulager le réseau d’hébergement public.

«Les RPA ont beau être des entités privées, elles sont impliquées indirectement dans les missions de santé et de services sociaux, observe Louis Demers, professeur à l’École nationale d’administration publique. Cette articulation entre le public et le privé va forcément prendre plus d’ampleur. »